Un vent nouveau souffle sur la gauche française
Il y a un mois encore, une certaine gauche officielle voguait sur un petit nuage sucré.
Persuadés de la pertinence des sondages élisant leur candidat au deuxième tour, beaucoup s'étaient arrêtés de travailler à la victoire.
Il suffisait de mettre les pieds dans une réunion PS de province, pour se rendre compte de leur assurance grotesque à placer leurs candidats aux futures législatives. Les toasts et boissons y étaient déjà servis, comme un avant-goût de leur victoire. L’on y parlait de vote utile, puis encore de vote utile, l’on s’y félicitait et se congratulait, mais on n’y entendait jamais d'idées nouvelles.
La messe avait été dite au Bourget, et les propositions de leur parti n’étaient plus qu’un missel virtuel selon lequel ils n’avaient même plus à prier. Persuadés, par leurs rôles dans des officines locales, d’avoir accompli leur cota de mission sociale, mais ayant complètement décroché de cet esprit militant qui brillait de quelques feux dans les années 90, ils n’attendaient plus que la soupe et le champagne leur soit servis, avec les honneurs, et leur petit nom gravé sur le rond de serviette.
Beaucoup, Libé en tête, cherchèrent à vendre la peau de l’ours. « On a l’impression qu’il pense avoir déjà perdu », « Un président perdu en pleine campagne », « Le chant du cygne » « Le capitaine perdu », « Qui croit encore en… »…
Appuyés par Marine elle-même, certains gloussaient de bonheur de la farce énorme pouvant arriver à la droite, si les voix pour Nicolas Sarkozy s’effondraient au point de recréer un « 2002 à l’envers », en laissant face à face, leur hardi capitaine et la famille Le Pen.
Comme si cette situation avait un quelconque intérêt pour notre démocratie.
Parfaitement à l’aise sur leurs petits nuages, ils ne réagirent pas aux paroles de leur candidat disant se moquer des voix du candidat Bayrou, comme ils n’avaient pas réagi quand il avait prétendu pouvoir l’accueillir dans son futur gouvernement. Et quand ayant complètement anéanti un parti écologique déjà malade du combat de ses élites, en leur négociant de façon scandaleuse des circonscriptions, et leur imposant de fait une non-contradiction absolue, ils ne semblaient plus avoir d’yeux sur la gauche,... que se pour se contempler eux-mêmes.
A côté d’eux, pourtant existait un second camp.
Quelques bataillons d'un Front de gauche. Qu’ils méprisaient cordialement.
Quand ils ne leur reprochaient pas de travailler pour la droite, ils en parlaient comme la réminiscence archaïque d’un passé trotskiste condamné par l’histoire. Ou l’exercice creux d’une tradition folklorique communiste, dans un pays ou selon cette gauche, les ouvriers et les employés ont 3 solutions : Etre trop peu cultivés pour aller voter, être assez stupides pour adorer Marine Le Pen, ou ne pas exister.
Pourtant, forts de leur succès, et de leurs aspirations qui se qualifient de jour en jour, ces petits bataillons composent aujourd’hui une véritable armée. Ceci impliquant une côte d'amour électorale totalement ascendante, malgré tous les pieds musclés qui la freinent dans l’industrie statistique. et qui n'osent plus regarder les voeux de ces indécis qui risquent malheureusement pour eux… d’aller voter.
Ces trublions portent en eux une dynamique renversant complètement la donne, en organisant une résistance contagieuse et une bataille terrible contre les armées ennemies. Avec leur candidat Jean-Luc Mélenchon, porté par ses capacités extraordinaires d’orateur et de stratège, sa grande culture et sa pugnacité, et des militants efficaces, organisés, utilisant des moyens de communication sophistiqués, et un mouvement provoquant en tous lieux, de véritables évènements populaires.
Leurs suffrages viennent de tous les horizons, et de tous les milieux.
