Ségolène Royal rejoint Jean-Pierre Chevènement
Et non l’inverse. Dimanche 10 décembre 2006 a vu se sceller des accords qu’on peut qualifier d’historiques entre le Parti socialiste et le Mouvement républicain et citoyen de Jean-Pierre Chevènement. C’est alors que Ségolène Royal est arrivée...
Au moment même où, à quelques kilomètres de là, des communistes et des ultra-gauche peinaient à réunir les « unitaires » désunis occupés à s’invectiver à qui mieux-mieux, Ségolène Royal, elle, est venue rejoindre à Paris l’ancien ministre de l’Intérieur.
Les accords passés ce week-end sont historiques, car le PS, après avoir mené une silencieuse campagne de dénigrement à l’endroit de Jean-Pierre Chevènement, fondateur du même Parti socialiste, a enfin pris acte de ce qui s’était passé le 29 mai 2005, quand le peuple dans sa majorité a rejeté le projet de Constitution européenne et tout ce qui aurait pu en découler. Cela ne s’est pas passé sans la constance du travail des chevènementistes sur les questions européennes ; constance de longue haleine puisqu’il faut remonter au Mouvement des citoyens pour retrouver les critiques portées contre le système antidémocratique de Bruxelles.
Invitée surprise du jour, Ségolène Royal s’est voulue rassurante. Aux délégués nationaux réunis en convention, elle s’est d’abord ouverte sur les rencontres régulières qu’elle avait eues avec son ancien collègue du gouvernement Jospin, et sur ses valeurs. Au fond, les mêmes valeurs, selon elle, que celles de Chevènement : l’éducation à la base de toute la citoyenneté. Elle a même tenu à rappeler qu’elle s’était fait « une joie de faire partie d’un gouvernement dont faisait partie Jean-Pierre Chevènement ».
Pour une surprise, ce fut une surprise, car les délégués nationaux du MRC avaient appris dans la matinée de la bouche de celui qu’ils croyaient encore être leur candidat « naturel », que des négociations avaient eu lieu avec la direction du Parti socialiste jusqu’à 23 h 30 samedi soir. Quelque peu étourdis encore de ce qui venait de leur arriver (on ne sort pas indemne de cinq années de persécution politique), ils ont alors vu Chevènement accueillir Mme Royal et l’embrasser.
L’image valait son pesant d’or. Tout y était, le baiser du Che à la Madone. La synthèse de la gauche républicaine et de la seconde gauche. La réconciliation de la gauche du oui et de la gauche du non. La reconnaissance des vaincus aux vainqueurs. Car le symbole a son importance, c’est elle qui est venue à lui ce jour-là.
Une union pour quel bébé ?
Car c’est tout l’enjeu. Georges Sarre (premier secrétaire du MRC et maire du XIe arrondissement), Jean-Luc Laurent (vice -président du Conseil régional d’Île-de-France), Jean-Marie Alexandre, directeur de campagne qui tient l’importante fédération du Pas-de-Calais, et Chevènement lui-même, ont mené les tractations durant une semaine avant d’aboutir à des accords politiques et électoraux.
Sur le plan politique, lesdits accords que Jean-Pierre Chevènement a obtenus et soumis ad referendum dans les deux partis établiraient que :
- le Parti socialiste et le MRC définiront un programme de législature alternatif à la droite, face à la dérégulation néolibérale et face à l’abandon des services publics.
- le PS prend acte du vote des Français le 29 mai 2005 et refuse toute ratification du texte rejeté conformément à la volonté populaire.
- s’entendent le MRC et le PS pour réorienter la construction européenne et notamment réformer le pacte de stabilité budgétaire, donner un gouvernement économique à la zone Euro (réforme de la Banque centrale européenne).
- impulsent un effort à la recherche et à l’industrie spécialement dans les secteurs vitaux et stratégiques (par exemple en luttant contre les OPA hostiles sur nos grandes entreprises)
- favorisent une stratégie énergétique à prix constants et sans effet de serre comme l’énergie nucléaire, par exemple.
- tentent de modifier les règles qui président à l’OMC, et par là, lutteront contre les délocalisations en renforçant le tarif extérieur commun (divisé par vingt depuis 1996).
Enfin, le parti de Jean-Pierre Chevènement propose que le projet d’égal accès à la citoyenneté des jeunes de la République ne soit pas qu’une promesse, et pour cela, de renforcer le rôle de l’Etat où c’est encore possible, de renforcer la politique du logement social,d’impulser la création d’un service civique de quelques semaines, créateur de lien social pour la jeunesse, et répondant aux besoins civils et militaires. Il insiste sur la nécessité d’une politique active de codéveloppement avec les pays d’Afrique, un partenariat en Méditerranée et en direction de la Russie pour stabiliser la paix sur notre continent européen.
Sur le volet électoral, lesdits accords établissent que :
- Aux élections législatives de juin 2007, le MRC présentera des candidats soutenus par le PS (Ardennes, Bouches-du-Rhône, Drôme, Indre, Nord, Seine-et-Marne, Var, Territoire-de-Belfort, Val-de-Marne, Creuse)
- Le MRC présentera des candidats suppléants aux candidats présentés par le PS dans les circonscriptions du Pas-de-Calais, du Rhône, de Paris, des Vosges, de la Manche, et une dans le grand Sud-Ouest.
- Le MRC présentera ses propres candidats à côté des candidats soutenus par le PS dans une soixantaine de circonscriptions qui seront choisies ultérieurement. Mais il n’y aura pas de candidat MRC où le député sortant est soutenu par le PS.
15% des délégués du MRC ont exprimé leur refus d’une telle alliance, travaillant la veille même pour le Che, collant affiches, rédigeant tracts, faisant le matin même une campagne pour un tout autre candidat. Les autres ont accueilli Ségolène Royal sans naïveté et sans enthousiasme, peut-être las d’être considérés comme les moutons noirs de la politique locale au sein de la gauche, se fustigeant dans des circonscriptions où pourtant le FN fait entre 20 et 30 % des voix.
Mais il en va d’un accord de principe en politique comme du principe de réalité : l’affronter et s’en accommoder, c’est déjà grandir. Si le destin de la France est en jeu dans la présence probable d’un Nicolas Sarkozy et d’un Jean-Marie Le Pen à l’élection suprême, l’enjeu vaut donc la chandelle.
C’est cela aussi, être républicain.
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