Villepin 2012 : quelle est la stratégie perdante ?
A l’heure où Nicolas Sarkozy renforce encore son socle électoral en prévision des régionales 2010, mais aussi des présidentielles 2012, les villepinistes semblent parfois hésiter entre une attitude de distanciation progressive et raisonnée vis-à-vis de l’exécutif et une opposition systématique, voire viscérale, au chef de l’Etat.
D’après Bruno Jeudy du Figaro, Nicolas Sarkozy ayant pour consigne de ne pas faire de sport (mon oeil), il passerait son temps au téléphone à préparer le premier tour le la prochaine présidentielle. De Villiers pour le MPF et Nihous pour CPNT ont déjà rejoint l’UMP, et les radicaux de gauche seraient désormais en ligne de mire. Mais si le rouleau compresseur de l’UMP version 2012 impressionne par son rayon d’action, certains se demandent déjà jusqu’à quel point il sera maniable. Qu’importe, répondent d’autres, son rôle n’est pas non plus de faire du slalom, mais de filer droit jusqu’au second tour de la présidentielle 2012 :
"Creuser un gros écart avec le candidat PS lors du premier tour de 2012 : voilà la martingale gagnante imaginée par le président. « L’objectif est de faire plus de 31 % en 2012 et c’est possible », s’emballe un de ses partisans qui vise le seuil de 35 %. En asséchant les petits partis satellites de la majorité, Sarkozy veut se positionner comme l’unique candidat de la droite face une gauche morcelée au premier tour et concurrencée par le centriste Bayrou."
Oui, mais cela c’est compter sans Villepin. L’ancien Premier ministre, dont on ignore toujours s’il était chiraquien, ou si c’est Jacques Chirac qui était villepiniste (l’ignore-t-on vraiment, au fait ?), devrait lancer "sous peu" son Club, peut être une fois l’échéance Clearstream dépassée. Le but pourrait être alors de lancer la campagne pour les régionales 2010 (dans quelle région ? L’Ile de France étant saturée de candidats, je pencherais personnellement pour la Champagne-Ardenne, à cause de Charleville-Mézières et de Rimbaud), première rampe de lancement vers 2012.
La première difficulté, à ce stade déjà poussé de conditions remplies, devient donc de choisir sous quelle étiquette se présenter : celle de l’UMP, même via des primaires ouvertes, semble singulièrement compromise par la popularité dont y jouit Nicolas Sarkozy. Il faudra donc a priori prévoir une candidature dissidente, et donc un nouveau parti d’ici 2012, certainement appuyé sur le Club Villepin en (longue) gestation.
La deuxième difficulté réside dans l’espace politique disponible pour Dominique de Villepin : on le sait gaulliste et de droite, deux héritages qui parce qu’abondamment revendiqués par Nicolas Sarkozy demanderont à trouver leur pleine incarnation dans une posture nouvelle, originale et toujours à définir, dépassant de loin - si elle veut être entendue - les seules critiques de l’exécutif en place. Villepin a des idées, de la hauteur de vue et du talent, c’est certain : encore faut-il qu’il démontre le besoin que la France a de ses propositions. Pour trouver sa place, il devra donc non seulement rallier les déçus du sarkozysme, mais aussi braconner sur les terres du MoDem (déjà pillées par le Nouveau Centre) et de la social-démocratie latente que l’éclatement prévisible du PS devrait mettre à jour.
De ces deux premières difficultés découle la troisième, sans doute la plus difficile : quel ton adopter face à Nicolas Sarkozy pour passer le premier tour, face au bilan d’un exécutif tour à tour soutenu et blâmé durant cinq ans ? En voilà, un dilemme costaud : s’il se place en opposant systématique à Nicolas Sarkozy dans une forme de TSS de droite, Dominique de Villepin réduit de beaucoup son électorat potentiel ; les électeurs de gauche et du centre voteront en effet naturellement pour leur propre TSS, et la plupart des électeurs de droite ne verront dans son discours qu’une caricature de la réalité, à l’image des précédentes occurrences du genre. Pour Villepin, le TSS, c’est la stratégie perdante - déjà adoptée pourtant par nombre de ses partisans. D’un autre côté, s’il ne montre pas clairement l’obsolescence d’un second mandat sarkozyste, où est la légitimité de sa propre candidature ?
Ce dilemme, Dominique de Villepin a déjà commencé à le résoudre, patiemment. Pour lui, pas question d’anathémiser chaque geste et propos du Président Sarkozy : ses critiques, bien que nombreuses, percutantes et régulières, se veulent toujours constructives, accompagnées de propositions nouvelles et de suggestions qui doivent en plus avoir la vertu (à ses yeux) d’irriter l’exécutif. S’opposer frontalement, c’est rester sur place, dans une guerre de position que la puissance de frappe de l’UMP semble avoir gagnée d’avance : c’est donc par le mouvement, en dépassant systématiquement les sarkozystes, en ayant sur chaque sujet un coup d’avance, et en se démarquant en ceci d’un PS toujours en quête de colonne vertébrale qu’il s’imposera à la proue du débat républicain. Guérilla politique en réponse aux tranchées de partis.
Ce faisant, Villepin joue la carte de la "rupture", finalement, en prenant Nicolas Sarkozy au jeu qu’il inventa non sans succès en 2007. Il le sait, les français sont des spectateurs partagés de la vie politique : s’ils apprécient les débats virulents et engagés, ils ne votent à la majorité que pour des projets solides - et non pour des saillies rhétoriques, aussi efficaces soient-elles. Or si la définition du panache reste la capacité à sombrer dans la flamboyance, Villepin ne devrait pas pousser son penchant naturel au panache jusqu’à cultiver l’art de sombrer.
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