Vers un Besitos gate ?
Remue-ménage évité de justesse par Arnaud Lagardère : Sarkozy surpris la main sur une lettre tendre par le magazine Choc, qui voulait publier l’info. La double page ne paraîtra pas, mais le web s’est emparé du scoop, et d’une partie du texte. De quoi rendre écarlate Cécilia.
L’ample foulée, le gland (du mocassin) virevoltant, l’air décidé, Nicolas Sarkozy, suivi de Christine Boutin, sortant du conseil des ministres, le 12 septembre dernier, en main un dossier, une chemise plus précisément, et sur la chemise un papier, une lettre. Une écriture large, ronde, suffisamment pour qu’un œil expert de journaliste paparazzi déchiffre les mots. Ce que s’est employé à faire un salarié de Choc, magazine haut en couleur et riche en formes, qui entreprend de dévoiler les dessous des uns, le chic des autres, la nouvelle maîtresse de tel premier secrétaire ou les premières rondeurs de telle actrice. La légèreté des mots et le volé des photos, une sorte de Match roots. Un magazine appartenant comme nombre d’autres à l’empire Lagardère, et au sein de la rédaction duquel certains journalistes ont suffisamment de conscience professionnelle, ou de déontologie, pour aller disséquer une photographie d’apparence anodine pour en extraire la substantifique moelle. Sarkozy un texte en main ? Non, une lettre. Une lettre ? Pour qui ? De qui ?
"J’ai l’impression de ne pas t’avoir vu depuis une éternité et tu me manques. Jeudi on part faire notre virée à Essaouira pour mon (illisible). Mais j’aimerais bien réussir à te voir la semaine ou le week-end suivant. Millions de Besitos." Voilà ce que Choc a pu déchiffrer sur cette pierre de rosaire-là. A ce stade-là de l’enquête, digne du Watergate, une question se pose, fondamentale : à qui est adressée cette lettre ? A Sarkozy ? A Christine Boutin ? A moins que ce ne soit Sarkozy lui-même l’auteur de la missive, mais alors quel est le (ou la) destinataire ? Christine Boutin ? Rachida Dati ? Quelqu’un d’autre ? Non, l’hypothèse d’une lettre écrite par Sarkozy ne semble pas tenir la route : personne n’a reconnu son écriture. (Qui connaît son écriture, au fait ?) Donc la version officieuse est celle-ci : cette lettre a été écrite par quelqu’un(e) à l’attention de notre omnicourant président. Une personne qui ne l’a pas vu, donc, depuis longtemps. Qui n’est actuellement pas en France. Mais qui compte bien voir Sarkozy un de ces jours. Et qui lui fait des « millions » de « besitos ». De petits bisous. Rien de méchant, a priori, sauf qu’Arnaud Lagardère n’a pas apprécié et a fait interdire « fissa » la double page.
Alors qui, mais qui, a donc écrit à Sarkozy ? Qui ose lui envoyer ainsi tant de marques d’affection ? Qui écrit si gros qu’on arrive à déchiffrer sa lettre avec une simple loupe ? Et pourquoi Sarkozy n’a-t-il pas mieux dissimulé l’objet du délit ? Sur la photo il tourne la tête, comme si quelqu’un l’appelait ? Est-on en train de lui signifier qu’il devrait dissimuler son courrier devant les photographes ? Trop tard... Mais qui ? Qui écrit ainsi au chef de l’Etat ?
On lui connaît diverses conquêtes : Bernard Laporte, par exemple, sélectionneur un peu myope du XV de France, qui dans les vestiaires après la victoire modeste contre l’Irlande, n’a pas manqué l’occasion de souligner que ses joueurs avaient été « aussi grands que le Président ». Le grand argentier du quinze tricolore, qui ne crache pas sur le jambon et attend le bouclier fiscal comme ses joueurs attendent les Blacks serait bien homme à couvrir de petits bisous son supporter le plus haut placé. Rachida Dati, on y revient, fait aussi partie des suspectes. Elle s’est mise à dos pratiquement l’ensemble de la magistrature mais reste la protégée du magistrat suprême, qui l’adore et la couve, même quand elle jette par la fenêtre ses collaborateurs comme d’autres les sans papiers. Seul hic : Rachida et Nicolas ne se quittent pas vraiment, on raconte même qu’elle est l’oreille du Neuilly man et l’œil de Cécilia. On l’imagine bien, en revanche, tout sourire dehors, « bisouter » son petit Nicolas.
Mais elle n’est pas la seule : François Fillon lui aussi est bien capable d’une telle missive : après sa gaffe sur l’Etat en faillite, le Premier ministre, « remarquable » selon son Président, qui le voit « tous les jours », rase les murs et tente de se faire tout petit. Pour dérider son collaborateur majeur, l’homme de Matignon aurait pu inventer ce stratagème épistolaire un peu écolier attardé, certes, mais enfin. Et puis, il y a François Bayrou, qui ne sait plus trop où se mettre, à qui Sarkozy a proposé un poste dans son prochain gouvernement remanié de mai 2008. Bayrou a dit non, avant de discuter avec Hollande, avec qui il a trouvé quelques convergences. Mais des « millions de besitos », c’est pas très Mouvement Démocrate.
Et Christine Lagarde ? Ne tenterait-elle pas, par quelques mots doux, d’éviter l’éjection programmée ? Et si c’était... Ségolène. Flagellée par Jospin, raillée par Allègre, boudée par Montebourg et snobée par Dray, Ségolène est la candidate idéale à ce style d’écriture : ampoulée, doucement hystérique, gnan-gnan. Ca doit faire un moment, quelques mois au moins, qu’elle n’a pas rencontré son adversaire préféré. Du coup elle peut avoir « l’impression » de ne pas l’avoir vu « depuis une éternité ». Mais Sarkozy manque-t-il à Royal ?
Aux Etats-Unis, qu’il aime tant, ce genre d’affaire aurait fait un malheur. En Angleterre aussi, les tabloïds se seraient régalés. En France, Arnaud Lagardère a veillé au grain. (La rédaction de Choc se défend aujourd’hui d’avoir été censurée, évidemment, expliquant que « n’ayant pas trouvé l’auteure de ce mot » ils avaient préféré ne pas publier la photo.) Mais un peu trop tard. Trop tard pour empêcher le web (le site Backchich.info en l’occurrence, sous la plume de Michel Ousseuga) de s’emparer du « scoop ». Internet a au moins cette qualité : grâce à la Toile, la censure fait « pschiit ». Mais les « vrais journalistes », ceux qui se targuent de « chercher l’info » (par opposition aux bavards des blogs, qui la commentent), oseront-ils interroger Sa Présidence sur l’auteur(e) de cette lettre mystère ? Et pourquoi, après nous avoir bassiné avec celle de Guy Môquet, veut-il nous priver de sa lecture ? Avant France-Géorgie, par exemple...
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