On y trouve les déçus de la gauche, de jeunes communistes timides mais parfaitement convaincus, des anciens qui assistent émerveillés à des choses auxquelles il n’osaient plus croire, des syndicalistes profitant de la seule parole collective par laquelle les travailleurs peuvent se battre aujourd’hui, des profs qui n’en reviennent pas que l’on puisse à ce point comprendre tout ce dont ils souffrent depuis 10 ans, des gens qui n’ont plus de travail, plus d’argent et qui revivent à l’idée de retrouver une parole, des chefs de toutes petites entreprises, des intermittents du spectacle dégoûtés du peu d’intérêt que l’on porte à leurs métiers, des travailleurs sociaux révoltés par ce qu'on leur demande de faire, des trotskistes lassés de leur immersion dans le néant, des écolos fâchés par leurs aventures dans la mesquinerie des partis verts, d’anciens gaullistes qui n’en reviennent pas d’écouter enfin de vraies paroles républicaines, des gens de lettres et de sciences arrivés ici par la réflexion, et bien d’autres encore, de tous âges, paysans, ouvriers, employés, cadres, peuple sorti de l’ombre, qui constituent enfin pour cette nouvelle gauche française, une véritable armée.
Ce mouvement permet enfin à la gauche française toute entière de redevenir crédible.
Ses interventions, ses propositions, ses critiques économiques et sociales, rejaillissent sur tous les candidats.
Les verts, tout d’abord, avec une Eva Joly, bien plus respectée comme personnalité par le Front de Gauche que par ceux dont elle est censée tenir le flambeau, et qui ne peuvent que s’incliner devant l’idée d’une planification écologique alliant le respect de l’humain et celui de la nature. Car ces militants d’un parti disparate savent bien qu’ils ont plus à gagner d’un gouvernement ou la question écologique reste sur la table, que de quelques sièges de députés roses-verts asservis à une social-démocratie intrinsèquement productiviste et soumise à des diktats européens.
L’extrême gauche ensuite, avec des trotskystes, dont on ne se moque jamais de leur plongée dans le néant, mais dont on garde les bonnes idées. Et un Philippe Poutou, qui travaille enfin davantage à la reconnaissance d’un prolétariat dont la social-démocratie a banni le terme, qu'à rajeunir ses slogans anti-impérialistes.
Puis enfin, ce même Parti Socialiste, débordé idéologiquement sur sa gauche, et pas qu'à gauche, qui en vient petit à petit, à s’inspirer des bonnes idées et des bonnes manières du Front de Gauche.
L’idée de taxer quelques riches footballeurs n’en étant que la caricature.
Ils avaient démarré leur campagne en voulant rassurer les riches, ils la terminent déjà en mendiant leurs voix chez les pauvres.
Au point qu’un funèbre Michel Sapin se vantant de pouvoir redresser la France avec son ridicule demi-point de croissance, ou un Manuel Vals et ses sublimes idées de rénovation des banlieues à coup de fusil à pompe, semblent se condamner au mutisme. Pour laisser la place à des voix qu’ils avaient mises trop facilement de côté. De celle d’un Montebourg survivant miraculeusement à ses flagellations, à celle d’une Ségolène toujours charmante dans ses indignations.
Bien sûr, ce petit vent, porté par l’excellence de ses critiques, fait des émules ailleurs.
Car cet esprit néo-libéral qui chercha à confisquer toute parole politique pendant 20 ans, qui produisit tant de ruines, fut inlassablement critiqué pour ce qu’il a produit et détruit. Par une foule de gens. Des élites mécontentes travaillant pour leurs officines, aux révolutionnaires en herbe, oeuvrant tranquillement dans leurs petits abris citoyens.
Totalement à bout de souffle, terrorisée par un plancher s'effondrant sous leurs pieds, la droite Française, comme dans les années 70, ne peut se régénérer que par un détournement des idées de ceux qui la condamnent.
Le Front National, a commencé trop tôt. Grosse erreur.
