Villepin ou le coup d’Etat prométhéen
« Élevez-vous d’une aile hardie, au-dessus de votre temps.
Que déjà, dans votre miroir, commence à poindre le siècle futur. »
Friedrich Schiller
![](http://www.agoravox.fr/local/cache-vignettes/L300xH153/villepin--469x239-e8ca2.jpg)
"Que tous ceux qui, dans notre pays, pourraient se laisser gagner par le fatalisme, par le cynisme ou l’indifférence, puissent en nous regardant ici, cet après-midi, se convaincre que quelque chose se lève à nouveau en France, quelque chose qui ne cessera, au fil des mois de grandir", a affirmé M. de Villepin en préambule du discours inaugural d’un nouveau parti dans le paysage politique français.
Mieux que le célèbre tableau du peintre Edouard Detaille intitulé Le Rêve, et dans lequel le sommeil des jeunes conscrits endormis voit lentement passer
Le réquisitoire prononcé à l’encontre de l’actuel chef de l’Etat ne recèle aucune zone d’ombre, stigmatisant la confrontation « à un déni de réalité, avec un décalage toujours plus grand entre le discours et les actes". Difficile en effet pour les auditeurs et sympathisants de cette nouvelle République solidaire de ne pas approuver des propos dans lesquels chacun retrouve le miroir de ses constats : "Nos dirigeants disent : la récession, quelle récession ? Je m’inquiète quand je vois un gouvernement qui semble nier l’évidence. (…) La rigueur ? Quelle rigueur ? Je m’inquiète quand je vois un gouvernement qui refuse les mots qui fâchent et qui tient sur la ligne Maginot des promesses de 2007. (…) Le chômage ? Cela ira mieux, nous dit-on. C’est facile quand on a pour toute politique de mettre un cierge à une croissance miraculeuse… Il y a là un abandon, une défaite politique." Et de dénoncer les "petits jeux tactiques de l’ouverture", "les dérives du débat sur l’identité nationale", la "peur de l’autre, de l’étranger, de l’islam", une "fuite en avant sécuritaire, que le Kärcher tienne lieu de politique".
Au chapitre des propositions, M. de Villepin aura ainsi exploré plusieurs pistes qui signifient à leur manière une critique sans appel de la politique de M. Sarkozy, coupable selon lui d’avoir, principalement, dévoyé les institutions de
Pour la justice, il souhaite alors la rupture du lien entre le parquet et le pouvoir politique. Pour la liberté de la presse, il énonce l’interdiction "aux groupes dépendants étroitement de la commande ou de la régulation publique de posséder directement ou indirectement des médias". Pour lutter contre les déficits, il déclare que "les plus riches devront faire un effort particulier" et propose la création d’une tranche marginale d’imposition sur le revenu en contrepartie de la suppression de l’ISF. Pour relancer la croissance, il aspire à la suppression de la loi sur les 35 heures et la baisse du coût du travail, en "transférant massivement les charges sociales des cotisations vers d’autres sources de financement" (prélèvements directs sur les revenus, taxation spéciale sur des revenus du capital). Enfin, concernant les retraites, il est favorable « à l’augmentation de la durée de la cotisation, mais pas à la hausse de l’âge légal du départ. »
Si les pronunciamientos et les coups d’Etat n’ont en commun que le désir de concrétiser une alternance politique dans un cadre pacifique, alors nul doute que le discours de Dominique de Villepin offrira matière à analyse. Son contenu comme sa structure ayant probablement acquis la force d’un véritable coup d’Etat médiatique, ce discours fondateur pourrait constituer les prémices (avec un « c ») d’un signal de nature à inviter à rebattre les cartes d’un jeu institutionnel jusqu’à ce jour distribué entre des « candidats naturels » qui ne représentent plus qu’eux-mêmes, et à tout les moins les scories de pratiques politiques éculées.
Il n’est pas impossible d’imaginer que la création du parti de M. de Villepin, outre qu’elle signifie très certainement le renvoi de l’UMP et de ses satellites aux décombres de pratiques politiques nécrosées, offre désormais une toute autre perspective, face à un PS sans doute encore prisonnier de mythes politiques effondrés, mais aussi face à d’autres outsiders politiques encore inconnus.
« …il est en effet des principes communs en matière politique. La cité étant au service des personnes, le pouvoir doit reposer sur leur confiance et s’efforcer de la maintenir par un contact permanent avec l’opinion. Sans doute cette opinion peut-elle, doit-elle être guidée, mais elle ne doit être ni violentée ni dupée, et c’est en faisant appel à sa raison que le chef doit avant tout distinguer les aspirations profondes et permanentes de son peuple, exprimer en clair ce que celui-ci dénie parfois bien confusément et le révéler pour ainsi dire à lui-même », écrivait Marc Bloch.
Comme au jeu de bridge, jeu d’équipe dans lequel votre but est de trouver le meilleur contrat final, celui qui exprime au mieux les possibilités de votre camp, vous devez déterminer la force combinée de votre main et de celle de votre partenaire, mais aussi de celle de vos autres adversaires. Et sur ce point rien n’est encore acquis, comme le montreront les réactions des factions partisanes actuelles manifestement à la remorque d’une société ouverte à d’autres aspirations.
D’ici à 2012 il n’est pas impossible qu’après ce 19 juin 2010 d’autres acteurs encore inconnus puissent parler à leur tour.
Références :
Edouard Detaille (1848-1912), Le Rêve, 1888
http://www.loire1870.fr/pa_peinture/peinture_detaille.htm
Marc Bloch, Pourquoi je suis républicain, 1. Les Cahiers politiques, organe clandestin du C.G.E. (Comité général d’études de
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