Supplique à François Bayrou
Bon, soyons clairs et nets : Les Français ne comprennent rien à la
constitution de leurs pays. Ils se croient en démocratie et pensent que
l’élection du Président de la République au suffrage universel en est
le summum.
Ils pensent aussi que le scrutin uninominal majoritaire à deux tours
est une excellente chose… Enfin, ils ne le pensent pas ainsi puisque la
plupart ne savent pas de quoi il s’agit, mais ils font comme si. (1)
C’est pire ailleurs me direz-vous ? Oui, les mêmes Français jugent de
façon très sévère ces régimes autoritaires de l’Est ou ces républiques
bananières du Sud, sans savoir qu’ils et elles ont bien souvent copiés
tout simplement notre système. Quand d’ailleurs ce n’est pas nous qui
le leur avons imposé !
François Bayrou, tu sais tout ça ! Tu as même pensé un moment à passer
à la 6ème République… Et puis maintenant ta seule idée, comme en 2007,
est de profiter d’un système ô combien pervers.

Acte 1 : De Gaulle instaure en 1958 une dictature potentielle dans un pays déjà fortement jacobin. Le parlement est mis sous éteignoir et les cabinets de l’Elysée interviennent dans l’ombre laissant à des gouvernements plus ou moins fantoches la tâche de prendre les coups à sa place. Comme De Gaulle ne s’intéresse pas à tous les secteurs de la politique, cela reste parfois peu visible. On sait ce qu’il en est advenu aujourd’hui avec Sarkozy.
Acte 2 : De Gaulle, toujours lui, est certain qu’en 1965 les grands électeurs ne le reconduiront pas à la tête de l’état. Alors, en 1962 il organise un référendum pour changer la constitution et instituer l’élection du Président de la République au suffrage universel. Les Français acquiescent. Ils admettent sans rechigner un tripatouillage du genre de ceux qu’ils dénoncent aujourd’hui. En effet, on ne compte plus le nombre de chefs d’états qui changent la constitution pour rester le plus longtemps possible au pouvoir… Je vous laisse le soin d’en faire la liste et d’y rajouter De Gaulle. Vous verrez, ça fait un drôle d’effet. C’est malheureusement la triste vérité.
Acte 3 : En 1965 les premières élections du Président de la République au suffrage universel ont lieu. De Gaulle ne passe qu’au second tour, mais l’important est ailleurs. Du fait de la très grande personnalisation de cette élection et du recours désormais incontournable aux grands médias de masse, deux personnages très peu connus et peu représentatifs à l’époque vont acquérir une stature nationale en quelques semaines et à relativement peu de frais. Il s’agit de Lecanuet et de Mitterand. Démonstration est faite que désormais, ce ne sont pas les parcours politiques exemplaires ou les bons programmes qui feront les bons candidats, mais qu’il suffit de s’imposer médiatiquement pour entrer dans le jeu politique par le haut.
Acte 4 : Alors qu’au départ la grande majorité de la classe politique était contre l’élection du Président de la République au suffrage universel, tout le monde s’y rallie peu ou prou. En 1974 un véritable cataclysme : Arlette Laguiller, se présente, devient célèbre en quelques semaines, même avec moins de 3%. On connaît la suite. Tout le monde veut profiter de la tribune offerte par cette élection (et du financement qui va parfois avec) et il n’y a plus d’opposant sérieux à ce système. Là aussi, la liste des « profiteurs » est longue : Le Pen, Besancenot et notre incontournable Bayrou en sont les représentants actuellement les plus connus.
Acte 5 : En 1981 François Mitterand est élu. La gauche arrivant enfin au pouvoir, l’illusion de démocratie est complète. En vérité, c’est surtout la trahison de Chirac qui a permis son élection. Le système des présidentielles est clairement une loterie. Personne ne semble s’en émouvoir. Pendant longtemps…
Acte 6 : Prenant son courage à deux mains, Arnaud Montebourg tente de revenir à la charge contre ce régime absolutiste et ce système démentiel. En 2001 il crée la convention pour la sixième république (C6R) avec l’espoir de fonder en France une véritable démocratie à l’instar de la plupart des pays qui nous entourent. Si vous n’êtes pas convaincu, intéressez-vous à leur constitution, vous irez de surprise en surprise. Malgré ses bonnes intentions, ce projet ne rencontrera pas le succès légitimement attendu.
