Toulon, c’est le Var-West
Dans la ville de Toulon, l’establishment se trouve régulièrement mêlé à de nouvelles polémiques. Ces affaires entament significativement la confiance des administrés envers leurs élus.
Que se passe-t-il à Toulon ? Dans la préfecture du Var, chaque année apporte son lot de polémiques mettant en scène l’administration et les élus. Les problèmes soulevés sont le plus souvent réglés en toute opacité. Ce manque de transparence suscite des réactions épidermiques chez les habitants, et alimente une certaine défiance des administrés envers leurs élus. Les Toulonnais en ont marre. Pot-pourri de ces affaires qui les désespèrent.
Les réseaux du transport en commun toulonnais
En vertu du plan de déplacements urbains prévu pour la ville de Toulon sur la période 2005-2015, la ville devait se doter d’un tramway. Mais ce projet est tombé à l’eau en 2008, lorsque Hubert Falco, le maire de Toulon, a déclaré le tramway sur fer « technologiquement obsolète ». Depuis lors, la mairie semble avoir tout fait pour privilégier le développement d’une ligne de bus à haut niveau de service dans la cité. Les raisons de la communauté d’agglomération sont obscures et associations et représentants de la société civile toulonnaise se sont donc opposés à la mairie jusque dans les tribunaux pour mieux comprendre. La justice a d’ailleurs reconnu fin 2012 que le sens des déclarations d’utilité publique datant de 2005 et retenue par la mairie avait été détourné au profit du bus. Bien décidées à faire valoir l’intérêt des contribuables, les associations se battent depuis pour faire adopter un projet de tramway. En février 2013, le Collectif Tramway de la ville de Toulon a notamment produit une étude technique réalisée en 2009 pour le compte même de la communauté d’agglomération et réfutant les propos d’Hubert Falco au sujet du coût, soi-disant supérieur, du Tramway. Mais la mairie n’en démord pas : elle veut un bus pour sa ville.
À Toulon, siège de la préfecture du Var, le sujet de la modernisation des transports suscite de vives interrogations au sein de la population. Mais en réponse à ces questions, les Toulonnais ne se voient proposer que toujours plus de flou. La Mairie et l’agglomération dirigées par Hubert Falco semblent faire cavalier seul ; ils s’enferment dans une obstination qui entretient le soupçon et détruit la confiance de la population, désabusée par la récurrence de ce type d’affaires.
De l’incinérateur à l’usine d’enfumage
Et comment pourrait-on mieux illustrer cette récurrence qu’en s’intéressant à la gestion des déchets dans le département ? Celle-ci constitue en effet le monopole d’une seule entreprise : le Groupe Pizzorno Environnement. Malgré de multiples condamnations - malversations, corruption, etc. -, l’entreprise a récemment décroché un nouveau contrat public auprès de la ville de Toulon : c’est en effet Pizzorno Environnement qui a été désignée comme l’exploitant de l’incinérateur de Toulon pour les 18 prochaines années ; une tâche grâce à laquelle elle devrait engranger la somme rondelette 470 millions d’euros.
La surprise fut d’autant plus forte pour les habitants de Toulon que cette entreprise s’est avérée avoir empoché un « surcroît de recettes » (sic) de 6,5 millions d’euros entre 2003 et 2010. Pizzorno surfacturait en effet ses prestations à la ville de Fréjus, dont l’ancien maire, François Léotard, n’est autre que l’un de ses actionnaires. Ce dernier perçoit 120 000 euros par an pour siéger à son conseil d’administration, ainsi que le rapporte Le Canard Enchaîné. Les Toulonnais, de même que les Fréjusiens, sont méfiants à l’égard d’une telle proximité d’intérêts. Ils sont exaspérés, même : la presse annonçait encore fin mars 2013 la mise en garde à vue de l’actuel maire de Fréjus, Élie Brun.
Mais les affaires sont les affaires, et les entreprises locales habituées des tribunaux n’en sont pas moins plébiscitées par les élus. Sans doute la proximité de Pizzorno avec le pouvoir politique lui aura-t-elle ouvert quelques portes, lui permettant au passage de délester les contribuables de quelques millions d’euros indument perçus.
Un tunnel dont on ne voit pas la sortie
Ce manque d'obligeance et d’élégance face à l'intérêt public, les Varois ont eu l'occasion de le constater tout le long du déroulement du chantier du tunnel de Toulon dont les gravats ont été déversés illégalement par camions entiers dans le paysage varois, sur des terrains appartenant à Bruno Aycard, « maire de Belgentier et vice-président UMP du conseil général », rapporte BFM TV. Fin, 2011 par ailleurs, le préfet de région Hugues Parant annonçait que les travaux finiraient avec 6 à 9 mois de retard. Aujourd’hui, l’issue du chantier demeure dans l’incertitude la plus totale, et chacun peut constater l’enlisement. Les budgets alloués au projet par l’État se sont avérés insuffisants. La réalisation du second tube du tunnel a ainsi fait l’objet d’une problématique financière majeure, dont l’issue demeure aujourd’hui incertaine pour les Varois. Compte tenu de la situation des finances publiques nationales, « les collectivités ont avancé le surcoût de 176 millions d’euros pour que les travaux se terminent » ainsi que le rappelle Var Matin.
Doit-on blâmer ici l’incompétence des gestionnaires ou la pression d'intérêts-tiers ? Difficile à dire, mais ce qui est en revanche toujours certain, c’est que le département fait une fois de plus figure de vache à lait. Et ce triste spectacle se joue désormais ouvertement.
Une Université bananière
La pudeur semble de toute façon passée de mode au sein de l’administration varoise. En témoigne le scandale qui a secoué l’Université de Toulon en 2009. « L’affaire démarre fin 2008, quand un maître de conférences porte plainte pour un “éventuel trafic de diplômes au profit d’étudiants” chinois », rappelle Le Nouvel Observateur. Suspendu, Laroussi Oueslati, ex-président de l’Université de Toulon, avoue s’être vu proposer jusqu’à 100 000 euros par des étudiants chinois en difficulté scolaire en l’échange d’une garantie de réussite aux examens. M. Oueslati se défend d’avoir jamais accepté de telles offres, mais les enquêtes ne permettent pas de lever les soupçons : « le principal organisateur du pacte de corruption présumé, reparti en Chine, n’est pas dans le dossier ». Révoqué à vie de la fonction publique en mai 2010, l’ex-président a été incarcéré, pour ressortir de prison en 2011. La justice administrative n’a jamais véritablement tranché le dossier, tout au plus a-t-elle accouché d’un scandale jeté en pâture aux médias.
Un nouveau Shérif
Une véritable débâcle démocratique semble se jouer à Toulon et même à ses alentours. Ce phénomène soulève des questions de fond très importantes pour la classe politique française : jusqu’où peut-on refuser aux citoyens un véritable droit de regard sur la gouvernance locale ? L’absence de transparence n’est-elle pas ainsi manifeste, qu’elle finit par épuiser la patience des citoyens qui se désintéressent déjà bien assez de la politique ? La part de responsabilité des élus et de l’administration locale à ce sombre tableau est incontestable à Toulon. En novembre 2012, un nouveau haut personnage de l’Etat, Laurent Cayrel, était nommé Préfet du Var par Manuel Valls avec la mission de « nettoyer » le Département. Saura-t-il rétablir l’autorité de l’Etat, la transparence et les principes de gouvernance démocratique en vrai shérif du Var-West ?
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