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Accueil du site > Actualités > Politique > Sondages IFOP : sur ces chiffres jamais dévoilés

Sondages IFOP : sur ces chiffres jamais dévoilés

La semaine précédente voyait fleurir un énième sondage consacrée à la primaire du PS selon un rituel où son partenaire le JDD se réservait le rôle de relayer les résultats sans l’ombre du recul nécessaire. A travers cet exemple, nous allons analyser quelques gros points qui causent des problèmes de méthode.

Sur la taille

Selon la fiche technique de l’enquête réalisée du 15 au 30 septembre 2011, nous sommes invités à comprendre que le sondage porte sur un échantillon initial de 2’878 individus volontaires dont on a extrait 1’434 sympathisants de gauche. Par contre, il faut se donner la peine de lire avec attention en page 8 qu’il n’y aurait que 392 sympathisants de gauche certains d’aller voter ce 9 octobre prochain.

Cette imprécision volontaire et manifeste est renforcée par la nature trompeuse des 1'000 sondés pris en exemple (dans la page 5) pour illustrer la marge de l’erreur de mesure. Dans le cas présent d’un échantillon de taille 392, l’erreur est presque le double !

 

Sur les sondés inscrits

Les instituts ont pour habitude d’indiquer la reconstitution des quotas de sondés inscrits sur les listes électorales. C’est une tromperie courante dont IFOP s’est d’ailleurs offert le luxe d’ignorer ! Quoi qu’il en soit, la Commission d'Accès aux Documents Administratifs (CADA) est la seule autorité compétente pour autoriser la communication des listes électorales aux groupes politiques à la seule condition qu'ils n’en fassent pas usage dans un but commercial [art. 28, alinéa 2 et art. R.16, alinéa 3 du code électoral]. De fait, les instituts de sondages (et sociétés de généalogie ou de recouvrement) n’y ont pas accès.

A partir de là, pour s’autoriser à présenter des quotas d’inscrits, deux solutions se présentent aux instituts ; soit les instituts utilisent frauduleusement un fichier national en totale violation de ladite loi, soit ils utilisent malhonnêtement celui de la population totale de l’INSEE. Mais cette dernière comportait 49'350'052 majeurs en 2007 alors que le fichier électoral affichait à son compteur 44'472'834 d’inscrits ; ce qui fait une différence de 4'877'218 non inscrits, soit 9,88% de la liste de l’INSEE. Mais nous ne nous sommes pas encore au bout de nos surprises.

 

Sur les taux de refus et exclus

Les sondages de ces instituts sont présentés comme reflétant l’avis de la population française. Mais la réalité en est très loin !

Nous savions déjà que les instituts refusent de se soumettre au rituel de transparence en communiquant la part de refus. Cela ne nous empêchera pas de le simuler en prenant pour référence la grande enquête par téléphone réalisée en décembre 2006 par IFOP pour le compte du CEVIPOF et du Ministère de l’Intérieur ; c’était la 3e vague du Baromètre Politique Français. Pour obtenir leurs 5’240 répondants, le total des appels se grimpait à 83'897. Mais si nous ignorons, les mauvais numéros, ruptures, fax, répondeurs, occupés, les sociétés, hors quotas,… il nous reste le récapitulatif d’appels utiles suivant :

Sur ce total de 39'844 contactés, il y en avait quelques 6'593 (=5'240+1'353), soit 16,55% qui avaient accepté initialement d’être sondés.

Mais, il nous faudrait encore être plus précis car cette population échantillonnée correspond aux abonnés par téléphone. Selon les chiffres de l’ACERP de mai 2009, le taux d’inscription aux annuaires pour ces abonnés du fixe était de 80%. Et selon les données l’INSEE en 2007, il y avait 87% de foyers bénéficiant d’un bien d’équipement en téléphone fixe. Donc l’enquête IFOP ciblait uniquement les 69,6% (soit 80%x87%) de la population totale Française et ignorait donc les 30,4% restants.

In fine, si 16,55% des détenteurs de téléphone inscrits avaient initialement accepté de participer à l’enquête, il ne reste que 13,15% qui répondent entièrement au sondage. De ce fait, nous pouvons dire que pour une enquête par téléphone, ces 13,15% disposant d’un numéro de téléphone inscrit correspondent à 9,15% de la population totale qui répondent à une enquête de ce type.

