UMP, le spectre du déclin
Au lendemain d’une élection présidentielle qui aura été sans concession pour Nicolas Sarkozy, il y a de quoi s’inquiéter du sort de l’UMP en tant que parti de la majorité sortante. Tout devra se jouer aux législatives, ce qui est loin d’être gagné. En effet, depuis la réforme de 2000 instituant le quinquennat, la dynamique engagée par le « Président fraîchement élu » influe considérablement sur les résultats des législatives dans la foulée. La perspective d’une déroute aux législatives est d’autant plus à redouter à l’UMP que les Français ne sont guère disposés à rééditer la désastreuse expérience de la cohabitation. A ces nuages qui s’accumulent dans le ciel du parti doivent s’ajouter déchirements et règlements des comptes, ambiance inévitable au lendemain d’une défaite électorale. Dans une organisation jusqu’à présent verrouillée comme l’UMP, le débat sur la responsabilité des uns et des autres peut tout à fait déboucher sur le déclin du parti. L’occasion de jeter un regard sur la courte, mais mouvementée, histoire du « grand parti » de droite.
L’Union pour un Mouvement Populaire a été initiée en avril 2002 après le choc qu’a été l’arrivée de Jean-Marie Le Pen au deuxième tour de la présidentielle et l’élimination de Lionel Jospin. Les grands partis du gouvernement (RPR et PS) ont fait le même constat que la multitude des candidats et des « micro partis » était facteur d’émiettement des voix et de risque pour la démocratie qu’un parti des extrêmes parvienne au second tour de la présidentielle, faussant au passage le débat politique traditionnel « droite-gauche ». Alors que le PS, encore dévasté par la défaite, n’a pas pu fédérer les petits partis de gauche, le Président Chirac a vite entrepris de mettre sur pied une plateforme large fédérant le maximum possible des partis de droite. L’Union pour la Majorité Présidentielle était née, et sera rebaptisée plus tard, Union pour un Mouvement Populaire (UMP).
Apparemment bien inspirée, « la droite du gouvernement » faisait d’une pierre deux coups : d’une part, en fédérant un maximum de partis à droite, elle entendait réduire le poids du Front national dans l’électorat de droite, toutes tendances confondues, ce qui devait écarter durablement le risque d’un nouveau « 21 avril ». D’autre part, l’UMP s’érigeait en redoutable « machine de guerre » destinée à triompher à toutes les élections. Il faut dire que le contexte se prêtait à cette ambition que le parti a rapidement entrepris de mettre en œuvre. L’une de ses victimes fut l’UDF de François Bayrou dont il ne reste que des miettes (trois députés MoDem), en dépit d’une résistance du « Béarnais » digne de Vercingétorix. Et aussi incroyable que cela puisse paraître, l’UMP ambitionnait sérieusement de démolir le Parti Socialiste en misant sur la fameuse politique d’ouverture dans le cadre de laquelle de nombreux dirigeants de gauche furent courtisés. On devra s’interroger dans l’histoire sur la sincérité des convictions démocratiques d’un dirigeant qui aurait sérieusement envisagé de faire disparaître un grand parti d’opposition pour pouvoir contrôler la vie politique d’un pays. Heureusement, pour la démocratie, la politique des débauchages a rapidement atteint ses limites. Il n’en reste aujourd’hui que le ridicule de la trahison et la marque indélébile du vagabondage politique.
Un échec parmi d’autres accumulés par le « grand parti de droite » au cours de sa courte vie (10 ans seulement). En effet, sur le plan électoral, l’UMP va pratiquement perdre toutes les élections (à l’exception des élections européennes) au point que bien de ses élus préfèrent se présenter aux électeurs en « candidats indépendants » ou sous l’étiquette de leurs partis d’origine. La plus grande déroute électorale est sans doute celle du 21 mars 2010 lorsque les téléspectateurs ont vu se déployer sur les écrans une France toute « rose » (excepté l’Alsace) à l’issue des élections régionales. La France avait basculé comme jamais à gauche et l’UMP n’avait qu’à constater les dégâts.
