Vers un gouvernement d’union nationale ?

La cinquième République est réputée pousser à la division du pays en deux blocs, de par le deuxième tour de son élection présidentielle qui oblige, au fin du fin, à opposer deux groupes politiques de citoyens.
En même temps, la personnalisation de la présidence est la garantie de l'unité de la Nation.
Dans la démocratie, tout le monde débat et on ne s'entend plus. La République tranche selon l'intérêt général tel qu'il apparaît (à la Majorité) dans le débat drastique et le pays prend une direction. Néanmoins, même quand la question est tranchée, le débat reste possible sur le bien-fondé de ladite loi, l'évaluation de son application... on peut même arriver à la négociation d'une autre loi. Ce n'est pas non plus obligé et on n'est pas plus en démocratie du fait qu'on aurait dû employer tout ce parcours pour créer la bonne loi que si on avait su la faire du premier coup.
A mon sens, le Président (de tous les Français) est porté au pouvoir par une dualité binaire et un lien singulier entre la nation et lui (ou elle).
Les candidats s'imposent dans leurs partis de toutes sortes de façons, par une supériorité qui apparaît naturellement, ce qui veut dire : sur un chemin non balisé. En principe, un parti présente un candidat, qui contribue activement à tisser le parti tout le temps (en vue de son élection)...
Le fait est que cette désignation d'un candidat au sein des partis ne va plus de soi : certains partis votent et font voter tout le monde afin de savoir qui représente le parti et expriment ses idées. Si les leaders ne sortent pas de l'action politique permanence, au quotidien, il faut bien faire quelque chose.
Le nombre de mouvements que les Français doivent faire pour trouver leur Président augmente de quatre tours de primaires.
Évidemment, tout va mal. Mélenchon ne se présente pas aux primaires de la gauche. Il a programme et parti, lien fort avec une fraction de la Nation, très fort même parfois, jusqu'à l’idolâtrie. Hamon est élu aux primaires de la gauche, lui qui a fait les pires misères au précédent Président, issu du même parti, via les précédentes primaires. Hamon pourrait être considéré comme une sorte de clone de Mélenchon, susceptible de lui prendre des voix. Tous les membres du PS ne se soumettent pas au fait qu'il ait été régulièrement élu aux primaires. Hamon doit faire avec les paroles et actes de ses « frondeurs » avant même d'avoir été élu. Au lieu qu'il emporte la gauche vraiment de gauche avec un appareil d'Etat construit, Mélenchon, qui n'a pas ces peaux de bananes lui passe devant dans les sondages tandis que de sympathiques naïfs leur demandent de s'unir.
Idem à droite, sort un candidat proche des catholiques stricts, disons, qui coupe l'herbe sous le pied de Marine Le Pen. Tombent sur lui des affaires judiciaires ; en substance, il aurait piqué dans la caisse. Lui dit que non, c'est parce qu'on lui en veut. Un petit raout dans le XVIème arrondissement et la droite se range derrière lui, la solidarité partisane a toujours été plus forte à droite. La pression judiciaire s'accentuant, il tente « la meilleure défense, c'est l'attaque »... La droite a le choix entre délaisser son candidat et n'en avoir point dès le premier et de jouer le jeu comme si de rien n'était ; elle opte pour la deuxième solution, comme tout le monde ferait. Bien que ce soit une nouveauté étonnante, ce n'est pas le fait le plus marquant de cette campagne.
D'autres nouveautés le sont plus : un débat télévisé entre les cinq candidats du premier tour, ceux aux meilleurs sondages, est une première. Les enjeux électoraux remontent vers la source, vers le début de toutes les sélections : qui est digne de concourir (même si on continue de penser au second tour) ? Les Français sont conviés à faire le travail des partis.
Et puis, il y a Macron, qui sort quasiment de nulle part, qui s'est autoproclamé, n'a pas de parti, presque pas de programme, mais qui a du charisme et des ralliements.
Même si une passion nouvelle fait remonter les enjeux de l'élection vers la source, le second tour n'a pas changé de forme : les sondages annoncent Le Pen et Macron, les partis « de gouvernement » sortis dès le premier tour.
A mon sens, le niveau national n'est plus opératoire pour résoudre nos problèmes communs, que l'action économico-politique de l'Etat a des résultats faibles, forcément décevants. Il faudrait augmenter l'assiette qui sert aux décisions : augmenter la taille du territoire, augmenter la taille du peuple qui débat, et élit les décisions (via des représentants, on ne peut matériellement tous s'y mettre), augmenter les ressources de ces décisions, en amont et en aval, avant et après, c'est-à-dire prendre les décisions au niveau de l'Europe. Au lieu de s'unir pour être plus fort, chaque peuple national revendique sa souveraineté ; les peuples (nationaux) préfèrent mourir plutôt que de se marier.
L'Etat, économiquement faible, maintient sa présence publique et bavarde en s'emparant des comportements des citoyens, passant des commandes morales (comment s'habiller à l'école ou dans la rue) avec des résultats plutôt opposés à ceux attendus (les tensions augmentent).
La question politique qui fonctionne réellement dans les têtes et dans la société est celle du légitimisme, qu'on appelle plutôt, de façon récente, « identité ». La grande fraction politique était économique (la juste répartition des efforts et des ressources), elle est devenue celle de l'entre-soi : il faut bien qu'il y ait des autres, mais on ne veut pas trop interférer avec eux, sauf dans les situations où on est dominants.
La question politique est devenue : acceptez-vous de vivre dans un monde ouvert ou pensez-vous que le pouvoir politique de votre pays peut à sa guise piloter les flux du reste du monde et les tarir là où il n'est pas assez à l'aise ?
Le politique a changé d'ère, la politique a changé d'axe. Le débat du premier tour le montre : la société, dans la gêne, l'effort et la confusion, cherche les termes (et les acteurs) du débat politique, tel qu'il a changé. Rien ne sert de le regretter, ni de dire que ce changement d'axe est créé par ceux qui le voient.
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