Tapie : la note secrète qui ruine la défense de Lagarde
Visée par une enquête portant sur des chefs de « complicité de faux » et de « complicité de détournement de fonds publics » dans le cadre du scandale Tapie, la directrice générale du Fonds monétaire international (FMI), Christine Lagarde, devrait être entendue très prochainement par la Cour de justice de la République (CJR) et elle a toutes les chances, selon de très bonnes sources, d’être mise en examen. À cela, il y a une raison, qui est maintenant bien connue : du début jusqu’à la fin de la procédure d’arbitrage, qui a permis à Bernard Tapie d’empocher un pactole de 403 millions d’euros, elle a constamment fait « échec à la loi », selon la formule qu’avait utilisée l’ex-procureur général près la Cour de cassation, Jean-Louis Nadal, lors de sa saisine de la CJR.
Mais une autre difficulté, imprévue celle-là, attend de surcroît Christine Lagarde. Car il existe à Bercy une note confidentielle qui ruine totalement la stratégie de défense qu’a choisie l’ancienne ministre des finances de Nicolas Sarkozy. Cette note, dont à notre connaissance la CJR n’a pas obtenu communication – mais dont Mediapart a pu prendre connaissance –, établit très clairement que Christine Lagarde a choisi délibérément une procédure de règlement du contentieux Tapie-Crédit Lyonnais, en sachant à l’avance qu’elle serait contraire aux intérêts de l’État et à ceux des contribuables. En clair, cette note confirme que Christine Lagarde a commis des fautes majeures, qui ont fait le jeu de Bernard Tapie.
Cette note, qui à ce jour n’a jamais été rendue publique, date de 2005. Pour en comprendre l’importance, il faut se replacer dans le contexte de l’affaire Tapie.
Depuis le 25 février de cette année 2005, c’est Thierry Breton qui est ministre des finances. À l’époque, quand il entre en fonction à la tête de Bercy, l’affaire Tapie ne fait encore guère de vagues. Le consortium de réalisation (CDR, la structure publique dans laquelle ont été cantonnés, en 1995, les actifs douteux du Crédit Lyonnais) a gagné son procès en première instance face à Bernard Tapie et attend donc l'appel avec sérénité. Quand la Cour d'appel se prononcé, le 30 septembre 2005, c’est un véritable séisme à Bercy : contre toute attente, l'arrêt estime que des fautes ont été commises par le Crédit Lyonnais lors de la revente en 1994 du groupe Adidas pour le compte de Bernard Tapie et que celui-ci a été lésé. La Cour d’appel condamne le CDR à verser 135 millions d’euros à Bernard Tapie – 135 millions qui sont en fait 145 millions, car l'arrêt a commis une erreur dans l’addition des dommages retenus.
À l’époque, le ministre des finances a donc un choix très difficile à faire, car il est soumis à une double pression contradictoire. D’un côté, il y a le patron de l’époque du CDR, Jean-Pierre Aubert (qui est le filleul de François Mitterrand), qui veut à tout prix se pourvoir en cassation – mais Thierry Breton peut naturellement être circonspect, car l'arrêt de la Cour d'appel lui a fait comprendre que le dossier était juridiquement moins solide que ce qu’on lui avait dit. Et puis de l’autre, il y a le ministre de l’intérieur, Nicolas Sarkozy, et son bras droit Claude Guéant, qui font perpétuellement le siège de Bercy pour défendre les intérêts de Bernard Tapie et promouvoir une solution à son avantage.
Pour sortir de ce guêpier et rendre une décision incontestable, Thierry Breton a donc l’idée, en novembre 2005, de constituer un groupe de personnalités chargées d’étudier toutes les pièces du dossier et de formuler une recommandation traçant, entre les différentes options possibles – de la transaction avec Bernard Tapie au pourvoi en cassation – celle qui correspond le mieux aux intérêts de l’État.
La constitution de ce groupe ne sera rendue publique que quelques temps plus tard, le 16 décembre 2005, par un communiqué de presse du ministère des finances. On trouvera ci-dessous une reproduction de ce communiqué, qui peut par ailleurs être toujours consulté sur le site Internet de l’Agence des participations de l’État (APE).
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