Atlantico : Qu’est-ce que cela dit du rapport de la gauche actuelle à l’immigration ? Est-elle écartelée par la question ?
Laurent Pinsolle : La gauche est effectivement en difficulté sur cette question et sa position a beaucoup évolué. Elle a un temps, avec Georges Marchais, tenu un discours de limitation de l'immigration en forte de période de chômage avant de passer à une sorte d'angélisme hérité de la pensée mitterrandienne sur la question. Cette dualité se retrouve dans le gouvernement actuel qui malgré tout, tirant les leçons de l'échec de Lionel Jospin, a décidé d'adopter une posture plus ferme. Toutefois,
les chiffres publiés cette semaine montrent bien qu'il ne s'agit, de fait, que d'une posture...

Atlantico : La gauche connait-elle ces derniers temps une difficulté particulière à se positionner par rapport à la question de l’immigration ? Joue-t-elle, par le biais de Manuel Valls notamment, un numéro d'équilibriste entre ses courants ?
LP : La gauche reste actuellement en grande partie ancrée dans cet angélisme qu'on lui connait. Il existe également une gauche républicaine, dont se revendique les chevènementistes, qui fait preuve d'une fermeté plus nette à ce propos. Il y a toutefois dans la majorité de gauche une dimension internationaliste, de rejet de la nation qui repose sur une vision de l'immigration qui si elle est très généreuse est absolument irréalisable dans les faits. Cette gauche là oublie que la France ne représente que 1% de la population mondiale ce qui ne lui permet pas d'accueillir "toute la misère du monde".
Je ne crois pas que Manuel Valls représente vraiment une ligne dure de la gauche sur les questions sécuritaires et migratoires. Son bilan législatif ne résiste pas à une simple question : quelles mesures a-t-il vraiment prises pour améliorer les choses ? Peu importe qu'il prenne un ton martial et se mette du côté des policiers, il ne fait rien de concret et l'angélisme de la gauche transparaît là aussi. La gauche n'arrive clairement pas à se positionner sur ces questions, elle hésite. Aujourd'hui, la majorité navigue entre cet angélisme béat caractérisé par Christiane Taubira, Cécile Duflot et consort dont la pensée confine à l'impunité, et quelques socialistes qui se posent vraiment la question de régler ces problèmes. Au milieu, on retrouve
Manuel Valls qui fait de la forme sans faire de fond.
Atlantico : La gauche cherche-t-elle à dépolitiser ces questions ? Au contraire, la sur-politise-t-elle autour de petites affaires ?
Atlantico : Faut-il voir derrière ce discours double une vision électorale voire électoraliste ?
LP : Les socialistes veulent avoir le beurre et l'argent du beurre. Ils ne veulent pas se couper d'une base électorale traditionnelle elle-même angéliste mais ont compris qu'ils étaient en train de perdre les classes populaires, ils ont mis en place cette double ligne que j'évoquais pour raccrocher ces dernières au train. Pourtant, depuis longtemps dans les faits, la com' Montebourg/Valls destinée à ces classes populaires n'est pas suivie de faits. Cette solution pourrait néanmoins réussir puisque même si les Français sont très désillusionnés et perçoivent cette stratégie,
ils se disent que c'est pareil ailleurs notamment à l'UMP...