Thierry Breton : « Le Parlement décidera »
Ce matin, Thierry Breton, ministre de l’Economie, était l’invité de RTL, à 7h50.
L’intérêt de l’invitation tenait au débat sur la privatisation de Gaz de France qui rebondit de manière inattendue. J’y reviendrai. Mais difficile de commencer cet entretien sans parler de Ségolène Royal, présente hier sur RTL -je précise pour ceux qui auraient manqué un épisode - et donc du projet socialiste. Visiblement, Thierry Breton avait anticipé la question et bien préparé la réponse. L’absence de chiffrage des engagements pris par le PS lui a fourni l’angle d’attaque. Notant que Ségolène Royal avait refusé de répondre, il l’a qualifié de "Madame on verra plus tard", formule qu’il a étayée avec des rappels supposés démontrer la frivolité des socialistes en matière de gestion des deniers publics. Chacun aura apprécié le numéro depuis sa fenêtre. En tout cas, sur ce passage-là, Thierry Breton était en forme.
Ensuite, c’était plus compliqué.
Le 25 février dernier, comme aux beaux temps de l’Union soviétique, Dominique de Villepin, premier ministre, annonçait depuis l’Hôtel de Matignon, la fusion imminente de Gaz de France et du groupe Suez. "Le gouvernement est favorable à un tel projet", disait le premier ministre. A côté de lui, muets, se trouvaient les patrons des deux entreprises.
Pour procéder à cette fusion, il faut au préalable que l’Etat se désengage de Gaz de France. Une loi, votée en 2004, stipule que l’Etat doit posséder au minimum 70% des actions de l’entreprise désormais cotée en Bourse. Pour réaliser l’opération, cette part doit descendre à peu près au tiers. Il faut donc une modification législative. C’est pour cela que, le 25 février dernier, Dominique de Villepin avait conclu son propos ainsi : "Le Parlement sera saisi dans des délais rapprochés."
Aujourd’hui, le ton n’est plus le même, et ce changement était perceptible, ce matin, chez Thierry Breton.
La ligne officielle, désormais, c’est : "Le Parlement décidera." Autrement dit, le gouvernement ne décidera rien. Au groupe UMP, majoritaire à l’Assemblée nationale et au Sénat, de dire ce qu’il veut faire.
Il s’agit là d’une grande première. Toute la Ve République est organisée pour que l’exécutif soumette le Parlement à ses désirs. Subitement, comme touché par une grâce parlementariste, voilà le gouvernement qui abdique de ses prérogatives et, au nom de la démocratie, est prêt à se ranger à la décision des députés et des sénateurs. A cette fin, un débat sans vote aura lieu à l’Assemblée nationale, mardi et mercredi prochains, comme une prise de température dans ce moment délicat.
Que cache cette situation alambiquée ? Très simple : l’abdication du gouvernement.
Depuis l’affaire du CPE, Dominique de Villepin marche sur des oeufs. Il mesure chaque jour l’hostilité croissante des députés UMP à son encontre. Les bancs vides de l’UMP, lors de la discussion de la motion de censure, à la mi-mai, a constitué un premier avertissement. Les applaudissements spontanés en faveur de Jean-Louis Borloo dans l’hémicycle, quelques jours plus tard, un second.
Du coup, les stratèges de Matignon ont compris que sur le dossier Gaz de France, il fallait avancer prudemment. Plusieurs députés UMP ont fait passer le mot : le projet de privatisation peut remobiliser les syndicats et la gauche. A un an des élections, mieux vaudrait ne pas ouvrir ce front-là. Ce serait risquer une nouvelle mésaventure et risquer de s’enfoncer encore un peu plus dans le ridicule.
Dominique de Villepin, pour une fois, a entendu l’avertissement. D’où la stratégie, inhabituelle chez lui, de laisser d’autres décider à sa place.
Thierry Breton a essayé, ce matin, sur RTL, de placer cela sous le signe d’un grand respect démocratique du Parlement par le gouvernement. En fait, tout indique que nous allons tout droit à l’enterrement du projet. La session parlementaire se termine le 30 juin. A l’automne, le vote du budget occupera toutes les énergies. Rajouter, à ce moment-là, et aussi près des échéances, le projet GDF, serait proprement suicidaire. Le plus probable, donc, c’est que rien ne se passera.
La morale de l’histoire est simple. Depuis l’affaire du CPE, le gouvernement reononce à tout. Pour se maintenir, Dominique de Villepin ne fait plus rien. Le président de la République voulait une année utile. Il a un gouvernement immobile. Le temps qui le sépare de la fn de son mandat risque d’être très pénible pour Jacques Chirac.
L’amnistie de Guy Drut. Plus personne n’en parle. Il est pourtant intéressant de sonder les membres du gouvernement sur cette histoire.
Apparemment surpris, Thierry Breton a trouvé la parade : je ne commente pas les actes du président de la République. En fait, quand il les soutient, il les commente. S’il ne veut rien dire de celui-là, c’est sûrement qu’il n’a pas envie de le défendre.
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