Sénatoriales : mises au point et incidences oubliées
In memoriam de Gaston Monnerville.
Pauvre président du Conseil de la République puis du Sénat, ces deux Hautes Assemblées qu’il présida successivement de 1947 à 1968, sous la IV° puis la V° République ! Lui, le Radical Socialiste ( Gauche Démocratique en 1948 puis Radical de Gauche en 1972) n’était donc pas de gauche durant les dix premières années de la V° République puisqu’on proclame, urbi et orbi, que pour « la première fois depuis dimanche le sénat est à gauche ». Ou alors avait-il été élu par une Assemblée de droite si complaisante qu’elle portait à sa tête un opposant notoire, même au sacro-saint Général de Gaulle.
Bien qu’en désespoir de cause, dans la conjoncture de 1958, il ait contribué au retour du général, il a plus d’une fois manifesté sa réprobation allant jusqu’à accuser le premier ministre( George Pompidou) de forfaiture : sur « ordre » de l’Elysée, ce dernier avait signé le décret de projet de référendum en 1962, jugé anticonstitutionnel, par le juriste Monnerville. De même, il contribua par ses prises de position tranchées, au rejet du référendum de 1969 portant entre autre une réforme du sénat.
A quelques mois près ( s’il n’avait pas renoncé à sa présidence en 1968) il aurait pu être président de la république par intérim après la démission de De Gaulle. Ce fut un centriste(Alain Poher) qui eut ce privilège.
On voit là une des « attributions » du second personnage de l’Etat. Il en est d’autres comme les nominations par exemple au Conseil Constitutionnel où lui-même siègera sous la présidence de George Pompidou en 1974. Il y terminera son mandat de 9 ans à l’âge de 86 ans.
Voilà donc quelques lignes d’Histoire. Oserais-je dire « historiques » au sens propre, le terme étant outrancièrement galvaudé à tout propos et souvent à mauvais escient ?
Une élection comme les autres avec des résultats prévisibles.
Pour les europhiles, du moins pour ceux qui suivent les affaires européennes, un regret : celui de voir partir un sénateur vraiment engagé à l’Assemblée Parlementaire du Conseil de l’Europe.
Un sénateur vraisemblablement du Nouveau Centre-Majorité( !), inconnu du moins pour le moment au niveau de l’ Europe, succède à Denis Badré ( Modem) sénateur-maire de Ville d’Avray, bien connu et reconnu dans les Palais de Strasbourg.
Perclus de titres et fonctions ( cf Wiki -Sait Tout), ce polytechnicien, ce détail a sans doute une importance pour une fois, cet Alsacien, ex -inspecteur du Génie rural et des Eaux et Forêts a été « taupin » à Strasbourg. Aujourd’hui sexagénaire, fil a vécu la belle espérance européenne en jeune homme concerné de près, in situ.
C’est donc son engagement européen qui lui vaut ici cet élan de sympathie attristée, hors toute appartenance à un parti.
L’Europe une fois de plus, en dépit de l’urgence conjoncturelle, reste un enjeu dérisoire face au jeu compliqué des partis engoncés dans leur combines et arrangements récurrents.
Les « défaits » invoquent les divisions pour expliquer leur revers, les vainqueurs célèbrent leur union pour faire oublier les leurs. Mais, à la vérité, qu’est ce qui compte ?
En la circonstance, c’était une voix belle, bien timbrée, sobre et toujours experte, bien franco-européenne (on inversera si on veut), sincère qui ne sera plus entendue qu’une seule fois à l’Assemblée Parlementaire du Conseil de l’Europe au cours de la session d’automne de lundi prochain, les remplaçants n’étant pas encore élus.
D’où ce désarroi que partagent un grand nombre d’assidus de la salle de presse.
Le cas Badré est exemplaire car il démontre qu’il n’est pas utile de s’appliquer dans une campagne électorale pour aborder les vrais problèmes, ceux de la crise ou de l’Europe.
Non, une attitude nombriliste comme le disait un journaliste-écrivain ( Daniel Riot) spécialiste des questions européennes, est bien plus répandue parce que plus appréciée.
Il faut savoir aussi que les parlementaires français, qu’ils soient issus de l’Assemblée Nationale ou du Sénat, quelle que soit leur « obédience » ne sont pas tous particulièrement actifs au Conseil de l’Europe contrairement à Denis Badré qui en était le ténor, toujours disponible.
Cette louable singularité, à mon sens, aurait-t-elle pu le servir auprès des grands électeurs ? J’en doute fort tant je sais ces notables citadins ou ruraux, eux aussi, singulièrement pusillanimes, la cause n’étant pas « glamour » ni très médiatique.
La fidélité serait-elle un signe de faiblesse électorale ?
L’ex-sénateur Badré est issu de l’UDF, parti jadis connu pour son engagement européen dans le droit fil des démocraties chrétiennes, ce qui a dû déterminer son adhésion.
Puis il a participé avec ardeur à la création du MoDem ( Seignosse,Villepinte….) et y a pris des responsabilités éminentes. C’est sans doute cette fidélité à François Bayrou qu’il paye à présent.
Au fait, a-t-on entendu Borloo ? Et Morin, à peine et encore dans le registre des « Je t’aime, moi non plus ». Et les écologistes, sans parti pris, ont-ils pris en compte l’extraordinaire compétence du candidat dans leur domaine ? Il manquait 12 voix !
Que le sénat connaisse l’alternance est certes une bonne chose dont l’importance serait moindre, n’était la perspective des présidentielles.
Mais, de grâce, que les sénateurs dans le commissions ou dans le missions soient désignés pour leur compétence et leur engagement. Oserais-je ajouter « pour leur présence » ? Les grands électeurs sont en principe en situation de s’informer, c’est l’exigence d’une démocratie éclairée.
Ce coup de zoom délibéré et sans doute partial, sur l’un des « recalés » pour rappeler que les ambitions universalistes de la France ( Le Conseil de l’Europe n’est pas l’Union Européenne) doivent être portées avec conviction et talent .
Cette mission, Denis Badré la poursuivra-t-il à la tête du Mouvement Européen dont il est vice-président, la présidence étant vacante ? Ou encore ailleurs ?
« Tout çà parc’ qu’au bois de Chaville, y avait du muguet ! » dit la chanson. L’ancien conseiller général de ce canton, pourra peut-être faire sa cueillette au mois de mai prochain, après les élections présidentielles.
Antoine Spohr
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