Ou comment Nicolas Sarkozy prépare
2012 en visant l’électorat des seniors.
Maintenant que la campagne présidentielle a réellement commencé, avec d’une part le remaniement ministériel et d’autre part la candidature annoncée de Ségolène Royal il est intéressant d’analyser les stratégies de conquête de l’électorat qui vont être mises en place. À ce titre il est pertinent de regarder la structure des votes de l’élection présidentielle de 2007.
Ainsi on a souligné à plusieurs reprises l’importance de l’électorat des seniors (plus de 60 ans) dans l’élection de Nicolas Sarkozy à la Présidence de la République ; pour mieux le comprendre donnons quelques chiffres.
L’électorat de plus de 60 ans représente environ 27 % du corps électoral (calcul effectué à partir des chiffres
INSEE sur la population française - ) ; en outre sa propension à voter est supérieure à celle de l’électeur lambda. Dès lors on peut penser que cette frange de l’électorat représente presque 30% des suffrages exprimés.. Or il faut noter qu’au
premier tour de l’élection de 2007 près de 44 % des seniors ont voté pour Nicolas Sarkozy ce qui lui garantissait plus de 13 % (44%*30%=13,2%) des voix du
premier tour. Au
second tour de la même élection les plus de 60 ans auraient voté à 64 % pour le candidat UMP - et à 68% pour les seuls plus de 70 ans ! - lui assurant dès lors plus de 19% des suffrages totaux. Concrètement cela veut dire que pour passer le premier tour et être élu au second lors des élections de 2012 Nicolas Sarkozy peut se permettre des performances médiocres dans les autres catégories électorales s’il est en mesure d’assurer les mêmes scores auprès des seniors.
Dans cette perspective de (re)consolidation de cet électorat âgé on comprend un certain nombre de décisions récentes du gouvernement et d’annonces qui ont été faites par le Président de la République, et ce pas seulement autour des questions de sécurité. Prenons par exemple la réforme des retraites ; on a réussi la performance remarquable d’en faire supporter le poids à peu près tout le monde sauf aux retraités, qui évidemment ne sont pas concernés par l’allongement de la durée de cotisation et par ailleurs n’ont pas été l’objet de mesures de fiscalisation accrue de leurs revenus ou de baisse de leur pension. On a soigneusement évité de toucher aux seniors. De même on notera le focus mis sur le thème de la
dépendance par le Chef de l’État depuis son intervention du 16 novembre, thème qui est désormais martelé par ses équipes (voir le discours de politique générale de François Fillon) comme la grande réforme à faire d’ici à 2012 avec des sommes importantes qui vont y être consacrées, et qui procède de la même logique de séduction des seniors, puisque le sujet les concerne au premier chef. Le président flatte une fois de plus cet électorat si important pour lui.
En outre il peut espérer toucher avec ce thème de la dépendance des catégories d’âge légèrement différentes (les 50-60 ans) qui doivent déjà s’occuper de parents en situation de dépendance ou se préoccupent du sujet pour eux. Il ne s’agit pas ici de dire que ce sujet n’est pas important mais le timing nous semble très opportuniste ; l’objectif est bien d’assurer un score extrêmement élevé au sein de cette population des seniors, rendant très difficile l’élection d’un adversaire, quel qu’il soit, qui devrait alors réaliser un excellent score, largement supérieur à 50 %, dans les autres catégories électorales. Nicolas Sarkozy agit ici en fin stratège électoral et place ses adversaires dans une situation d’autant plus compliquée que les thèmes choisis, ici la dépendance, peuvent difficilement faire l’objet de controverse. La question du financement quant à elle ne sera pas discutée dans le détail et/ou mise en œuvre d’ici à 2012 ce qui permettra s’éviter les sujets qui fâchent.
En creux on comprend aussi le désintérêt quasiment total de ce gouvernement pour les catégories de population les plus jeunes, dont les aspirations sont évidemment différentes de celles des seniors, et qui d’autre part sont plus difficiles à mobiliser, sont cataloguées « à gauche » et enfin perçues comme volatiles et imprévisibles.
Ce qui est dangereux c’est que cette stratégie électoraliste et catégorielle évite encore une fois de poser les questions fondamentales liées à l’avenir du pays à travers celui de ses catégories les plus jeunes. Il s’agit d’une vision à court terme de la gestion des enjeux sociaux. En attendant cette stratégie comme on l’a vu pose un problème et un défi majeur aux adversaires de Nicolas Sarkozy qui devront trouver à leur tour des thèmes susceptibles de fédérer et d’intéresser cet électorat plus âgé.
Enfin au niveau macroscopique comme l’ont indiqué à plusieurs reprises des analystes comme Emmanuel Todd ou Louis Chauvel la question du vieillissement de la population et de sa droitisation – en France et en Europe - pose un défi majeur quant au dynamisme de nos sociétés et aux choix politiques qu’elle oriente. L’impératif est bien que la vieille Europe ne devienne pas seulement une Europe vieille dans ses choix et ses modes de vie.