Incapables de trouver des idées ailleurs, ces gens se rendent malades depuis des mois à tenter de pomper laborieusement quelques idées économiques, trouvées au Front de Gauche, et chez les économistes du mouvement Attac. Voler des idées à gauche, ou faire semblant d'aider les pauvres est une bonne idée, mais il faut paraître crédible. Et pour ces gens, dont les seuls efforts n’ont été pendant des décennies que de propager des virus chargés de haine, il est difficile de se mettre brutalement aux mathématiques.
Le plus laborieux étant pour leur candidate, de devoir apprendre des chiffres par cœur.
Et ce n’est pas le faux maître Collard, ex-trotskiste, mais shooté h24 à la diatribe anti-halal, qui pourra les aider.
Le clan Sarko, a réagi très tardivement. Ayant payé une fortune des énarques et des sociétés spécialisées, à ânonner des répliques possibles pour battre une gauche socialiste masochiste car raffolant se tirer des balles dans le pied, il s’était habitué à un scénario de campagne pantouflard, selon lequel il suffisait de déclarer les intentions du candidat le plus tard possible, puis embrayer sur un petit travail de séduction des électeurs FN, puis ridiculiser la gauche socialiste sur son manque d’ambition et de moyens. Avec une petite embellie au final pour attirer les centristes.
Mais rien ne se passe comme ils l'avaient prévu.
D’abord ils ont découvert qu’un gros tas de petites gens voulaient bien voter Marine ou Hollande, mais sûrement pas pour eux. Ensuite, ils ont fini par comprendre que pour ridiculiser le parti Socialiste, il fallait déjà pouvoir faire oublier leur propre ignominie. Et que faire avec ce centre, qui ne voyant briller de lumière pour lui nulle part, reste stupidement au centre ?
Ne restait qu’une solution désespérée, avec 12 mois de retard sur les équipes du FN, faire du Mélenchon "à l'arrache".
Ainsi Nicolas Sarkozy brave l’Europe, au risque de se déjuger totalement, et que tous les candidats retiennent cette bravade. Le fait de prétendre contraindre les états européens à bafouer les lois de l’hospitalité n’a en réalité plus grande importance. Car la méthode retenue crée une brèche ouvrant la voie à un raz de marée Gaulois pour tous les candidats.
Ne craignant aucun ridicule, il fait mine de s’attaquer aux profits des riches. Lui qui a fait tout le contraire pendant 5 ans. Et plus les Français rient de ceci aux éclats, plus leurs partisans grincent des dents.
Jamais un parti politique comme ce Front de Gauche, n’avait favorisé depuis 1968, un tel débat d’idée. Et la nouvelle démocratie issue de ce joyeux bazar, semble bien contenir, le bavardage tranquille de nos idées de demain.
Le grignotage des voix du parti socialiste par le Font de Gauche est une idiotie, au même titre que l’idéologie du vote utile. Ce parti commence enfin à comprendre que toute voix acquise au candidat Mélenchon, est un encouragement pour la gauche tout entière, et que ce glissement des voix des indécis vers la gauche, dès le premier tour, favorisera des voix au PS, et tout au moins, ne lui en fera perdre aucune.
Tout le problème de la gauche Française sera donc dans les semaines qui suivent, de faire avancer leurs armées ensemble. Et ce n’est qu’à cette condition qu’elles pourront écraser toutes celles de la droite française.
L'histoire se répète encore une fois en farce. Car s'il y a 5 ans, les généraux du parti socialiste français, ont sabordé par tous les moyens la campagne d'une Ségolène toute empreinte d'une bravitude un peu droitière, et ce pour garder tous les privilèges du commandement, ils risquent bien aujourd'hui, lancé par leur élan, de devoir partager l'avenir avec une gauche intelligente, bavarde, et révolutionnaire, ce qui est leur pire cauchemar.
Iconographie : En attendant la Prise de la Bastille, la « marche pour la VIe République » à l’appel du Front de gauche, ce Dimanche 18 Mars, petite évocation des armées révolutionnaires à l'assaut de l'Europe : Combat de Varoux le 27 novembre 1792 7h du matin, quelques heures avant la libération de la ville de Liège assiégée par les Autrichiens.
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