Une France à 5 temps
Alors que les politologues de tout crin continuent d’affirmer que notre pays est coupé en 2 : la gauche et la droite, d’autres finissent par envisager que notre pays soit divisé en 5.
En effet, il y a bel et bien 2 gauches, une gauche récemment socio-libérale, qui suit aveuglement le président, même lorsque celui-ci manque à sa parole, et une gauche qui se disant trahie rappelle quelle s’est engagée pour le programme de 2012, et non pour celui que le président veut lui faire avaler.
À droite, il y a aussi 2 droites, une droite républicaine, qui s’est refusée à ne pas trancher sur le cas front national et une droite qui en déclarant le ni-ni a finalement refusé de faire de l’ombre au FN, lui offrant finalement un piédestal.
Et puis il y a l’extrême droite qui, brandissant l’argument de l’échec de la gauche et de la droite, se présente comme le seul recours, comme un chevalier blanc, alors que les élus, ou membre de ce parti, trainent déjà un certain nombre de casseroles judiciaires. lien
Quant aux autres partis, il ne sera pas compliqué de leur trouver une place dans l’une de ces 5 directions, mais sur le fond, le pays est bien divisé en 5 gros morceaux qui ont quasi la même importance.
En effet, il sera logique de ranger modem et UDI dans les rangs de la droite dite républicaine…et d’intégrer le Front de Gauche, NPA, lutte ouvrière, communistes ou EELV dans le camps des frondeurs, et de ceux qui se refusent à porter l’étiquette « socio- libérale »…quant au mouvement pour la France, la frontière qui le sépare du FN est ténue, pour ne pas dire inexistante.
Pourtant, en poussant l’analyse un peu plus loin, on ne peut s’empêcher de constater une certaine porosité entre ceux qui, comme Juppé et d’autres, ne voient pas de réelles différences entre ce que propose le tandem « Valls-Macron » et leur propre programme, preuve s’il en fallait que certains d’entre eux voyaient plutôt d’un bon œil une partie du programme Macron.
On ne voit pas trop de différences non plus entre les électeurs de la droite de Sarközi et une partie de ceux de Marine Le Pen, ce qui est confirmé par un récent sondage qui affirme que 47% d’entre eux seraient plutôt favorables à un rapprochement. lien
D’ailleurs l’élection récente qui s’est tenue dans un canton du Doubs en a apporté la preuve éclatante, puisque selon une étude la moitié des électeurs UMP a voté FN au second tour, s’il faut en croire le chercheur Joël Gombin, affirmant que on ne peut « guère parler de succès du rassemblement républicain, mais plutôt de constater la fusion, relative certes, mais néanmoins bien avancée, des électorats de l’UMP et du FN ». lien
Alors quelle crédibilité donner au patron de l’UMP qui frappe de ses petits poings sur la table menaçant d’exclusion ceux qui seraient tentés un rapprochement avec le FN… ? lien
Au-delà de toutes ces péripéties de partis, où il apparait que chacun des 5 camps a d’abord comme priorité de prendre le pouvoir, quitte à décevoir par la suite, on pourrait s’interroger sur l’opportunité de cette 5ème république qui, à coup de 49/3, prouve qu’elle a une pratique de la démocratie pour le moins discutable.
Certains appellent de leurs vœux une 6ème république, réellement démocratique et représentative de la population, et qui laisserait à l’élu présidentiel comme seule mission d’appliquer le programme qui l’a fait élire, demandant aux autres élus de servir le peuple, plutôt que de se servir. lien
Ce 49/3, critiqué bien évidemment par le camp des opposants, est finalement banal, d’autant que l’UMP l’avait pratiqué lorsqu’elle était au pouvoir.
Les français n’ont pas toujours la mémoire courte, et se souviennent peut-être qu’en 2006, ce même François Hollande s’était indigné d’un passage en force de la droite alors au pouvoir : « le 49.3 est une brutalité, le 49.3 est un déni de démocratie, le 49.3 est une manière de freiner ou d’empêcher le débat parlementaire » avait-il déclaré alors. vidéo
Ce fameux article a déjà été utilisé par le passé 83 fois, et la palme revient à un certain Michel Rocard qui l’a utilisé 28 fois. lien
On peut aussi s’interroger sur ce qu’aurait fait l’ex-président de la république pour partir en guerre contre le terrorisme qui a couté la vie aux membres de Charlie et aux clients d’une épicerie casher ?
