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Serge Schweitzer - L’impopularité du libéralisme : pourquoi ?

La lecture et l’écoute du moindre média, la capture d’une quelconque conversation, les commentaires du G20 de Cannes, tout ici et maintenant nous permet de constater qu’il faut remonter très loin sans doute pour trouver une telle hostilité au libéralisme.

Hommes politiques de tous bords, intellectuels, acteurs, chanteurs, ecclésiastiques, tous et chacun se croient obligés d’imputer au libéralisme tous les maux de la terre. La seule chose qui réunit en un même ensemble Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon, les altermondialistes et les partisans du statu quo, les partisans de l’Etat, les conservateurs et les progressistes est d’attribuer au libéralisme la crise, son cortège de misères, mais aussi encore la percée de la drogue, le supposé dérèglement des mœurs, le tout résumé par l’interjection : « Tout fout le camp ».

Les réflexions qui suivent s’attacheront à résoudre ce puissant paradoxe : comment se fait-il que le système qui nous a affranchi sur le plan politique des interdits multiples empêchant d’exprimer une pensée libre puisse être vilipendé avec autant de constance ? Mais le libéralisme politique est relativement bien traité par rapport au libéralisme économique dont l’acceptation des propositions principales a provoqué la révolution industrielle qui a permis, pour la première fois, de lutter victorieusement contre la rareté. Ce sont dans les seuls pays qui ont adopté les institutions du capitalisme que pour la première fois dans l’histoire de l’humanité, les richesses ont crû beaucoup plus rapidement que la population, permettant ainsi de nourrir de mieux en mieux un nombre croissant d’individus.

Faut-il rappeler que le progrès technique a été une conséquence et non une cause de la révolution industrielle dont l’origine se trouve tout entière dans la percée de la liberté ? Nous sommes alors confrontés à ce puissant paradoxe évoqué à l’instant : ce sont les deux faces d’une même doctrine, le libéralisme, qui ont affranchi et libéré l’homme d’une part de carcans idéologiques et, d’autre part, de l’idée d’une fatalité de la pauvreté. Or, cette doctrine de la liberté et de la méfiance envers tous les pouvoirs, et en particulier l’Etat, est non point attaquée, ce qui serait un débat bien admissible, mais déformée et diffamée. Il nous apparaît quatre raisons qui font de cette doctrine l’éternelle mal-aimée du marché des idées.

D’abord, elle heurte la morale commune médiane de la plupart des individus. En effet, le stimulant du libéralisme économique est la poursuite de l’intérêt personnel, de la réalisation de ses desseins, de l’esprit de lucre. C’est parce que chacun recherche à maximiser ses propres intérêts que tous s’en trouvent enrichis. Or, en économie de marché, pour optimiser son gain, la seule solution consiste à servir le mieux possible les autres qui sont autant de clients potentiels, des dons et des efforts déployés.

On le comprend aisément pour le boulanger et le boucher, mais n’oublions pas aussi le client de son propre travail, c’est-à-dire le patron qui achète vos qualités sur le marché du travail. Un système adossé sur l’épanouissement de l’intérêt personnel n’aura jamais les faveurs de ceux qui imaginent un monde rêvé dans la fraternité où nous travaillons pour le bonheur et la gloire de quelque entité abstraite.

La deuxième raison de l’impopularité du libéralisme est qu’il est difficile à un esprit qui s’arrête à la surface des choses d’accepter l’idée selon laquelle l’ordre spontané est supérieur à un ordre idéal imaginé par quelques esprits soit disant supérieurs. Cela heurte d’imaginer que l’harmonie puisse régner grâce à la coordination des institutions, dont le marché, sans qu’aucune autorité centrale n’intervienne.

La troisième raison est que les effets à court terme de certaines des préconisations du libéralisme peuvent être dommageables pour certains alors qu’à long terme, elles seront bénéfiques pour tous.

