Stade de France : entre manque de préparations et dérapages, l’accueil à la française
Le 28 mai dernier s’est tenue au Stade de France la finale de la Ligue des Champions, opposant l’équipe anglaise de Liverpool à l’équipe espagnole du Real Madrid. Si la rencontre s’est en elle-même bien déroulée, en dehors du stade le chaos a régné dès l’ouverture des gradins. Deux semaines après la soirée catastrophique, la plupart des éléments humains à l’origine des troubles ont été identifiés. L’UEFA, les stadiers en charge de la sécurité du Stade de France, la mairie de Saint-Denis et la Préfecture de Police de Paris, tous ont dû expliquer leurs manquements, et tenter de clarifier les évènements qui ont fait le tour du monde dans la nuit du 28 au 29 mai.
Le lendemain du « drame », le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin et le préfet de police de Paris, Didier Lallement ont avancé devant la presse que 30 à 40 000 personnes sans billets, ou munies de faux, étaient venus aux alentours du Stade de France. Le second a reconnu par la suite s’être trompé, et avoir mal évalué le nombre de personnes présentes sur place… Ce genre d’erreur semble être devenue la spécialité des forces de l’ordre parisiennes. Pour reprendre les mots du maire de Liverpool, Steve Rotheram, « c’est ridicule de dire qu’il y a eu un aussi grand nombre de personnes ». Ce dernier, comme beaucoup d’anglais, n’a que très peu apprécié les évènements qui se sont déroulés sur le sol français, où il a été lui-même victime de pickpockets : bienvenue en Seine Saint-Denis. Il a par la suite demandé la démission de Gérald Darmanin, qui cumule les qualités : mauvaise foi, malhonnêteté, mensonges et incompétence. Un ministre de l’Intérieur comme les autres ?
Certains éléments matériels ont également mystérieusement manqué à l’appel lors de la clarification des évènements. L’apogée de la polémique a ainsi été atteinte lorsque les images de vidéosurveillance du Stade de France ont été annoncées détruites au bout de 7 jours, « faute d’une réquisition judiciaire ». Autrement dit, le zèle administratif français s’est une illustré une fois de plus au meilleur moment, et l’administration s’est montrée à la hauteur de sa réputation tatillonne : défaillante et profondément inefficace.
En France, lorsqu’il y a débordement des foules, il y a forcément débordement de la police. L’un n’allant pas sans l’autre, les forces de l’ordre présentes sur les lieux ont alors usé de leurs armes de dispersion, notamment du gaz lacrymogène, sans distinction de l’agressé et de l’agresseur, du supporter et du banlieusard. Le gilet jaune le sait bien, lui : le maintien de l’ordre se fait en portant des œillères, l’objectif étant de disperser la foule et de rétablir l’ordre « quoi qu’il en coûte », avec d’autant plus de vigueur que la partie adverse est moins menaçante. Devant une intervention aussi musclée, on nage dans l’incompréhension, mais on se dit, finalement, qu’à l’aune du traitement de faveur réservé aux black blocks, on est dans la continuité policière et républicaine. La police était bien là, mais avait-elle compris qui étaient les fauteurs de trouble ? On peut bien entendu attribuer le manque de subtilité policière à une vague réminiscence d’une rancœur franchouillarde portant les stigmates d’Azincourt, de Waterloo ou encore de Jeanne d’Arc. Mais de là à arroser des familles de gaz lacrymogène…
Toutefois, cette soirée n’a pas été totalement perdue. Tout d’abord l’équipe madrilène s’est une fois de plus démarquée par son talent et a remporté le titre. Mais surtout, le monde entier a enfin vu de ses propres yeux ce que certains noms honnis et décriés de la scène politique française dénoncent depuis plusieurs années : l’insécurité en France, qui semble sur le point de sortir de son statut de simple « sentiment » comme le soulignait le garde des sceaux qui n’avait que du mépris pour cet « surenchère populiste ». Non seulement le monde entier ouvre donc les yeux, mais également la classe supérieure politico-médiatique française, que la galaxie nous envie pour sa pertinence, sa clairvoyance et son intelligence hors-normes.
Thierry Henry, ancien international français, s’exprimait sur CBS Sport début mai, en soulignant que « Saint-Denis, ce n’est pas Paris ». Tout de suite un tollé médiatique s’est déversé sur lui. Mais au lendemain de la rencontre entre Liverpool et le Real Madrid, ses propos ont été repris sur tous les plateaux. Stupeur, la banlieue Nord de Paris, les « racailles » du 93 et autres départements de la région parisienne ne sont pas seulement des chiffons rouges agités par les « strèmes drouates ». Horreur, ces « français intégrés » et ces « chances pour la France » ne se sont pas comportés en gentlemen avec nos voisins outre-manche. Et enfin, le plus important, la « grande désillusion » : Saint-Denis n’est pas Paris.
La France va devoir montrer ses capacités d’organisation et d’accueil si elle ne veut pas prendre de carton rouge. Les évènements du 28 mai sont susceptibles de faire regretter à certains comités olympiques d’avoir choisi la France pour accueillir les jeux de 2024. On pourrait également mentionner la coupe du monde de rugby de 2023, mais il va sans dire que face aux supporters de rugby, taillés dans les dimensions d’un frigo, les fauteurs de trouble du Stade de France seront avec certitude moins impactants. De facto, tel que le dit si bien Michel Audiard : « quand les types de 130 kilos disent certaines choses, les types de 60 kilos les écoutent ».
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