Le plan mis en place par le ministère de l’intérieur actuel aurait manifestement été le même si ces drames s’étaient produits sous le gouvernement précédent…à quelques détails près si l’on se souvient de l’affaire Merah, dont le moins qu’on puisse dire, c’est qu’elle est loin d’être si claire.
L’éducation nationale a tiré la première en lançant en novembre 2014 un Powerpoint de 14 pages intitulé « prévention de la radicalisation en milieu scolaire » qui vaut son pesant de bananes.
Pour être tout à fait exact, ce document émane de l’académie de Poitiers, et on peut légitimement s’interroger sur ce qui y est proposé.
Les signes extérieurs de radicalisation sont définis ainsi : « barbe longue non taillée, cheveux rasés, habillement musulman, jambes couvertes jusqu’à la cheville, refus du tatouage, cal sur le front, et perte de poids liée à des jeûnes fréquents »…et le fascicule donne un numéro vert pour encourager d’éventuels témoins chez les enseignants à signaler d’éventuelles dénonciation sous le chapitre « les bonnes questions » pour identifier les risques de basculement. lien
C’était avant les tragédies du début janvier 2015, et le gouvernement a donc lancé un site dédié à la prévention et à la lutte antiterroriste « qui permet aux citoyens de mieux cerner les enjeux et moyens de la lutte antiterroriste et met à leur disposition des outils pratiques ».
La aussi un numéro vert permet « à ceux qui s’interrogent ou s’inquiètent d’un possible embrigadement de l’un de leur proches d’avoir un entretien détaillé, indispensable pour établir un diagnostic ». lien
N’y a-t-il pas là comme un mauvais parfum de délation ?
C’est en tout cas ce qu’a suggéré l’humoriste Pierre Emmanuel Barré, sur l’antenne de France Inter, dans l’émission « la bande originale » en proposant un moment d’humour décapant qu’on peut réécouter sur ce lien
Quant au plan mis en place par Valls, de quelle efficacité peut-il être crédité ?
Au-delà des 425 millions engagées, des procédures permettant de bloquer les sites internet faisant l’apologie du terrorisme, les garde à vue prolongées à 4 jours, des 2680 emplois supplémentaires, du recrutement de 60 aumôniers musulmans et de la création d’un fichier des personnes considérées comme terroristes, on est en droit de s’interroger sur ces mesures dont le premier résultat sera de rogner un peu plus les libertés et de se demander si les 425 millions n’auraient pas pu être utilisés plus efficacement. lien
Ces actes terroristes, même s’ils sont planifiés, sont tout de même le cas d’individus isolés, qui profiteront de toutes les failles de l’appareil policier pour mener leurs actions néfastes, comme on a pu le voir en Janvier 2015…et auparavant.
On se souvient qu’en octobre 2014, 2 attaques terroristes avaient été commises au Canada, abattant un soldat en faction, et ouvrant le feu contre le parlement canadien…(lien) puis il y a eu l’affaire Merah… et récemment c’est le Danemark qui a été la cible de ce que Valls qualifie « d’islamo-fascisme ».
Mais quand on réalise, malgré les efforts déployés, comment finalement les forces de police et toutes les stratégies sont si peu efficaces, on peut logiquement se demander si les moyens mis en œuvre sont les bons ?
Comme dit mon vieil ami africain : « on n’écrase jamais une puce avec un éléphant ».
L’image illustrant l’article vient de contrepoints.org
Merci aux internautes pour leur aide précieuse.
Olivier Cabanel
Articles anciens
Charlie, comment on en est arrivés là ?
Les grossières ficelles de l’affaire Merah
la jolie vie des parlementeurs
39 réactions à cet article
Ajouter une réaction
Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page
Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.
FAIRE UN DON