Socialofolies de La Rochelle : Royal s’épuise, Delanoë change de braquet
Université d’été en forme de marche funèbre pour le PS de feu François Hollande. En l’absence des vedettes, des traîtres et de ceux qui hésitent encore, le rassemblement a adoubé Bertrand Delanoë comme meilleur candidat possible à des lendemains qui chantent. C’est Sarkozy qui va être content.
![](http://www.agoravox.fr/local/cache-vignettes/L298xH191/sarko_delanoe_2-215a2.jpg)
Aux Etats-Unis, on appelle cela un « groupe de paroles ». Une poignée d’individus se réunissent, alcooliques, boulimiques, drogués du sexe ou victimes de quelque autre dépendance que ce soit. Et ils prennent la parole, à tour de rôle, expliquent leur chemin de croix, leur souffrance. Ils sont entendus, applaudis, accompagnés. L’objectif étant de les guérir, de leur faire reprendre une vie normale, sans excès, sans troubles. Ca ne marche évidemment pas tout le temps, sinon pas souvent, et ces groupes de paroles ont nourri certains romans de Chuck Pahlaniuk, l’auteur de Fight Club, qui aime ces personnages en quête de rien, si ce n’est d’une oreille, ou de deux, pour se consoler de la morosité de leurs existences. Ceux qui intègrent ces groupes de paroles ne sont pas tous malades, ni dépendants. Certains s’y rendent pour passer le temps, et un peu de compagnie.
A La Rochelle ce week-end, François Hollande, premier secrétaire partant, avait donc convié ses ouailles à l’université d’été du Parti socialiste, ses dixièmes en tant que chef. Moins de quatre mois après la douche froide de mai, cette université-là avait des allures de groupe de paroles. On sentait l’urgence présente de rassurer les uns, entendre les autres sur ce qui s’était passé au printemps dernier, et pourquoi cela était arrivé. Méticuleusement, sans hausser la voix, précautionneusement, le premier secrétaire a donc parlé à ses militants, tenté de les rassurer. Mais ce n’était pas évident. D’abord, il était seul, les grandes figures, historiques ou médiatiques du parti n’étaient pas là. Et si elles n’étaient pas là, ce n’était pas pour préparer la Coupe du Monde de Rugby, mais bien parce qu’elles s’étaient placées trop « contre » le PS pour pouvoir décemment assister aux messes rochelaises. Allègre, Fabius, Strauss Kahn, Jack Lang ont tourné le dos au PS. Leur présence à La Rochelle aurait certes provoqué un amusant chahut, mais n’aurait pas contribué à la clarté des débats. Le sort du parti n’intéresse plus, visiblement, ces « éléphants »-là, trop occupés à se rapprocher du Président qui fait 70 % de satisfaits dans les sondages.
D’abord, donc, Hollande était seul, mais ensuite, il était mal accompagné. Son ex-compagne, qui l’avait congédié du domicile familial, s’est invitée à la tribune pour donner sa vision des choses. Hollande n’a pas assisté au discours, pompeux et ennuyeux comme toujours, au cours duquel la principale responsable du cuisant échec des socialistes a une nouvelle fois resservie sa froide soupe du « vent nouveau » qui « s’est levé » et « ne s’arrêtera pas ». Ségolène Royal a anesthésié son auditoire, aux applaudissements polis, des militants qui souhaitent manifestement tourner cette page « vaudevillesque » de l’histoire du PS. Ils comptent bien garder Ségolène dans les meubles, mais en tant que meuble, justement. Rien de plus. Hollande, qui connaît bien la dame, l’a fustigée un peu plus tard à la tribune en signifiant qu’il fallait en finir avec les « phrases creuses ». Il sait de quoi il parle.
Exit Royal, donc, et bonjour Delanoë. Le favori de Sarkozy (ils se connaissent bien, et se tutoient parfois) a fait un malheur avec son discours. Candidat « à rien mais éventuel candidat à des choses », le maire de Paris est apparu comme le gros outsider dans la course à l’investiture du parti, et peut-être plus. « Dans les circonstances actuelles, j’ai une petite utilité. Demain, on verra. » Ce n’est plus du Royal, on dirait du Jospin ! Souriant, détendu, décontracté et bronzé, le roi du vélo s’est payé le luxe d’une petite ovation au terme de son discours. Soulignant, que « les querelles de personnes ont fait assez de mal pour qu’on n’en abuse pas trop », Delanoë se range ainsi du côté de ceux, nombreux, qui renvoient la responsabilité de l’échec de mai aux déchirements du couple Hollande-Royal, qu’il renvoie dos à dos, autre preuve de lucidité. Delanoë n’est pas de ceux qui ont condamné par principe l’ouverture et ses conséquences. Il n’est pas de ceux qui ont crié aux traîtres chaque fois qu’un Besson ou qu’un Kouchner ouvrait la bouche. Il est de ceux qui réclament, « avec humilité et pragmatisme » un rassemblement de toute la gauche, et pas forcément une alliance avec le centre.
Delanoë chef de troupe ? Pas sûr, mais pas à exclure. Sarkozy le souhaite et le lui a dit, il y a quelques mois de cela. Voir le maire de Paris devenir le premier des socialistes satisferait grandement le Président gouvernant. Après l’éclatement du Front national et la dissolution du centre, ce serait le troisième des grands travaux politiques achevés et bien achevés par l’homme de Neuilly. C’est un peu cela qui se jouait à La Rochelle, une sorte d’apothéose de « l’ouverture » prônée par l’Elysée. Ouverture qui n’est de toute façon pas finie, et qui pourrait bien se poursuivre par l’arrivée prochaine, en 2008, d’un certain Julien Dray au gouvernement, sans doute en remplacement de Alliot-Marie, sur un siège éjectable. C’est Le Point qui l’annonce, et ce n’est pas qu’une rumeur, Dray n’ayant pas encore donné sa réponse.
Alors, quel diagnostic pour le PS ? Réservé. Faute de débattants, les débats n’ont pas eu lieu, juste quelques paroles de réconfort, et le linge sale va se laver en librairie, dans les jours qui viennent. Une guérison du mal par le mal, en attendant des jours meilleurs. Michel Rocard y croit. C’est dire.
46 réactions à cet article
Ajouter une réaction
Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page
Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.
FAIRE UN DON