Vers un gouvernement souverainiste : approche méthodologique
Notre situation a ceci de dramatique qu’au moment où les faits donnent raison aux souverainistes, ces derniers demeurent plus divisés que jamais. A l’inverse, les tenants de la continuité et des intérêts acquis, thuriféraires de la liberté de circulation des hommes, des capitaux et des marchandises, ont tort sur tout mais parviennent toujours à s’unir autour d’une figure de référence. En clair, alors qu’il existe un bloc mondialiste agile et discipliné, le bloc souverainiste peine à se rassembler et à se structurer. Et il reste déjà peu de temps avant que ne se rejoue le scénario catastrophe de 2017, à savoir un duel de second tour perdu d’avance pour les souverainistes. Dès lors, que faire ?
La première des choses consiste à proclamer le retour de la souveraineté comme un combat absolument prioritaire. Cela implique de reléguer au second plan les divergences relatives aux conceptions de chacun sur la répartition des richesses et sur les mœurs. Cela ne veut pas dire que ces questions ne se poseront pas à un gouvernement souverainiste - elles se poseront inévitablement - mais qu’il faudra un socle commun à la fois ferme mais peu étendu, et surtout une méthode pour les régler avec efficacité. Nous y reviendrons à l’occasion d’un autre article. Il ne s’agit pas de mettre les questions gênantes sous le tapis, mais de reconnaître que le retour à la souveraineté nationale sera la tâche politique d’un quinquennat entier, autour d’un gouvernement d’union et d’action politique.
Le deuxième impératif, qui découle du premier, invite à réfléchir avant les élections présidentielles de 2022, à ce que recouvre un programme souverainiste et à la méthode pour le mettre en oeuvre. Il ne suffira pas de se présenter devant les Françaises et les Français en proclamant une intention souverainiste : cela sonnera comme une aventure politique dont les conséquences imprévisibles feront fuir à coup sûr de nombreux compatriotes. Il ne faut jamais sous-estimer la force de l’inertie en politique : des structures pourtant reconnues inefficaces par le grand nombre peuvent durer longtemps encore par le simple fait qu’elles ont le mérite d’exister. Nous n’irons pas plus loin ici, mais c’est largement le cas de l’Union Européenne. Il s’agira donc de penser, d’abord la sortie de l’Union Européenne, puis la reconstruction du lien européen, de façon à convaincre les Français qu’ils ne remettent pas leur destin dans les mains d’une équipe incapable de se hisser à la hauteur de la tâche qu’elle s’assigne. A l’inverse il ne faudra pas prétendre tout prévoir : la reconquête de sa souveraineté par la France impliquera une forte adaptabilité aux circonstances et aux choix des acteurs en présence. L’autre versant de la crédibilité résidera donc dans la capacité à convaincre, non plus sur le fond, mais sur l’intelligence tactique et l’agilité politique de l’équipe souverainiste qui prétendra gouverner le pays.
Nous en venons, précisément, au troisième axe de la stratégie de reconquête souverainiste : la mise sur pied, le plus tôt possible, d’une équipe gouvernementale prête à affronter l’épreuve du suffrage universel. Dire cela, c’est d’abord poser l’exigence première d’un chef. Quelle que puisse être en effet la qualité et la notoriété de l’équipe gouvernementale souverainiste, l’élection du Président de la République reste avant tout, dans l’esprit de la Vème République, la rencontre entre un candidat et le peuple Français, entre un chef et son pays. Sans chef reconnu par ses troupes et connu de tous, il ne sert à rien de prétendre conquérir le pouvoir suprême. Mieux : pour gagner, dans le cadre de nos institutions, mieux vaut un chef talentueux de dernière minute qu’un chef défaillant installé depuis longtemps. C’est le chef qui fera la victoire de l’équipe, et c’est la vigueur et l’énergie de cette équipe qui soutiendront le chef dans sa marche vers le pouvoir présidentiel. Sur ce point, les souverainistes n’ont que deux options : soit se rallier à Marine Le Pen - puisque c’est la seule personnalité politique installée capable de se qualifier au second tour (mais sans doute pas la plus capable de l’emporter au second) - soit initier une « convention souverainiste » transpartisane capable de désigner un chef légitime alternatif. Cette deuxième option a mes faveurs, car le Rassemblement National est peu susceptible de rassembler les souverainistes (très peu de ralliements jusqu’à maintenant, et même plutôt des défections - que l’on songe à Florian Philippot) mais aussi parce que ce parti a un souverainisme à géométrie variable (notamment sur la question de l’Euro). Il va sans dire que Marine Le Pen pourrait tout à fait participer à cette convention souverainiste, même si je ne nourris aucune illusion sur ce point. Sous la forme d’une primaire ouverte à tous les citoyens souverainistes, qu’ils soient adhérents d’un parti ou non, cette convention aboutirait à l’élection d’un représentant de tous les souverainistes, de gauche comme de droite, chaque faction souverainiste partie prenante s’engageant à ne pas présenter de candidat concurrent aux élections présidentielles de 2022. La méthode reste à travailler, mais elle doit aboutir au résultat suivant : un chef légitime pour le camp souverainiste (un chef qui ne soit pas simplement un chef de parti), reconnu à la fois pour son talent de chef et pour sa capacité à fédérer les souverainistes.
