Un ministre atypique : Philippe Richert
« Je suis un centriste invétéré ». Et de remercier François Fillon pour sa nomination.
C’est ce que le nouveau ministre des Collectivités Territoriales s’est empressé de déclarer avec une évidente sincérité. Il venait à peine d’être nommé à un poste ministériel qui lui sied a priori fort bien in situ, cet UMP alsacien connaît en effet, d’expérience, tous les rouages du mille-feuilles administratif français, du rural profond aux complexités des départements et des régions. Professeur de biologie de formation, très impliqué depuis longtemps dans les questions d’environnement, l’écologie aurait pu lui convenir tout autant et le laisser « centriste invétéré ».
Le personnage est tout un symbole : issu de la Nouvelle UDF de François Bayrou après FD puis du CDS, formations résolument centristes, successeur de son mentor alsacien Adrien Zeller, décédé en 2009 et qui a souvent fait figure de franc-tireur, il sait que son élection est due en grande partie aux électeurs centristes non encartés.
Si les deux grandes villes de la Région sont allées à la gauche ( Roland Ries à Strasbourg et Jean-Marie Bockel à Mulhouse), les petites villes et les zones rurales sont le plus souvent restées pour le moins conservatrices et acquises à l’UMP(RPR/UDF).
En Alsace, le centrisme est synonyme de modération, de sagesse parfois un peu résignée, de démocratie chrétienne ou du moins de ce qui reste de ces valeurs. Cette attitude prudente, parfois timorée des Alsaciens leur vient sans doute d’une Histoire douloureuse qu’ils n’ont jamais maîtrisée. On n’hésite pas à parler d’un « complexe alsacien » qui leur donnerait pour Paris, la centralisatrice de toutes les grâces, les yeux de Chimène et les forcerait à ne pas se rapprocher trop ostensiblement de leur voisin allemand, pourtant si proche à de nombreux égards. De plus un centriste alsacien, dans la panoplie de ses valeurs, en inclut autant de droite que de gauche, sans les répertorier et les classifier savamment. C’est comme çà ! Voilà tout.
Le corollaire de cette attitude politique est évidemment la liberté des électeurs et une certaine volatilité surtout dans des élections où interviennent d’autres composantes.
Ainsi peut on être écolo-christianodémocrate social et fier d’être Français tout en rêvant d’Union Européenne harmonieuse et puissante. Pourquoi pas ? Voter pour un président de région UMP, tendance UDF, un maire PS et un président de la République de Gauche ou du Centre. Pourquoi pas ? Evidemment cela peut se produire partout mais en Alsace c’est patent.
Ce qui vaut aux élus alsaciens de tout bord une attitude tolérante à l’égard de leurs adversaires hors débat politique portant sur des points très sensibles. C’est un effet de la mort des idéologies et de la perte d’influence des partis ou encore d’une tradition de respect des différences qui trouve peut-être sa source dans une très ancienne tolérance religieuse ?
Voici donc la Région dotée d’un ministre, vraisemblablement à la satisfaction générale, car la Région Alsace pourra servir de laboratoire à la réforme des Collectivités Territoriales. Philippe Richert s’y est mis.
Cela ne présage en rien de l’avenir.
A la création de l’UMP en 2002 pour la réélection de Jacques Chirac, la plupart des élus UDF (pas tous) alsaciens ont rejoint cette nouvelle Union de Centre-Droit et en constituèrent localement la majorité, d’où cette teinte centriste qui domine encore sur la palette de l’organisation du parti présidentiel.
Dès lors, on doit prendre en compte la fragilité de cette adhésion du moins en ce qui concerne l’électorat, où les déçus se multiplient et portent leur regard ailleurs. Les extrêmes sont peu touchés : les Communistes et le Front de Gauche ou Anticapitalistes stagnent à des niveaux très bas et le Front National, malgré des élus dans les scrutins de listes, semble dans la même situation, pour le moment du moins. C’est donc ailleurs que se tournera cette large frange d’électeurs.
Vers le PS ? A Strasbourg, où il est au pouvoir, on sait le mouvement oscillatoire quasi régulier de l’engouement des débuts vers le désamour final. A Mulhouse, la situation est inextricable en raison du cas Bockel. Ailleurs, les scores ont été très serrés. Dans la campagne, les socialistes ont peu de succès.
Reste alors le retour aux premières amours et les plaidoyers des élus UMP, fussent-ils ministres, n’y pourront rien dans un scrutin national.
Guerre des trois centres ( Bayrou, Borloo, Morin) ou pas, les nostalgies d’un passé politique apaisé, sous la conduite de leaders prestigieux, de Pierre Pflimlin à Adrien Zeller en passant par Marcel Rudlof, résonneront dans plus d’une famille et plus d’un cercle. De nombreux élus le savent et perdent souvent de leur ardeur sarkozyste.
Seule Région française présidée par un UMP qui se veut centriste, l’Alsace mérite une observation très attentive car elle peut être révélatrice.
Antoine Spohr.
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