 

Sur la taille réelle de l’échantillon

Nous avions vu que pour un sondage par téléphone, il n’y a que 11,52% (soit 16,55%x69,6%) de la population totale qui accepte initialement de répondre. Si nous les faisons correspondre à l’échantillon d’IFOP s’élevant à 2'878, alors cela veut dire que le total de la population concerné par cette enquête est de 24'990 individus répartis comme suivant :

Cette colonne des pourcentages absolus offre une représentation plus fidèle du résultat de cette enquête que les pourcentages tronqués d’IFOP qui ignore les refus et les exclus de l’enquête. Autrement dit, pour obtenir 392 opinions de gauche certaines de voter, IFOP avait recueilli 2'878 volontaires et avait a essuyé quelques 14’515 refus de répondre tout en ayant ignoré en sus quelques 7’597 (au prorata) qui ne sont pas référencés dans l’annuaire (sans téléphone + refus de s’inscrire). Nous aurons compris que ces 88,48% manquants mettent en relief l’indice d’applicabilité des résultats observés sur l’échantillon de 2'878 correspondant à 11,52% de la population mère. Vu sous cet angle, il n’est plus certain que l’avantage d’un quelconque candidat fût déterminant pour autant que l’on admette que l’enquête IFOP ait été réalisé dans les bonnes conditions.

 

Ainsi, l’opinion des 88,48% manquants est totalement ignorée ou implicitement amalgamée en abstention. Ce qui est naturellement trompeur car cela cache souvent une réaction de rejet au système qui nous oblige à une certaine retenue pour l’extrapolation. Naturellement, cela va à l’encontre de l’intérêt commercial des sociétés de sondage si promptes à nous livrer des chiffres et dont nous comprenons le peu d’empressement à communiquer sur les parts de non-répondants réclamées par le projet de loi des sénateurs Jean-Paul Sueur et Hugues Portelli. Il est à préciser que le but de cette présentation ne consiste pas de décrédibiliser l’outil des sondages et encore moins la statistique qui est une branche exacte, mais à sensibiliser sur l’absurdité qu’engendre sa mauvaise manipulation ou interprétation de ses résultats.

Pascal CUXAC,

(Mathématicien, 26/09/11)


Moyenne des avis sur cet article :  4.77/5   (35 votes)




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30 réactions à cet article    


  • Ariane Walter Ariane Walter 8 octobre 2011 09:43

    Voilà le genre d’article qui fait de la presse d’internet un moyen de communication tellement supérieur aux medias mainstream.
    Ultra-précision. (même si le sujet de l’est pas !)
    Etude impeccable.
    Après ça, allez-vous coucher les gars !
    Excellent.


    • Pascal CUXAC Pascal_Cuxac 8 octobre 2011 18:09

      Merci Ariane de m’avoir filé le virus d’Agoravox.
      Mais ce qui est énervant, c’est que le système n’a pas de mémoire et nous n’en tirerons aucune leçon.


    • Pierre JC Allard Pierre JC Allard 18 octobre 2011 16:41

      @ AW


      Oui, bravo à article. Je résume : les sondages tels que réalisée sont des exercices d’enfumage.

      Recommandation : 

      Considérant l’impact des sondages sur les décisions de vote et donc la gouvernance démocratique, il faudrait que l’information transmise soit correcte et donc que les sondages soient soumis à un contrôle exemplaire. Voir le lien :


       PJCA

       - 

    • Imhotep Imhotep 8 octobre 2011 10:14

      Cela démontre que cette Primaire est tout sauf la fidèle représentation de la démocratie que l’on a voulu nous faire avaler.


      • Fergus Fergus 8 octobre 2011 11:56

        Bonjour, Imhotep.

        Pas très beau joueur sur ce coup-là, car les critiques qui peuvent être formulées sur les sondages remettent en cause ni la pertienence de la « primaire citoyenne » ni les conditions dans lesquelles elle est organisée. Je persiste à penser qu’il s’agit au contraire là d’une réelle avancée démocratique car ce sont les citoyens-électeurs de gauche qui décideront quel champion opposer au sortant et non les appareils militants viciés ici et là par des arrangements douteux.


      • Ariane Walter Ariane Walter 8 octobre 2011 12:57

        Cher fergus,

        ce ne sont pas les citoyens-électeurs de gauche seulement. On en reparlera.
         


      • Imhotep Imhotep 8 octobre 2011 18:03

        et moi je persiste à penser que ces <primaires sont tout sauf démocratique. Cette analyse du sondage ne font que confirmer par un autre biais ce fait.

