Vers des relations ’décomplexées’ entre politique et industrie ?
Nicolas Sarkozy assume sa retraite luxueuse à Malte, et n’a « pas l’intention de se cacher, de mentir, de s’excuser ». Apres la polémique declenchée par des représentants de la gauche immédiatement relativisée par des porte-paroles du futur président de la République, je m’interroge sur ce que cette retraite volontairement ostentatoire porte de sens pour l’image de la fonction politique, et comment certains voudraient la voir évoluer. Ceci n’est que le simple avis d’un citoyen, sans aucune ambition, si ce n’est celle de partager : merci de résister à la tentation de l’insulte ou du mépris, et construisons ensemble une reflexion !
Relations entre politique et industrie : nécessité ou à bannir absolument ?
Les relations entre le milieu politique et celui des affaires est un terrain très sensible, pour plusieurs raisons :
L’obtention de marchés publics, normalement régulée par des lois précises (code des marchés publics), peut devenir très complexe à gérer lorsque les hommes politiques ayant le pouvoir d’attribuer ces marchés sont en relation directe ou indirecte avec ceux qui en ont besoin pour prospérer. Il peut donc y avoir conflit d’intérêt qu’un homme politique ne devrait pas avoir à gérer, afin qu’il puisse se consacrer pleinement à l’Etat. C’est particulièrement visible pour des marchés liés à l’énergie ou a l’eau potable au niveau local.
Lorsque ces entrepreneurs sont des marchands d’armes (et ont donc pour clients les Etats) ou possesseurs de media (dont les hommes politiques peuvent avoir besoin pour communiquer à la masse), le conflit d’intérêt prend une toute autre dimension. On a vu dans des démocraties modernes ce que peut provoquer des relations trop proches entre fournisseurs d’armements et Etats, où les premiers sont clairement en faveur de guerre préventives, au détriment de la diplomatie, bien moins rémunératrice. De même, lorsque des media privés ayant un quasi-monopole (de par leur très large diffusion) deviennent des canaux favorisant le pouvoir en place, on se retrouve au même point qu’avec une télévision d’Etat digne d’une dictature communiste.
Pourtant, il semble nécessaire que les hommes politiques locaux soient en relation avec les grands industriels de leurs régions, parfois pour cogérer une politique socio-économique "gagnant-gagnant", soit pour persuader un industriel d’investir dans une région et créer de l’emploi, "par amitié" (amitié bénéficiant au représentant de l’Etat, car cela jouera en sa faveur lors de prochaines élections).
En revanche, ces relations augmentent la perméabilité entre le milieu politique et celui des affaires, et l’on peut se retrouver avec des gestionnaires d’entreprise à la tête d’administration, alors que celles-ci n’ont pas vocation à être rentables (bien que cela soit important, ce n’est pas le critère principal), ce qui peut parfois jouer en défaveur des administrés. C’est ici un problème de culture et d’éducation.
Les relations entre hommes politiques et industriels ne sont donc pas à bannir, mais peut-être tout simplement à organiser dans un cadre beaucoup plus strict qu’il ne l’est actuellement, par exemple en limitant le développement d’un groupe industriel dans les media ou dans l’armement d’une part, et de vivre des marchés publics d’autre part, afin de limiter les conflits d’intérêt.
Les relations de Nicolas Sarkozy
Nicolas Sarkozy ne se cache pas d’avoir des amis de vingt ans, rencontrés pour la plupart lors de son passage à la mairie de Neuilly-sur-Seine et de la création de "Neuilly Communication", club élitiste rassemblant le gratin des dirigeants d’entreprise habitant Neuilly et les communes avoisinantes. On y dénombre de nombreux chefs d’entreprises de media ou de publicité (Hachette Filipacchi, UGC, Decaux, M6, ...). D’autre part, il ne cache pas son amitié avec Martin Bouygues (TF1), Arnaud Lagardère (possédant de nombreuses radios comme Europe 1, Europe 2, RFM, ainsi que de chaînes de télé, ainsi que des actions dans EADS ayant des activités dans la défense). Le but de cet article n’est pas de dresser une liste exhaustive, par ailleurs accessible au grand public, mais bien de rappeller que les amis de Nicolas Sarkozy ne sont pas des amitiés récentes, à charge ou à décharge de l’intéressé, suivant la conception que l’on peu se faire de la politique.
En revanche, on peut supposer que ce sont des amitiés nées ou sucitées dans un cadre professionnel (en tant que représentant de l’Etat ou actionnaire de son cabinet d’avocat), pratique courante dans le mileu des affaires. Un tel réseau est essentiel pour prospérer, et tout simplement exister.
D’autre part, Nicolas Sarkozy excelle dans la sympathie qu’il peut générer de la part de stars du show biz et de sportifs, ainsi que des journalistes. Il sait habilement manier le bâton et la carotte, sachant tantôt être extrêmement proche et familier, tantôt menaçant. C’est le propre d’un leader, me direz-vous, où il est plus commun de se faire respecter par la crainte que par la douceur.
Décomplexion d’une classe politique issue du milieu des affaires
Nicolas Sarkozy l’a dit et répété durant cette campagne : il a contribué à la naissance d’une droite décomplexée, fière de ses valeurs, et beaucoup plus proche du mileu dont sont issus la plupart de ses représentants. Dans une démocratie moderne, il existe le concept de Lobbying : les industriels peuvent financer des groupes (de pression pour certains, de sensibiliation pour d’autres) afin que les hommes politiques ne soient pas complètement isolés des impacts économiques de leurs décisions. Avec la droite décomplexée, il semble que l’on puisse se passer de Lobby ; les députés et autres membres du gouvernements ainsi que leurs relations, font partie de ces industriels. Ils ont donc accès directement à l’oreille attentive des représentants du peuple, et ceci en dehors de tout contrôle, et hors des couloirs du Parlement.
La droite décomplexée célèbre le mérite, le travail et la réussite. Elle est contre l’égalitarisme (c’est-à-dire pour les privilèges "naturels", ou "acquis") car il existe la possibilité pour chacun de s’élever au-dessus de la masse, que ce soit au travers de plusieurs générations s’il le faut. Nicolas Sarkozy est donc complètement cohérent avec son idéologie lorsqu’il dit ne pas se cacher de profiter de la prospérité de ses amis, car celle-ci a été honnêtement gagnée.
Cette volonté d’afficher clairement les relations entre la majorité presidentielle et le monde des affaires est un signal fort vers le peuple français : cette France-là n’a pas honte de gagner de l’argent et n’accepte pas l’idée qu’il puisse y avoir de limites d’écart entre les plus riches et les plus pauvres. Cette France-là défend les patrons créateurs de richesse et d’emploi, de la même manière que l’on glorifie un chef de guerre remportant une victoire (en passant au second plan les hommes et les femmes qui se trouvent en première ligne, et qui font la force de ces entreprises et de ces armées).
Il s’agit donc ici d’une idéologie assumée, et la gauche ferait mieux d’assumer ses valeurs plutôt que de courir après celles de la droite. On est pour ou contre l’égalitarisme. On est pour ou contre le culte de l’argent roi et la réussite matérielle. On est pour ou contre la nécessité d’un contre-pouvoir, ou pour ou contre la confiance en une élite (aussi apte et qualifiée soit-elle) capable de prendre seule les bonnes decisions. En tout cas, notre futur président aura été clair avec ses électeurs, et a au moins le mérite de la franchise.
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