Acte 7 : Un autre cataclysme en 2002. Non pas la présence de Le Pen au second tour, ce qui n’a rien d’étonnant pour ceux, peu nombreux hélas, qui connaissent la perversité du système électoral de la présidentielle, mais l’énorme bévue de Jospin. Alors qu’il restait un petit coin de démocratie de par le fait que les élections législatives étaient déconnectées des présidentielles et que les pouvoirs pouvaient parfois se rééquilibrer quand la majorité au parlement n’était pas celle souhaitée par l’homme de l’Elysée, Jospin brise cet état de fait en deux temps. D’abord en mettant les durées des mandats du président et des députés à égalité à 5 ans. Ensuite, suprême imbécillité, en mettant les législatives après les présidentielles. Dès lors, la majorité sera à coup sûr celle souhaitée par le président. Alors que dans le cas inverse, une majorité d’idée créée au parlement aurait influé fortement sur la désignation du plus haut responsable de l’état. Sans doute cela aurait trop ressemblé à une démocratie, est-ce pour ça que Jospin n’en a pas voulu. Allez savoir…
Acte 8 : Chirac avait créé le Parti du Président. Le fait qu’une telle entité existe aurait dû faire bondir tous les démocrates de notre pays. Rien n’a bougé. A croire qu’il n’y en a plus chez nous. En 2007, Sarkozy, s’étant emparé de cette machine de guerre et l’ayant ajouté à son arsenal composé essentiellement d’amis richissimes et propriétaires de grands médias, gagne des élections qu’il n’aurait jamais dû gagner. Je vous laisse le soin d’établir la liste des responsables.
Acte 9 : Ces élections sont donc devenues une véritable loterie. Une personne qui ne représente rien, qui n’a pas d’idée vraiment clairement tranchée, mais qui est connu médiatiquement et qui ne heurte pas frontalement les convictions des uns et des autres a toutes ses chances. Bayrou le sait. Ce que les Français savent moins, c’est que le système, s’il est élu, ne lui donnera pas de majorité au parlement, qu’il ne pourra pas faire sa politique qui consisterait à s’allier tantôt avec la droite tantôt avec la gauche pour imposer une politique centriste si tant est que cela existe. Dans un tel cas de figure, Bayrou ne sera en réalité qu’un homme de droite classique comme d’ailleurs il l’a largement prouvé quand il était ministre.
Acte 10 : François Bayrou se lance dans la compétition !
Et il se présente ainsi, je cite :
« Il est humaniste. Il est démocrate. Il reconnaît la diversité. Ils sont des millions à porter les mêmes valeurs. Il porte un projet de société. Il prône une économie solidaire, au service de l’homme. Il sait que l’Education et la Recherche sont des moteurs pour l’avenir des peuples. Il aime sa patrie. Il veut que l’Europe assure la paix durable. François Bayrou est le prochain président de la République française ! Soutenons ensemble ce projet de société. »
Discours lénifiant s’il en fut. Discours que tout le monde peut faire sien sans problème. Discours creux qui ne fâche personne. Bref discours populiste mollasson.
Allons François, du nerf ! Reprend ton idée de 6ème république. Bat toi pour la démocratie. Seul contre tous s’il le faut. Mais ne te prête pas à cette pantalonnade d’élection.
Tire-toi une balle dans le pied, mais pour la bonne cause. Si tu le fais, tu resteras dans l’histoire comme un homme courageux et non comme un profiteur. C’est toi qui vois…
(1) Avec une droite et une gauche très divisée, on peut être au deuxième tour avec à peine plus de 15% des voix ce que Le Pen a déjà fait et ce que Besancenot pourrait bien faire un jour… Imaginez-vous un second tour des présidentielles Marine contre Olivier ? Hé bien c’est tout à fait possible. Avec qui le vainqueur gouvernera-t-il ? Ceci est une autre histoire.
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