        Par ailleurs on nous annonçait 8 millions de votants. Ensuite on nous a dit que 3 millions était ce qui ariverait. Maintenant un million ce serait bien. Avec tout le pognon dépenser avec une gigantesque couverture médiatique, avec tous les élus de gauche : Région, département, villes, Sénat avec les 9,5 millions d’électeurs de Royal, 3 millions serait déjà un échec cinglant.

      • Pascal CUXAC Pascal_Cuxac 8 octobre 2011 18:44

        @ Imhotep > Mon article n’avait pas vocation à remettre en cause le principe démocratique de ces primaires citoyennes. De surcroit, vous ne fournissez pas d’argument étayant votre position.


      • Peachy Carnehan Peachy Carnehan 8 octobre 2011 22:02

        Bonsoir Imhotep.

        En réalité le cheminement a été contraire. Les prévisions chiffrées n’ont fait que gonfler avec le temps. En juin l’UMP raillait les primaires en annonçant cent à deux-cent mille votants. Puis le PS a envisagé, et envisage toujours, un million d’électeurs. Et depuis quelques semaines les sondeurs - qui ne se trompent jamais, c’est bien connu - prévoient entre trois, quatre, cinq et X millions d’électeurs.

        De toute façon, réponse demain.


      • Pascal CUXAC Pascal_Cuxac 8 octobre 2011 22:25

        @ Peachy Carnehan > Ces sondeurs ne savent pas encore qui va voter, par contre, ils savent ce qu’ils vont voter


      • Scual 8 octobre 2011 10:15

        Mélenchon a décidé d’attaquer les sondages frontalement. C’est le seul qui a le courage de le faire, c’est à saluer.

        Voila le lien vers un de ses plus longs billets :

        http://www.jean-luc-melenchon.fr/2011/09/08/qui-truque-un-oeuf-truque-un-boeuf/

        Il faut descendre dans le texte jusqu’au paragraphe qui commence par « C’est la goutte de sondage qui a fait déborder le vase. »

        C’est très intéressant, il explique ce qu’il pense de cette mascarade et pourquoi il va saisir la commission des sondages.

        ... ça y est j’ai encore fait mon militant ...


        • Ariane Walter Ariane Walter 8 octobre 2011 12:55

          merci du lien, Scual,
          mais nous sommes tous des militants, ce n’est pas un mot insultant , d’autant plus que nous militons surtout pour plus de justice. On étudie. On cherche. On compare. On se méfie. Rien que de positif.


        • Pascal CUXAC Pascal_Cuxac 8 octobre 2011 19:02

          L’épisode d’Harris Interactive & Jean Daniel Levy sur Marine le Pen est oublié et cela continuera encore ainsi tant que le législateur n’interviendra pas. Pour cela, il faudra peut-être encore attendre les prochaines législative afin que l’assemblée change de bord tout en espérant que les éventuels nouveaux maîtres à bord socialistes ne soient pris par l’ivresse du pouvoir en trahissant leur idéaux d’opposants.


        • Bulgroz 8 octobre 2011 14:07

          Merci à l’auteur pour ce décorticage de ces sondages manipulatoires.

          En parlant, je vous livre mes chiffres de votants pour les primaires : nettement moins d’ un million, un plus de 400 000.

          Un vrai four.


          • Pascal CUXAC Pascal_Cuxac 8 octobre 2011 18:52

            Il faudrait que l’on cesse d’accepter que ces instituts puissent fournir des sondages où ils masquent les refus et les exclus en les amalgamant à des abstentions. De surcroit, il n’est pas tolérable qu’ils s’autorisent en toute opacité d’introduire des coefficients de redressement.


          • SR71 SR71 8 octobre 2011 14:45

            Excellent article, vraiment.

            Vous parvenez à les prendre en défaut sur une base purement analytique


            • Pascal CUXAC Pascal_Cuxac 8 octobre 2011 18:21

              Merci, et encore, je me suis retenu sur énormément de points méthodologiques


            • SR71 SR71 8 octobre 2011 14:49

              Mais, qu’est-ce qui nous prouve que les informations receuillies ne soient pas trafiquées ?

