Vidéo : Michéa x France Culture
Voici une vidéo très importante pour bien comprendre les enjeux et la duplicité de la politique partisane telle que présentée par nos très chers clercs de médias, politiciens, sondeurs et autres intrigants détenteurs de la production symbolique. Cette vidéo est le podcast d’une émission trop peu mise en avant à mon sens puisqu’elle donne la parole parfois à d’authentiques dissidents : les matins de France Culture.
L’invité : Essayiste, philosophe, Jean-Claude Michéa est l’auteur d’une série de livres majoritairement tournés vers la critique radicale du libéralisme (philosophique et économique, les deux étant liés comme cause et conséquence mécanique l’un de l’autre) à la lumière de la lanterne du regretté Orwell. Auteur de « L’empire du moindre mal », de « L’impasse Adam Smith » et plus récemment du « Complexe d’Orphée », il développe un appareil critique diablement performant pour contrer les pièges du discours marchand logé partout. Voici la substance de son propos, augmentée de mes remarques.
Mise en jambe
On commence par se chauffer sur la mort de Steve Jobs traitée dans nos grands médias comme la mort d’un prophète du culte moderne (le Progrès). Michéa rappellera à bon escient la phrase de DSK répondant à la question « Qu’est ce que le socialisme pour vous ? » par la somptueuse perle suivante : « L’espoir, l’avenir et l’innovation. » . Bien évidemment, jamais aucun socialiste conséquent ne produira pareille saleté, mais si DSK était socialiste, aurait-il été au FMI avec l’aval de Nicolas Sarközy de Nagy-Bocsa ? Sans doute pas. Jubilatoire d’ironie, Michéa explique parfaitement la crétinerie qui distingue droite et gauche lors que d’un côté se trouvent les affairistes et de l’autre les artistes chargés d’entretenir les illusions de cette classe de bourgeois. Les uns disent en prose ce que les autres disent en vers.
Et une petite référence au MAUSS, une !
Primaires socialistes ensuite. Démontage en règle du principe même des peuples de gauche et droite entretenant la confusion de ces catégories dans le débat français. Prodigieuse explicitation de cet enfumage :
"C’est cette notion de peuple de gauche et de peuple de droite qui s’est mise en place après l’affaire Dreyfus [...] qui m’intrigue parce qu’elle veut dire d’une certaine manière que l’ouvrier qui vote à gauche sera toujours plus proche d’un banquier de gauche ou d’un dirigeant de gauche du FMI, que l’ouvrier, l’employé, le paysan, le petit entrepreneur qui vote à droite. Or avant cette mise en place de l’opposition Gauche-Droite [...] quand on regarde ce qu’était la classification politique, il s’agissait moins d’opposer pour les premiers anarchistes et les premiers socialistes la gauche à la droite, que les classes populaires ou le prolétariat aux classes dominantes bourgeoises ou débris de la féodalité."
Ça va mieux en le disant !
Troisième morceau : l’affaire Dreyfus. Si vous ne connaissez pas le sujet, vous pouvez faire du rattrapage pas inutile avec mon gars sûr Henri Guillemin qui vous l’expliquera mieux que moi (et sans vous spoiler, sa conclusion est ma-gni-fique : tragique, triste, absurde comme seule la vraie vie peut l’être). Alliance des rouges (socialistes) et des bleus (libéraux) contre les blancs (réactionnaires), au nom de la défense de la République, alliance que les bleus consommeront entièrement par la suite aboutissant à une vie politique entièrement réduite à un débat interne au parti bleu. Ces libéraux sont malins comme des singes, ils iront même jusqu’à récupérer les morceaux du corps de la droite pour donner les libéraux-sécuritaires.
La Gauche, le peuple et le mythe du Progrès
(à partir de 12:50) Point de départ de ma réflexion sur la névrose de gauche, l’adoption de ce mythe moderne tétanise littéralement les gauchistes inconséquents lorsqu’ils prennent conscience que la situation passée ayant été selon toute vraisemblance, selon leur propre appareil critique, mieux que notre présent de divers points de vue (école, économie…). En somme dès qu’on gratte un peu la pensée de gauche de surface, on aboutit bien vite au noyau libéral progressiste. Mon intuition est que plus on ira vers le spectre de l’extrême-gauche, plus il faudra gratter dur.
On abordera l’immonde rapport Terra Nova qui valide entièrement (mais négativement) les thèses de Michéa puisqu’il conseille en gros de ne plus se préoccuper du peuple mais plutôt des outsiders (mot qui plaira bien à la petite Clémentine plus tard, preuve qu’en grattant…) histoire de vivifier le rose délavé du parti à la fleur du même nom : arc-en-ciel (LBGT), marron foncé ou clair (immigrés), vert caca doigt (étudiants), et pour les femmes j’ai pas trouvé de couleur originale, m’embêtez pas. On notera au passage que Michéa fait déjà référence à Christophe Guilluy dont je commenterai la prestation sur le même plateau ici même, plus tard.
Petite parenthèse, à mon sens la fondation Terra Nova ne fait que dire très clairement avec un léger vernis progressiste ce que toute la Gauche est obligée de constater : le peuple a déserté ses rangs car elle a préféré défendre des fractions de la nation plus compatible avec le libéralisme. La Seine St Denis, quinzième département le plus riche de France, sa problématique délinquante, ses jeunes. Et qui pour parler de la Mayenne (deuxième département le plus pauvre de tous) ? En tout cas pas la Gauche, c’est certain.
Jacques Julliard portera enfin la contradiction à Michéa en dévoilant toute son inconséquence en matière d’histoire. Pour lui, l’alliance des gauches (populaires) avec les libéraux daterait d’un 1789 révolutionnaire, populaire et bourgeois, copains d’un soir. Évidemment, chez Fernand Nathan, c’est la jolie fable que l’on nous fait avaler par cœur, mais en réalité, encore une fois mon OG Guillemin va remettre ses niaiseries libérales à leur place. Laisse leur savoir Henri, c’est qu’un fratricide de nantis 1789. Et ces nantis, ils n’aiment que moyennement l’honneur et le combat réel, il faut donc trouver un bélier pour se quereller et ce bélier finit toujours par être le peuple qu’on « guidera » pour abattre ses anciens maîtres sous les ordres des nouveaux.
Le reste de la vidéo est un charpentage solide d’exemples sur la portée concrète de la critique orwellienne envers le monde libéral, Monsanto Vs Bové, URSS… Et on évoque la revue Agone, et le petit livre fondamental de Bruce Bégout (dont on reparlera aussi), miam.Tout cela vous permettra d’en remettre dans la tronche de nos amis libéraux de « gauche » comme « droite ». Bon visionnage !
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