Vichystes - Vichyssois : le suffixe qui fait toute la différence
Une semaine après qu’une employée de la mairie du Ve arrondissement ait cru bon de dénoncer une famille de sans-papier, le climat autour du ministère de l’Immigration demeure quelque peu tendu. Aujourd’hui, on accuse Brice Hortefeux de jouer avec des symboles qu’il ne maîtrise pas.
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En convoquant le troisième sommet de (l’immigration) l’intégration de l’Union européenne à Vichy, le gouvernement a réveillé de vieux démons dont beaucoup se seraient passés.
Il est vrai que l’on peut se demander quelle idée le gouvernement a-t-il pu avoir en convoquant le premier grand sommet à Vichy de ses soixante dernières années sur le thème de l’immigration...
Les interprétations et débordements vont bon train.
De nombreuses associations se sont étonnées que la présidence française ait choisi d’associer cette conférence sur l’intégration des étrangers en Europe à un régime - celui de Vichy - qui a pratiqué de 1940 à 1944 une politique hautement discriminatoire. Pour Daniel Rondepierre, secrétaire régional des Verts Auvergne, « avoir choisi Vichy pour organiser cette conférence c’est faire un appel du pied à l’extrême droite ». L’historien Maurice Rajsfus, pourtant l’auteur de La Police de Vichy, les forces de l’ordre françaises au service de la Gestapo 1940-1944, franchit un cap supplémentaire pour parler d’« une véritable provocation ». Évoquant un « langage codé » il a poursuivi en affirmant que « Les périodes sont différentes, mais les méthodes sont les mêmes » [sic]. Rodolphe Nettier président de SôS – Soutien ô Sans-papiers association médiatisée par Brice Hortefeux qui a porté plainte contre eux le 5 août dernier – a déclaré : « Je me demande si Brice Hortefeux n’est pas en train de franchir un cap. Aujourd’hui en France, on expulse des étrangers, on dénonce des étrangers. On a franchi beaucoup d’étapes dans la loi et, maintenant, on franchit un cap dans les symboles ».
Franchir le cap dans les symboles sera aussi et sûrement ce que l’on retiendra des quelques manifestants arrêtés hier à Vichy. Si la manifestation avait été bien cadrée par plusieurs partis, syndicats et associations c’était aussi vraisemblablement pour éviter de répondre à une provocation par une autre provocation. Le but des manifestants étaient de réclamer « une Europe des droits de l’homme ». Un mot d’ordre un peu vaste surtout quand ils ne sont finalement que deux mille personnes, mais un mot d’ordre qui a le mérite d’éviter de faire l’amalgame entre les Vichystes (partisans du régime de Vichy) d’hier et les Vichyssois (habitant de la ville de Vichy) d’aujourd’hui. Les manifestants ne cachaient pas leur déception hier à l’idée d’avoir un peu fait un flop. Les désobéissants ont d’ailleurs réussi à leur voler facilement la vedette. Vêtus de pyjamas rayés et d’étoiles rouges (étoiles qui semblent plus être un symbole politique qu’un symbole issu des camps de concentrations où, à l’exception des étoiles jaunes, les triangles étaient préférés) ils ont ’’contre-manifesté’’ un peu plus loin (là où ils ont pu aller) et ont attiré tous les médias à eux – alors que ce groupuscule altermondialiste a déclaré ne jamais vouloir adresser la parole aux médias...
Symbole contre symbole, il semblerait que le gouvernement ait gagné la bataille. On peut de plus entendre les justifications du ministre pour qui le sommet de Vichy a pour unique objet de « rendre plus acceptable la politique européenne en matière d’immigration bancale à ce jour ». Il justifie le choix de la ville par une volonté « de mettre fin à 60 ans d’ostracisme », « Il ne faut rien oublier de l’Histoire, sans pour autant faire supporter aux habitants de Vichy le poids du passé », ajouta-t-il. Le maire UMP de la ville - qui l’a emporté face à un radical de gauche qui voulait faire rebaptiser dans les livres d’histoire ’’le régime de Vichy’’ par ’’la dictature Pétain’’ pour débarrasser la ville de ses vieux fantômes - a déclaré : « Cet événement majeur est particulièrement symbolique pour Vichy, qui n’avait pas accueilli une réunion internationale de ce niveau depuis la Seconde Guerre mondiale ». Claude Malhuret se félicite d’un tel choix. « Les Vichyssois ont le sentiment de recouvrer leur dignité ». Selon l’édile, il s’agit de mettre fin à des tabous, mais aussi d’une reconnaissance des qualités de sa ville en matière d’accueil.
Beaucoup de journaux évoquent le choix de Brice Hortefeux comme celui de la volonté de réaliser un grand événement dans la région à laquelle il est très attachée, l’Auvergne. Le problème étant qu’un ministre n’est pas censé être un lobbyste de sa région et que, parmi les prérogatives de son ministère, Brice Hortefeux aurait pu choisir un autre sujet pour faire un sommet à Vichy, le codéveloppement par exemple. Sujet qui n’aurait vraisemblablement pas empêché des amalgames et autres manifestations de mauvais goût, mais l’aurait au moins préservé des accusations qui lui sont réservées ces jours dans la presse et aurait certainement été une meilleure chose pour cette charmante ville de l’Allier.
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