Villiers-le-Bel, vaste opération de police ou de politique ?
Ce matin environ un millier de policiers ont procédé à 33 arrestations à Villiers-le-Bel et aux alentours. Une opération qui fait suite aux événements qui ont secoué le Val-d’Oise pendant deux jours en novembre. Le 25 novembre deux adolescents percutent sur leur mini-moto une voiture de police. Officiellement c’est un accident. C’est du moins ce que conclut un premier rapport de l’Inspection générale de la Police nationale (IGPN). Mais l’histoire n’est pas claire. Une enquête judiciaire est en cours. Pour les jeunes de Villiers-le-Bel, le soir du 25 novembre, cela ne fait aucun doute, il ne s’agit pas d’un accident, mais d’un fait délibéré. Ce qui met le feu aux poudres. On craint alors que se raniment les émeutes qui ont embrasé la France en automne 2005.
Une bibliothèque brûlée, le poste de police de Villiers-le-Bel assiégé puis incendié, des voitures des forces de l’ordre caillassées, la gare d’Arnouville dévastée, le MacDo incendié, un garage pillé, de nombreux commerces saccagés et le mobilier urbain dégradé. 119 hommes des forces de polices grièvement blessés, dont 5 gravement (on ne sait pas du côté des émeutiers combien de jeunes ont été blessés).
On constate aussi que certains émeutiers tirent à balles réelles. Selon Le Point, « dix fonctionnaires avaient été blessés par des plombs tirés par des fusils de chasse ou fusils à pompe notamment lors de la seconde nuit d’émeutes ». Pour la ministre de l’Intérieur, Michèle Alliot-Marie, cette situation ne peut pas durer. Elle est effectivement maîtrisée le 27 novembre, deux jour après le début des faits.
« Le président Nicolas Sarkozy et la ministre de l’Intérieur Michèle Alliot-Marie, rappelle L’Express ont depuis déclaré à plusieurs reprises lors de réunions avec des policiers que tout serait mis en oeuvre pour retrouver les responsables ». L’Express rappelle également qu’un « tract de la police sollicitant des dénonciations en promettant des récompenses a été distribué dans les cités ». « Les enquêteurs agissent dans le cadre d’une information judiciaire ouverte pour ’’tentative d’homicide volontaire’’, rapporte Le Point. Écoutes téléphoniques, auditions, ’’tuyaux’’ des RG (Renseignements généraux), appel à témoins assorti d’une récompense : rien n’a été laissé au hasard dans cette enquête. À tel point que, selon un enquêteur, les investigations auraient également permis de cibler plusieurs personnes soupçonnées d’avoir commis d’autres délits. Ce qui pourrait amener le parquet à ouvrir des procédures incidentes pour différentes infractions dont ’’escroquerie, infractions à la législation sur les stupéfiants, trafic de faux documents administratifs" ». Fin du premier acte.
Le deuxième acte vient d’avoir lieu ce matin, dès 6 heures, sous l’autorité de la Direction régionale de la police judiciaire (DRPJ) de Versailles. Selon Le Monde, « près de 1 000 policiers du Raid, de l’Office central de répression du banditisme (OCRB), de la police judiciaire de Versailles et d’Île-de-France, notamment, ont participé à une vaste opération pour tenter d’interpeller les auteurs des violences contre les forces de l’ordre fin novembre à Villiers-le-Bel ». Elles sont également intervenues à Sarcelles, Gonesse et en Seine-Saint-Denis. Bilan : après perquisition, 33 personnes âgées de 19 à 31 ans, soupçonnées d’être impliquées dans ces émeutes sont en garde à vue.
La police, lors de cette opération, cherchait à mettre la main sur, selon Le
Point, « une vingtaine d’individus soupçonnés d’avoir été les
"meneurs" des émeutes de fin novembre 2007, et d’avoir fait feu sur
des policiers. Deux chefs de bande âgés d’une trentaine d’années sont les
cibles privilégiées des enquêteurs. ’’Ils ont organisé les émeutes et indiqué
aux jeunes comment se placer, comment tirer sur les forces de l’ordre qui étaient
attirées dans des endroits ou très éclairés ou très sombres. C’était une
organisation quasi militaire. Ils voulaient clairement se faire du flic’’,
explique un policier ».
Selon L’Express, « pour mener l’opération, la police judiciaire
régionale est notamment assistée par l’unité d’élite du Raid et la Brigade de
recherche et d’intervention (BRI, l’ancienne "antigang"). Des
centaines de CRS ont aussi été mobilisés lundi pour prévenir tout débordement
après les interpellations espérées. » Dans la cité encore endormie, relève
Le Point, « on peut relever la présence de 10 à 15 camions de CRS par
barrière d’immeubles visée ».
Le Parisien évoque même pour cette opération la présence du « Robocop », un véhicule « résistant aux balles et au feu » qui appartient à « la brigade de recherche et d’intervention (BRI - "antigang") de la police judiciaire parisienne (...) Il est spécialement équipé pour les situations d’urgence, prises d’otages, opérations antiterroristes, forcenés. De couleur noire, blindé, ne passant jamais inaperçu dans la circulation, il est équipé du matériel de transmission et de surveillance de très haute technologie, avec notamment une sorte de longue vue digne d’un sous-marin ».
Bref cet immense coup de filet, pour légitime qu’il soit, ne peut empêcher de penser qu’il vient à point nommé pour Nicolas Sarkozy. Celui-ci est toujours en baisse constante dans les sondages. Certains, comme Ségolène Royal, ce matin au micro de France Inter, dénoncent dans cette manière d’agir, souligne La Tribune, une « volonté d’influencer l’opinion » et de « faire peur » en période électorale.
« Quand des caméras accompagnent des opérations policières massives en période municipale, je pense en effet que c’est une façon d’influencer l’opinion, de vouloir faire peur (...) Le président de la République en revient aux vieux réflexes de politique spectacle sécuritaire parce que, là où il échoue sur le plan économique et social, il veut faire croire qu’il continue à maîtriser les choses sur la question de la sécurité, ce qui n’est pas le cas », a déclaré Ségolène Royal qui estime par ailleurs que « s’il y a des interpellations à faire, elles peuvent parfaitement avoir lieu individuellement et à l’abri du système médiatique » et qui appellent les Français à « sanctionner par le vote ce type de manipulation ».
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