Par exemple : plus le progrès technique s’accélère et plus il supprime des emplois dans le mode ancien de consommer. Avant que le téléphone cellulaire ne crée des emplois, des emplois dans le téléphone filaire furent supprimés. Avant que des emplois n’apparaissent dans le pétrole, ceux dans le charbon ont disparu. Un autre exemple : des exportateurs de Chine vont nous offrir des sous-vêtements pour bien moins cher que les producteurs locaux. En retour, au bout de quelques années, ces pays enrichis sont des eldorados pour nos constructeurs d’avions et de téléphones portables. Mais ceux qui avaient leur emploi dans le textile dans le Nord ou les Vosges ne voient pas les choses de la même façon.

Et puis enfin et peut-être surtout, le libéralisme est détesté par la totalité de la classe politique et la presque totalité des intellectuels. La chose est aisée à comprendre. Le libéralisme préconise un Etat réduit à sa taille minimale. Voilà qui ne comble guère tous ceux qui, pour obtenir des voix, promettent des extensions et interventions accrues de l’Etat. Quant aux intellectuels, croyez-vous qu’ils sont en sympathie avec des préconisations selon lesquelles le prince ayant peu à faire, n’aurait besoin ni d’experts ni de conseillers ? Dire aux intellectuels : « Votre métier est dans les bibliothèques », c’est dire adieu aux missions, prébendes, médiatisations, gloire et pouvoir. Que préfère-t-on si l’on est B.H.L. ? Enseigner dans un lycée de province, – ce qui serait normal puisqu’il est agrégé de philosophie -, ou parader à côté du chef de l’Etat ?

La coalition des moralisateurs, des ignorants, des victimes à court terme et de ceux qui ne seraient rien si le libéralisme était appliqué, explique évidemment les raisons pour lesquelles hier, aujourd’hui et demain le libéralisme ne sera jamais accepté, dans le meilleur des cas que par la raison et dans bien peu de cas par l’enthousiasme du cœur.
 

 

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Serge Schweitzer - News Of Marseille


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11 réactions à cet article    


  • Scual 3 décembre 2011 13:31

    Ouah, j’ai déjà lu des gens qui ne comprennent strictement rien à ce qu’il se passe et complètement possédés par des dogmes absurdes mais là c’est fort quand même !

    Le libéralisme pour commencer est une utopie totalement irréalisable. La liberté des uns entrant en conflit avec celle des autres.

    Vous devriez commencer par réfléchir là dessus au lieu de mettre cette question primordiale sous le tapis histoire de pouvoir croire que ça puisse marcher en fermant systématiquement les yeux sur les dindons de la farce. Ceux qui finissent par être privés de leur liberté au nom de celle de certains plus malins et surtout plus puissants qu’eux.

    Et aussi, si le monde actuel est si libéral, pourquoi passe-t il son temps à réglementer ? Toujours au profit des mêmes et au mépris de toutes les libertés fondamentales ? Les gens ne critiquent pas le libéralisme en tant que tel, mais le libéralisme politique actuel. Le mouvement mondialiste ploutocratique a décidé de se ranger sous cette étiquette trompeuse, c’est donc comme ça qu’on l’appelle. Voila tout.

    En attendant, de partout des lois et des règlementations liberticides ne cessent de passer, alors inutile de faire semblant de croire que c’est le « vrai » libéralisme comme idéologie qui est visé par tout le monde en ce moment. Ce qui est visé c’est la dictature que mettent en place ceux qui se font appeler libéraux.


    • impertinent3 impertinent3 3 décembre 2011 14:15

      Pourquoi ?

      Mais pour la même raison que le renard libre dans le poulailler libre n’est pas vraiment populaire chez les poules libres.


      • Mor Aucon Mor Aucon 3 décembre 2011 15:55

        Serge Schweitzer ou le Tea Party français. Le visionnage de ses conférences est hautement recommandable. C’est la crise de rire assurée.


