Villepin-Hollande : Score indécis : balle au Centre
« Les Journées de Strasbourg (100 idées pour la France) » organisées ce week-end par le Nouvel Observateur et Terra Nova, avec plus d’une soixantaine de rencontres de très haut niveau, compte tenu de la qualité des invités : politiques de tous bords, plus souvent de gauche cependant, universitaires, journalistes vedettes, experts reconnus….dans des lieux divers répartis au centre ville.
Le « clou » était sans doute la rencontre De Villepin-François Hollande, en clôture de la première journée. Quelle élégante modération dans un débat exemplaire que nos écrans de télévision sont bien incapables de nous présenter ! Bravo messieurs !
Et un grand bravissimo à un public qui, bien que pléthorique, s’est montré extraordinairement attentif et digne, sans manifestations intempestives pour ou contre l’un ou l’autre des champions installés sur la scène de l’Opéra. Ce beau théâtre à l’italienne au décor un peu suranné pour la circonstance, était comble déjà une heure avant le début du débat. Il a fallu installer des écrans dans le hall d’entrée. Pourtant pas de drame ni de tragicomédie en perspective. Formatés sur les bancs de la même école les acteurs protagonistes, sans antagonisme féroce, savent se tenir et guerroyer avec distinction. Deux vrais tribuns. Espèce en voie de disparition.
Le fond du débat est assez attendu : on connaît les positions de l’un et de l’autre. On peut même dire qu’on en connaît la stature. Tous deux ont celle de l’homme d’Etat et l’élégance bien française dans la langue et dans la tenue, un respect de la France en quelque sorte. On ne saurait bien sûr s’en satisfaire.
Un « Gaulliste généreux, presque de gauche » à la droite d’un patron de presse de gauche, Laurent Joffrin, d’une neutralité de bon aloi en dépit du rôle attendu par certains ( pas de parti pris affiché, pas de sarcasmes crispant les participants et l’auditoire, même pas de sourires ambiguës…rien de ce qui prétend habituellement animer les débats à la TV), un vrai journaliste.
Dominique de Villepin de son côté ne manque pas de rappeler que lui, il était au pouvoir et en avait donc l’expérience. Sous-entendez…
En outre son leitmotiv reste « la citoyenneté », celle des tous les Français appelés à participer fût-ce par referendum, comme du temps de de Gaulle, son maître revendiqué.
Sur l’Europe, pas de différend possible non plus : elle est en danger, « Eurogroupe et euro surtout » et, comme à l’accoutumé, il faut que les grands d’Europe s’entendent pour régler les problèmes. C’est vital. La salle est aux anges.
François Hollande qui a du mal à réprimer son penchant facétieux que nourrit la vélocité de ses répliques ( il dit lui-même qu’il s’en méfie) convient de toutes les portes ouvertes et tend à les ouvrir encore plus largement. Prudent, il remarque cependant que le programme du PS dans de nombreux aspects nécessitera de la détermination, de la concertation et du temps. Sa formule est une fois de plus astucieuse : « Si je ne promets rien, je suis sûr de le tenir mais aussi de ne pas être élu ». Entendez que ses promesses seront réalistes.
Pour ce qui est du referendum( il s’agissait surtout de là réforme de la fiscalité) la répartie est claire : après que le peuple se sera exprimé en élisant un président, puis, dans la foulée, une assemblée nationale, il est un peu vain ou démotivant d’aller le consulter sans craindre de rendre quasiment caduques les votes précédents.
Certes, mais l’ancien premier ministre ne plaçait pas forcément le referendum dans un temps proche des élections, mais le débat doit être bref.
Sur l’Europe, je n’ai pas entendu ce que certains journalistes ont cru entendre. L’ancien Premier Secrétaire du PS ne s’est pas dit à ce point pessimiste. Il sait l’ Europe en danger et craint sa déconstruction de « ce qui a été réalisé depuis de Gaulle à Chirac »( rires dans la salle) et surtout la défaite de l’euro. C’est une sonnette d’alarme qu’il agite et fortement mais c’est surtout un appel au sursaut.
La culture en conclusion.
Deux patriciens, tribuns de la plèbe : sincères ? Sans doute. On verra.
Appelés tous deux à conclure en une minute, de son côté l’homme de grande culture, Dominique de Villepin, n’a pu s’empêcher, en contemplant le lieu et se tournant vers le rideau de scène qu’il avait dans son dos, d’évoquer le théâtre et l’Opéra ( on donne Hamlet en ce moment) et autres arts dont pour lui, le rôle doit être renforcé, toujours au nom de cette sacro-sainte (re)conquête de la citoyenneté.
C’était permettre à François Hollande d’acquiescer sans retenue mais aussi de conclure par une citation célébrissime, par lui adaptée pour 2012 :« Etre ou ne pas être, telle est la question ! » . Celle des primaires pour commencer.
Entre une droite gauchisante et une gauche droitisante, n’y aurait il pas là, la place d’un vrai Centre ? François Bayrou aurait très bien pu chanter la même partition à quelques bémols près et surtout sans fausse note dans le refrain anti-sarkoziste.
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Antoine Spohr.( Article paru également sur Mediapart)
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