Tuer les primaires ou dissoudre le PS
Il faudrait être d’une naïveté indigne de quelqu’un qui aspire à exercer les plus hautes fonctions pour croire un seul instant que les primaires sont une avancée démocratique. Les primaires sont en réalité le résultat de la faillite des Directions successives du Parti Socialiste au cours de ces quinze dernières années.
Un parti politique a, en tout et pour tout, trois choses à faire : Adopter un programme, le populariser et se donner un candidat pour l’incarner. Il y a normalement des instances prévues pour cela. Si le Parti Socialiste est incapable de générer son candidat au sein des instances qu’il s’est lui-même donné, il n’a plus de raison d’être et il faut le dissoudre immédiatement.
Les dernières Directions du Parti Socialiste ont été incapables de résister à la démarche populiste que représentent les primaires. Cette fois, la couardise a même poussé le raffinement jusqu’à nous faire croire qu’il s’agirait de primaires pour toute la Gauche. Il n’y avait pas assez de qualificatifs dithyrambiques pour nous rappeler l’exemple de l’Italie. Comme si ce qui s’y est passé, dans un contexte bien particulier, pouvait devenir l’alpha et l’oméga de la démocratie. Et entre nous, avec un peu de recul, comme exemple, il y a sans doute mieux. Les promoteurs de cette farce avaient simplement « oublié » que le scrutin de l’élection présidentielle est un scrutin à deux tours et qu’aucun parti n’a l’intention de se faire hara-kiri alors que cette élection est leur seul moyen d’exister une fois tous les cinq ans.
Le résultat, c’est qu’il s’agira bien des primaires du Parti Socialiste et, qu’on le veuille ou non, le ver de la division est dans le fruit. Il faudra quand même nous expliquer comment, après avoir fait campagne pour leur poulain, les supporteurs d’un candidat vont spontanément et généreusement se mettre au service d’un de ses rivaux. On mesure, à ce stade, le niveau de déconnexion du réel des dirigeants et des cadres du parti quant aux mécanismes de fonctionnement et aux ressorts des individus sans parler du délire relatif à la participation espérée à ce « grand moment de démocratie ».
Mais le plus fondamental dans cette folie des primaires, c’est ce qui sous-tend cette démarche. Ce système consiste rien de moins qu’à s’auto proclamer le plus à même d’exercer les fonctions de Chef de l’Etat, contrairement à une démarche collective qui conduit à être reconnu pour ses qualités, ses compétences, ses capacités d’Homme d’Etat. Un peu d’humilité Mesdames et Messieurs les postulants. Tout le monde sait que vous avez, toutes et tous, une haute estime de vous-même et de l’idée que vous vous faites de l’empreinte que vous laisserez dans l’histoire mais vous n’êtes pas pour autant tenus de franchir les limites de la vanité et de l’indécence. Le vrai problème, c’est qu’il n’y a, aujourd’hui au sein du Parti Socialiste, pas beaucoup de personnalités qui ont l’étoffe d’un Homme d’Etat et que l’esprit de compétition qu’engendrent les primaires prête effectivement plus à l’auto proclamation qu’à la reconnaissance. C’est peut être finalement cela qui témoigne dramatiquement de ce qu’est réellement devenu le Parti Socialiste.
Lorsqu’on veut bien se donner la peine d’observer les fondements de ce système, on arrive vite à la conclusion qu’il ne peut que conduire à désigner un mauvais candidat. Il s’agit d’une sélection et qui dit sélection, dit distinction. Cela signifie que ce qui va l’emporter pour choisir le candidat, ce n’est pas l’incarnation d’un projet collectif mais la différence qu’il va y avoir entre les postulants d’un même parti. Nous aurons donc, d’un côté, peut-être un programme, qui aura finalement le moins d’intérêt possible et de l’autre des candidats qui incarnent autant de positions par rapport à ce programme. Les critères qui vont réellement peser concerneront donc l’apparence, la faculté à exprimer ce que les votants ont envie d’entendre, la capacité à créer un environnement de groupies davantage qu’un mouvement de soutien populaire. Bref tout ce qui fait appel à une démarche populiste. Le message du candidat sera donc inaudible et illisible comme il l’a été en 2007 alors que toutes les conditions étaient réunies pour l’emporter.
Dans ces conditions, comment prétendre gagner l’élection présidentielle ? La Droite peut se frotter les mains. Tant que le Parti Socialiste ne rompra pas avec l’absurdité des primaires ou qu’un esprit lucide, porté par un puissant mouvement de fond, n’osera passer outre en mettant les instances du parti devant leurs responsabilités, elle aura son représentant à l’Elysée.
Robert Bonnand
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