Valls lui a dit : « De toute façon moi, j’y vais »
Valls lui a dit : « De toute façon moi, j’y vais ». Nous avions alors a peine entamé le concassé d’écrevisses prévu pour l’entrée, et face à la mine défaitiste de François Hollande, le destin de la gauche, d’Emmanuel Macron, d’Arnaud Montebourg et de notre Président de la République étaient scellés. Ce discret putsch de chambre, le seul réussi de la Vème République, fera trembler la scène politique française pour les prochaines décennies et brisera à jamais la confiance d’un Président envers son Premier ministre. Et déjà, alors que le serveur en redingote noir propose les chocolats, les préférés du Président, fèves de cacao colombiennes séchées entre les plantations de café spécialement importées en fret aérien pour son bon plaisir, se décide l’emploi du temps de cette première semaine de décembre. Le Président devra faire son allocution le premier du mois, durant laquelle il renoncera publiquement à sa propre réélection, et défendra avec l’honneur d’un homme battu, son bilan politique de ces cinq dernières années. Valls en attendant, devra rester silencieux, courber l’échine et prétendre pour la dernière fois qu’il sera loyal au Président de la République.
Alors qu’à 20h10, Hollande annonce sa résignation, Arnaud et Emmanuel suivent apeurés sur BFM TV la fin annoncée de leur destin national. Ils viennent seulement de comprendre le coup de maître de Valls. Lui Valls, qui va maintenant remporter la primaire de la gauche en janvier prochain. Lui Valls, qui va faire croire à tout ces électeurs désœuvrés que Jean Jaurès, Léon Blum et François Mitterrand ne se sont pas battus en vain et que les socialistes existent encore. Lui Valls, qui va mobiliser plusieurs millions d’électeurs aux urnes pour ces primaires. Lui Valls, qui va humilier sans concession, Arnaud De Montebourg l’opportuniste qui voyait face à Hollande, sa seule chance d’être un jour candidat à l’élection présidentielle. Et enfin, lui Valls, qui va se rire d’un Macron esseulé, ne pouvant plus ni compter sur les voix de gauche, qui ont trouvé leur champion, ni compter sur les électeurs de centre-droit qui, effrayés de voir un nouveau socialiste au pouvoir, voteront pour un nouveau François. Macron, Hollande, Montebourg et autres figurants sont morts, vive Valls ! (et vive la France.)
Certains continueront de se demander « Mais pourquoi diable Valls tente t-il le coup ? ». La défaite lui semble assurée et elle l’est. La vérité est plus compliquée. François Hollande, s’il gagnait la primaire, était promis à une élection à la Gaston Defferre, et tout juste aurait-il pu prétendre à 5% des voix au premier tour de l’élection présidentielle. Le PS aurait alors implosé, et la fracture idéologique manifeste pendant le dernier quinquennat, aurait tracé la ligne de rupture entre deux camps opposés. Macron, auréolé de son score plus qu’honorable de 14%, serait devenu le champion des progressistes libéraux de gauche et du centre. Mélenchon serait lui devenu ce héros populaire de la gauche radicale, mêlant comme en 1981, communistes et ex-frondeurs du PS. Cette humiliation terrible aurait naturellement mis fin à la carrière politique de François Hollande, aux caciques du PS, mais aussi et surtout à Valls.
Manuel a réalisé sous nos yeux un coup de maître. Avec ce putsch, il a renversé la table et il a rejoué la partie. Il sauve à lui seul les apparatchiks du PS, il renouvelle l’idéologie même du parti socialiste en empruntant tout de Macron sur le plan économique et social, tout de De Gaulle sur le plan régalien et tout de la rhétorique de Mélenchon. Valls sera le troisième homme de l’élection présidentielle et il sera le visage de la gauche pour les dix prochaines années.
Jean B
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