Elle n’était pourtant pas au bout de ses peines puisqu’une autre défaite symbolique l’attendait. Fin septembre 2011, pour la première fois dans l’histoire de la Vème République, le Sénat basculait à gauche. Une défaite que l’UMP a dû attendre avec résignation après avoir essuyé des revers successifs aux élections locales, au profit de la gauche qui a naturellement pu mobiliser un plus grand nombre des « grands électeurs » aux sénatoriales que la droite. Après la présidentielle et les législatives de 2012, mal engagées, il faudra que la droite se rende à l’évidence : l’UMP, entre boulet pour de nombreux candidats de droite et machine à perdre, devient finalement, élection après élection, le symbole d’une aventure politique désastreuse, aussi bien en matière de gouvernance qu’en matière électorale.
Deux explications, parmi d’autres, peuvent être avancées.
La première, et sans doute la plus déterminante, tient à l’attitude obséquieuse des responsables de l’UMP vis-à-vis d’un homme, Nicolas Sarkozy, érigé en chef absolu. On le vénère, on le défend de façon moutonnière (même dans ses pires bêtises comme la tentative d’imposer son fils à la tête de l’EPAD). On lui obéit au doigt et à l’œil au point qu’on assiste en France à un phénomène surréaliste dans une démocratie moderne : les « éléments de langage ». Les responsables de droite, ministres, députés, sénateurs, voire simples militants, passent à la télé pour répéter « mot à mot » la dictée que leur impose le Président. Mot à mot !... Un spectacle ahurissant qui fait les choux gras du « Petit Journal ». Comment des hommes et des femmes, dont nos élus parmi les plus respectables, ont pu se rabaisser à ce point et se muer en infatigables « perroquets », pour reprendre la critique de Dominique de Villepin, un des rares à avoir résisté publiquement à la toute puissance du sarkozysme à droite ?
Sur le plan institutionnel, le sarkozysme a presque réduit notre parlement au rang de simple chambre d’enregistrement. Alors que la Constitution consacre aux députés et sénateurs le pouvoir d’initiative en matière législative (article 34), nos élus ont pratiquement abandonné ce pouvoir d’initiative au seul Président de la République et se contentent de voter des textes préparés par l’« entourage du Président » et imposés à un gouvernement quasiment bafoué (le Premier ministre traité publiquement de « collaborateur ») et à qui sont préférés les conseillers du Président. Il existe pourtant plusieurs courants à l’UMP allant des conservateurs libéraux (Sarkozy) au « Pôle écologique » (Nathalie Kosciusko-Morizet) en passant par la famille gaulliste (Dominique de Villepin, Alain Juppé), la « Droite populaire » (Lionel Luca, Thierry Mariani), la famille libérale (Patrick Devedjian, Pierre Méhaignerie), la droite sociale (Laurent Wauquiez),… Comment tout ce « beau monde » a pu se laisser « dévorer » par un seul courant, le « sarkozysme », dont le côté hystérique annonçait, dès le départ, qu’il mènerait le pays et le parti dans le mur ?
La seconde explication faisant de l’UMP une expérience désastreuse tient au « grand écart ». S’il y a à l’UMP des courants qui peuvent tout à fait s’associer compte tenu de l’histoire des partis dont ils sont les héritiers (RPR, UDF, DL,…), on voit difficilement comment des courants comme le « Pôle social » (Jean-Louis Borloo, Jean-Marie Bockel) peuvent durablement cheminer avec une Droite Populaire hégémonique et aux portes du Front National. Et au-delà des partis, des personnalités d’origines aussi diverses que Martin Hirsch, Brice Hortefeux, Fadela Amara,… recrutées dans un gouvernement à vocation d’ouverture ont dû rester chacune cantonnée à son ministère. Elles n’avaient quasiment rien à faire ensemble, et le ralliement de quelques unes à François Hollande illustre à quel point la politique du « grand écart » fut une aventure sans lendemain.
Maintenant que la défaite de l’UMP se précise, nombreux à droite, longtemps réduits au silence par peur de représailles ou en échange de quelques postes ou privilèges, vont pouvoir parler. Une libération de la parole qui pourrait être fatale à l’UMP. Ecartés du pouvoir, les dirigeants de l’UMP n’auront plus de quoi acheter le silence des uns, les ralliements des autres et espérer toujours bénéficier de la générosité de leurs « grands donateurs ». Ces derniers vont d’ailleurs chacun se mettre sur ses gardes puisqu’ils se savent dans le collimateur d’une gauche revancharde et décidée à assécher le flot des valises dont la droite a trop longtemps profité.
Et c’est tant mieux pour l’image de la France et de la classe politique.
Boniface MUSAVULI
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