        • christian pène 3 décembre 2011 16:09

          que les détracteurs du libéralisme nous disent leur culture en la matière : que savent ils de TURGOT ? que savent ils de Napoléon III ? le réduisent ils à l’erreur mexicaine ? à la reddition de Sedan en 1871 ?

          que ceux qui ressassent que l’UMP s’adonne à l’ultralibéralisme veuillent bien commencer par expliquer en quoi le pouvoir sarkozien est ultralibéral ?

          au final les Français ont si peu subi le libéralisme qu’ils ne sauraient le critiquer , et ne pas se fier aux menteurs de tout poil qui se gardent d’étayer leur critique

          au reste ce ne sont que les hommes qui peuvent faire la dénaturation d’un système valable : le capitalisme est inhérent à l’homme , mais ce sont des hommes qui sont responsables de la dépravation des moeurs financières

          et avant cela , quels sont les dirigeants qui n’auraient rien de sérieux à se reprocher ?

          ainsi la propagande scandaleusement mensongère de l’UMP tente de faire oublier que Sarkozy a aggravé la situation par des mesures qui ne sauraient enrayer les déboires de l’économie , lui trouvant du courage de faire payer encore plus aux Français pour ses errements délibérés

          Sarkozy passe son temps à réglementer de plus en plus lourdement sans succès : ça va de plus en plus mal ; il chercherait mensongèrement à « converger » avec l’Allemagne , alors que c’est avec la Suisse qu’il faudrait tendre , et ainsi faire revenir les émigrés fiscaux qu’il fait pourchasser.
           
          Il ne sert à rien de fustiger les paradis fiscaux quand on est co-prince d’un paradis fiscal nommé ANDORRE.....avant de critiquer , balayer devant sa porte .....Or en matière de corruption , la République française est très bien placée : quel est le parti de gouvernement qui échappe à l’inculpation de quelques uns pour des affaires financières ?

          J’y vois l’incapacité voire le refus délibéré de faire des lois simples et stables qu’on n’a pas à manipuler sans cesse ....

          le libéralisme passe-t-il par les incessants mensonges ? les incessantes dissimulations ? l’incessant besoin de s’exprimer au micro face à des caméras rameutées ? la prolifération des ministres et sous-ministres à temps partiel payés à temps plein (ministre-maire parcexemple ) ?

          TURGOT estimait que l’impôt indirect était une aberration car sournois , voir TVA 19.6% par exemple et ajoutait qu’il ne voyait l’honnêteté fiscale qu’à travers l’impôt direct ; en France , voyez ces multiples suppléments facturés par EDF pour ce besoin indispensable qu’est l’électricité

          mais voyez aussi à quel degré insignifiant (dossier GDF-SUEZ) Sarkozy a privatisé en 4 ANS et 1/2 .....

          la société française ne vit pas en régime ultra-libéral mais péniblement autoritaire de la part d’un élu qui ne brille pas par son intelligence mais utilise la force injuste de la loi pour se maintenir malgré une illégitimité prouvée par ses méthodes de campagne , ses mensonges ....la trahison...


          • Mor Aucon Mor Aucon 3 décembre 2011 17:06

            Vous avez raison, les gouvernements européens ne sont pas ultralibéraux au sens propre, celui de Sarkozy non plus, mais n’oubliez pas l’offensive ultralibérale menée par Reagan et Thatcher pour faire passer les idées de l’école de Chicago en Europe et le subséquent noyautage de tous les projets d’Europe sociale. C’est en cela que l’Europe d’aujourd’hui est victime de cet ultralibéralisme pseudoscientifique.


          • flesh flesh 4 décembre 2011 23:44

            Pincez-moi, c’est bien vous Mor Aucon qui venez d’écrire ça ? On est à deux doigts du conspirationnisme (selon nos critères of course) - Donc bravo !

            What next ? Mon chat va se mettre à parler ?