Quatrième axe, qui est étroitement lié au troisième : la question du chef une fois réglée - question la plus urgente - restera la nécessaire mise sur pied d’une équipe qui laisse deviner un futur gouvernement d’union souverainiste ; il y faudrait des généralistes (philosophes, éditorialistes) et des spécialistes (économie, justice, culture...), mais surtout un mélange d’une part de penseurs et d’autre part de personnalités rompues à l’organisation et à la pratique politiques. On ne peut donner l’impression aux Français, ni que le prochain gouvernement tiendra salon, ni qu’il tombera dans l’habituelle politique politicienne à courte vue. Il y frauda donc un vrai mélange de profils et de talents, autour d’un même mot d’ordre : le service du gouvernement avant celui de sa carrière et de sa propre personne. Sans annoncer la composition du futur gouvernement - ce qui n’aurait pas de sens - le représentant légitime de tous les souverainistes aurait avantage à laisser deviner quelques-unes de ses intentions, et à mettre en avant ses plus beaux talents. Cela renforcerait son image de candidat « présidentiable ».
Cinquième impératif et, il faut bien le dire, l’un des plus délicats, la résolution rapide du principal obstacle à l’union des souverainistes : la question identitaire et ses deux branches, à savoir le rapport aux religions à l’intérieur et le rapport à l’immigration à l’extérieur. Il nous semble que c’est sur cette question-là que le dépassement du clivage droite-gauche demeure impossible en l’état actuel du débat et tant que les structures partisanes demeurent axées sur ce clivage idéologique. Il y aurait donc lieu de dépassionner ce débat en le légitimant - c’est à dire en posant clairement (enfin !) les questions qui fâchent - de façon à dégager une préférence majoritaire parmi les souverainistes. Ce serait l’une des grandes affaires de la convention souverainiste que d’organiser ce referendum interne sur cette question cruciale. Le processus pourrait être le suivant : après une proclamation solennelle préalable qui inscrirait clairement le débat dans un cadre patriotique et républicain, deux questions distinctes seraient posées à tous les citoyens français souverainistes.
Proclamation préalable : les souverainistes reconnaissent comme Français tous les citoyens de la présente République et appellent tous les citoyens, par-delà leurs différences, à contribuer à l’effort de redressement national.
Première question : la République française doit-elle s’adapter aux religions ou bien est-ce aux religions de s’adapter à la République française ? Il s’agit ici de trancher entre le communautarisme rampant et l’universalisme des Lumières.
Deuxième question : la France vous semble-t-elle avoir toujours les moyens d’accueillir dans des conditions de vie décentes et sans dommage pour la cohésion nationale, davantage d’étrangers au sein de la communauté nationale ? Il s’agira ici de questionner la légitimité de la poursuite d’un flux migratoire continu sur notre sol, première étape d’une réappropriation démocratique de cette question par le peuple français (puisque l’accueil massif d’étrangers lui a été constamment imposé jusqu’ici, sans débat possible du fait de la reductio ad hitlerum permanente pratiquée par les progressistes).
Si les réponses majoritaires sont : la République ne doit pas s’adapter aux religions et la France n’a plus aujourd’hui les moyens de poursuivre sans dommage pour son avenir une politique immigrationniste - comme le bon sens semble le commander quand on veut bien quitter le seul terrain idéologique - alors la version souverainiste d’ultra-gauche sera rendue à ce qu’elle parait être aujourd’hui, c’est à dire une préférence minoritaire parmi les souverainistes. Mélenchon pourrait fort bien continuer à représenter cette gauche du culte mortifère des minorités. Quelles que soient les réponses, la convention souverainiste serait bien inspirée de terminer ce débat par l’engagement de soumettre au peuple, par la voie du référendum, la future politique migratoire et d’acquisition de la nationalité française, de façon à donner des gages démocratiques à la frange idéologique la plus à gauche du bloc souverainiste.
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