              Si je pose cette question, c’est qu’il y a les meilleures raison de croire que ces instituts soient bien trop proches de celui qu’ils avaient déjà contribué à mettre au pouvoir, Nicolas Sarkozy :


              • Pascal CUXAC Pascal_Cuxac 8 octobre 2011 18:15

                il y a forcément un trafic vu que les coefficients de redressement sont maintenus secrets par des instituts qui prétendent fournir une photographie réelle


              • Peachy Carnehan Peachy Carnehan 8 octobre 2011 15:01

                C’est bizarre mais j’ai le sentiment que le résultat des urnes ne correspondra pas vraiment à celui qui est avancé de façon unanime par les sondages. Réponse demain.


                • Pascal CUXAC Pascal_Cuxac 8 octobre 2011 18:20

                  mais vu que le système n’a pas de mémoire... tout est à nouveau oublié jusqu’à la prochaine contrariété qui sera encore minimisée.


                • SR71 SR71 8 octobre 2011 15:21

                  Au bas de la page de votre article, il y aune pub (robot publicitaire qui agit par reprérage de mots-clés, probablement) :

                  Sondages payés
                  Rémunérez votre opinion Inscrivez-vous ici !
                  mingle. respondi.com

                  Intéressant, n’est-ce pas ?

                  C’est un biais de sélection, car on aura préférentiellement des personnes guidées par une intéressement personnel, c’est à dire : libérales, de droite.

                  Cqfd


                  • Pascal CUXAC Pascal_Cuxac 8 octobre 2011 19:09

                    Personnellement, contrairement aux autres critiques, je dirais que ce n’est pas ce qui me dérange le plus. Car cet intéressement/incitative n’influence à priori pas l’opinion dans un sens (politique) particulier. Par contre, l’échantillonnage des internautes pose un problème.


                  • LE CHAT LE CHAT 8 octobre 2011 17:53

                    2% du corps électoral , pour peu qu’il fasse un temps de chien, peu de chances qu’on atteigne le million de votes................


                  • Pascal CUXAC Pascal_Cuxac 8 octobre 2011 18:18

                    C’est plutôt 88,48% qui ne se sont pas prononcés ; ce sondage par téléphone ne concerne que 11,52%


                  • Defrance Defrance 8 octobre 2011 19:27

                     Les vrais gens de gauche ne peuvent pas voter PS ! 

                       J’ai failli aller voter Melanchon aux primaires du PS , juste pour rire, mais le bureau de vote est a 15 km et il pleut et le gas oil coute trop cher ! ( attention cela ne veut pas dire que je voterai Melanchon car en fait j’hésite entre pèche, chasse , pétanque et parodie de democratie en Mai ?


                  • Peachy Carnehan Peachy Carnehan 8 octobre 2011 22:07

                    « ...le bureau de vote est a 15 km et il pleut et le gas oil coute trop cher ! »

                    Tu viens d’inventer l’indexation de l’expression démocratique sur le cours du baril.

                    Pas étonnant que les gens se laissent faire par les banques.

                     smiley


                  • Peachy Carnehan Peachy Carnehan 8 octobre 2011 22:12

                    « ...on y peut rien mon bon Monsieur... c’est comme ça... nos charges à nous, honnêtes banquiers injustement frappés par la crise... si vous saviez ce que nous vivons... il faut nous recapitaliser... il n’y a pas d’alternatives... merci de nous verser rapidement ce que vous nous devez... »

                     smiley


                  • Defrance Defrance 8 octobre 2011 19:22

                      Sondage pipeau pour des primaires inutiles ! 

                      La manipulation est en fait partout car en réfléchissant un peu cette mascarade a étasunienne devrait être remplacée par un troisième tour ( ça ne couterai pas beaucoup plus cher ) 

                       1 : Tous les partis devraient laisser la liberté a tous leurs membres de se présenter . 

                       2 : Les citoyens non encartés devraient aussi choisir autant de candidats NON ENCARTES - que les partis 

                       3/ une primaire avec les 20 ou 30 candidats (la primaire doit se faire en MÊME temps pour tout le monde et quand on connait TOUS LES candidats de tous les partis

                       4/ les partis sélectionnent leurs candidats 

                       5/ le même nombre de non encartés les mieux placés participent au deuxième tour avec les têtes de gondoles des partis ? 


                    • Pascal CUXAC Pascal_Cuxac 8 octobre 2011 19:59

                      Ce n’est pas vraiment l’objet de l’article mais disons que chacun est libre de se présenter à une élection pour autant que l’on respecte certaines conditions (droit civique, parrainage,...) afin de limiter les candidatures « farfelues ». Une élection est avant tout un triomphe d’idées approuvées par suffisamment de personnes encartées ou non.

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