Transition énergétique et mise en concurrence des barrages : vers la fin du service public hydroélectrique ?
Invité à s'exprimer en ouverture du forum sur la transition énergétique organisé par Les Echos le mardi 31 mars dernier, le président PS de la commission des Affaires économiques de l’Assemblée nationale, le député François Brottes, a fait valoir que le texte de loi de transition énergétique était bâti de manière à complexifier fortement l'ouverture à la concurrence des exploitations hydrauliques, tout en respectant le droit européen. Une déclaration surprenante alors même que ce texte, via la création d'un nouveau modèle de société d'économie mixte, laissera une très grande marge de manœuvre aux nouveaux opérateurs choisis.

Dans ses propos retranscris par le média Le Moniteur, François Brottes précise que le chapitre dédié à l'énergie hydroélectrique et plus particulièrement au renouvellement des concessions hydrauliques, est volontairement resté "assez timoré", expliquant que la France possédait "un bijou national très rentable et très performant" qu'il convenait de protéger. "On a bâti quelque chose de conforme à la législation européenne. Que ce ne soit pas la porte ouverte à de nouveaux entrants, j’en conviens", a-t-il expliqué.
Pourtant, si François Brottes semble confiant pour l'avenir de la filière hydroélectrique française, les syndicats et salariés de l'industrie électrique, employés des centrales hydrauliques, ont un tout autre avis sur la question et manifestent régulièrement aux quatre coins de la France pour dénoncer la mort annoncée du service public énergétique. Ces derniers craignent en effet une nouvelle répartition des capitaux réservés à la sécurité et à la sûreté des ouvrages vers une rétribution croissante des actionnaires privés ou des fonds de pension, et se refusent à voir ainsi brader aux premiers investisseurs venus le patrimoine énergétique français pour répondre à des exigences européennes mal adaptées et rembourser la dette de l'Etat.
Dans les faits, l'ouverture à la concurrence des concessions hydrauliques répond à la transposition dans le droit français d'une disposition européenne, et met en place, via l'article 29 du projet de loi de transition énergétique, des sociétés d'économie mixte hydroélectriques, à savoir, des sociétés anonymes sous contrôle de l'Etat et comptant au moins une personne privée, plus éventuellement d'autres autorités publiques.
Ce texte stipule en effet que, "pour l’exécution d’un contrat de concession hydroélectrique, l’Etat peut créer, avec une personne morale de droit privé ou un groupement de personnes morales de droit privé qualifié d’actionnaire opérateur, une société d’économie mixte hydroélectrique. Les collectivités territoriales ou les groupements de collectivités territoriales riveraines des cours d’eau dont la force hydraulique est exploitée en vertu de cette concession, d’autres personnes morales de droit public et des entreprises ou organismes dont le capital est détenu par des personnes morales de droit public peuvent également être actionnaires de la société d’économie mixte hydroélectrique".
Cette société d’économie mixte hydroélectrique revêt donc la forme d’une société anonyme d'un nouveau genre, composée d’au moins deux actionnaires, par dérogation à l’article L. 225-1 du code de commerce. L'État et, le cas échéant, les collectivités territoriales ou les partenaires publics, détiendront conjointement 34 % au moins du capital de la société et 34 % au moins des droits de vote dans les organes délibérants. La part du capital et des droits de vote détenue par l'actionnaire opérateur ne pourra être inférieure à 34 %. L’État pourra se désengager jusqu’à 66 % tandis que de nouveaux acteurs du marché financier (Français, Européens, mais aussi extra communautaires) pourront faire leur entrer dans la filière.
Un nouveau modèle qui a effectivement de quoi inquiéter puisque le contrôle public majoritaire n'est plus assuré, laissant la gestion d'une composante indispensable pour la stabilité du réseau électrique, aux mains d'intérêts privés. Rien indique en effet qu’à la différence d’un monopole public, l'intérêt à court terme des nouveaux opérateurs soit de garantir une production hydroélectrique permettant de stabiliser le réseau et donc d’exploiter au mieux les capacités de production d’électricité du pays. Leur but sera avant tout d’obtenir le maximum de profits aux dépends de notre approvisionnement national et de la considération accordée aux salariés des exploitations hydrauliques.
Pour rappel, d'ici fin 2015, 49 installations et deux nouveaux ouvrages devraient être ouverts à la concurrence, représentant une capacité de 5,2 GW, soit 20% du parc hydroélectrique français.
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