          • Mor Aucon Mor Aucon 5 décembre 2011 12:51

            Non Monsieur l’écorché. Pour reconnaître l’offensive ultralibéral de Reagan et Thatcher véhiculant les idées de Friedman et de l’école de Chicago, il n’y a aucun besoin de théories du complot ni même de l’exagération opportuniste que représente la théorie de N. Klein.


          • Karash 4 décembre 2011 12:08

            C’est assez marrant du peu de cas que vous faites des « victimes à court terme »

            Vous expliquez très bien que le libéralisme impose une très grande modularité dans la société, et que donc forcément à certains moment, certains vont rester sur le carreau. Seulement, si on va jusqu’au bout du raisonnement libéral, et qu’on réduit l’état à peu de chagrin, eh bien ces gens se retrouvent sans filet.

            Vous direz oui, mais vu qu’ils n’ont pas été spolié pendant toutes ces années par l’état, ils ont pu se constituer un matelas personnel pour amortir la chute. Oui, dans l’hypothèse favorable où la personne avait un bon salaire, et avait la possibilité de le faire. Mais aujourd’hui avec la concurrence directe des pauvres de toute la planète, ça parait peu probable qu’une majorité puisse, en France, se constituer un tel matelas alors que le smic est déjà très insuffisant.

            Conclusion, votre belle liberté mènerait les couches basses de notre société droit vers la misère. Merveilleux.

            Si quelque chose cloche dans ce raisonnement je serai ravi de voir votre explication.


            • Hermes Hermes 5 décembre 2011 11:19

              C’est sympa ces articles qui pontifient sur la pensée unique, ça permet à d’autres de faire des réponses synthétiques et bien pesées ! smiley


              • Yurf_coco Yurf_coco 5 décembre 2011 12:20

                Bonjour,


                Alors déjà, les discours qui ne vont que dans un sens, avec moitié-vérité, moitié-subjectif, j’ai tendance à m’en méfier.

                Ensuite, comme l’a déjà indiquer un participant, le libéralisme est une Utopie. Donnez moi un seul exemple de concurrence libre et loyal en france ? Ca n’existe pas. Donc a partir de ce principe là, il faut admettre que la liberté des uns, s’arrête à la bonne volonté des puissants.

                D’où l’Etat : réguler les défauts d’un faux libéralisme, qui contrairement, au passé, ne fournis pas plus de liberté, ni de produit, ni de libre-concurrence, mais ne profite qu’à ceux qui ont le pouvoir (Economique-politique) et qui peuvent écraser les petits (80% du travail) au nom de la liberté et de la bonne main invisible.

                Ensuite sur le point 3 que vous citez. Vous confondez « libéralisme » et « progrès technologique ». Point sur lequel tout le monde ne peut que être d’accord, qui est écris par vous à la manière de la manipulation mentale pour faire croire que vous avez raison puisque cet argument est vrai.

                En gros, si on vous écoute, vous n’avez pas besoin de politique, pas besoin d’intellectuel, pas besoin d’idéologie... et bien on vois bien le résultat sur vous : Discours biaisez, incorrect, et prétentieux. Merci de cette tribune de la bétise

                • kev46 kev46 5 décembre 2011 15:09

                  Non mais ca va pas !!

                  Toujours plus de libéralisme pousse à faire n’importe quoi.
                  Tu trouve normal que les banques puissent acheter de l’aluminium ou du gaz ? Pourquoi en ont elles besoin si ce n’est pour spéculer ??

                  Tu trouve cela normal de faire de l’argent avec de l’argent ??

                  La période où les français se sont le plus enrichi a été les trente glorieuses grâce à un libéralisme contrôle. Depuis, plus il y a d’ultra libéralisme, moins il y a de croissance et plus il y a d’inégalités.

                  En quoi libéraliser la sécurité sociale, nos écoles, l’énergie .... va produire de la richesse ? Cela ne fait que créer des inégalités, de la précarité, un transfert de richesse et une société à deux vitesse !

                  Le libéralisme permet à une petite classe d’énormément s’enrichir. Peut être en faites vous parti ?

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