Vote blanc : la dernière tentation centriste
En rejettant la candidature Sarkozy sans pour autant voter Royal, François Bayou laisse planer le doute, alors que le vote blanc gagne du terrain chez les centristes. « Je choisirai pour des raisons positives » avait-il pourtant promis le 25 avril.
« Je ne voterai pas pour Sarkozy ». C’est par ces mots que le candidat centriste aurait, selon Le Monde, mis fin au suspense. Après avoir écarté le 25 avril dernier toute « consigne de vote parce qu’aucun des deux candidats ne répond à l’attente, à l’aspiration qui serait la mienne », François Bayrou avait en effet laissée ouverte l’éventualité d’une indication de vote « à titre personnel » d’ici au 6 mai.
Fin de l’épisode ? Pas si sûr. Car si Ségolène Royal y voit un soutien implicite et affirme que « chacun a compris ce qu’il voulait dire », c’est parce qu’elle n’envisage pas « qu’il puisse s’abstenir compte tenu de l’enjeu ». Mais en invoquant ainsi le spectre de l’abstention, la candidate socialiste écarte volontairement une hypothèse tout aussi redoutable. Celle du vote blanc.
Car l’idée fait son chemin chez les centristes. Corinne Lepage a ouvert le bal, en invitant à « l’abstention pour Nicolas Sarkozy et Ségolène Royal ou le bulletin blanc ce que je trouve plus civique ». Gilles Artigues puis Anne-Marie Comparini, députés UDF de la Loire et du Rhône, ont rejoint la danse en soulignant « l’affrontement stérile entre la droite et la gauche » au soir du 2 mai. Le collectif Vote Orange préconise également de « ne voter pour aucun des deux candidats », mais sous une forme plus originale. Le collectif invite ainsi à glisser dans l’urne un bulletin de couleur orange (ce qui revient en fait à un vote nul) et annonce fièrement : « Le 6 mai nous voterons orange et nous soutiendrons tous les candidats démocrates aux prochaines législatives ».
Mais en renvoyant ainsi les candidats à leur copie et en donnant rendez-vous aux électeurs pour les législatives, la consigne de vote centriste se rapproche étonnement de celle de ... Jean-Marie Le Pen, lequel « invite expressément [ses électeurs] à s’abstenir massivement, se réservant pour le premier tour des élections législatives les 10 et 17 juin prochain ». Car si le vote blanc est effectivement « plus civique » que l’abstention et le vote orange incontestablement « plus fun », le résultat est politiquement le même.
La dernière tentation centriste traduit-elle pour autant un repli démocratique ? La Croix du 25 avril ne veut pas y croire. Pour preuve : « le cas de Bayrou n’est pas inédit sous la Ve République ». Et l’hebdomadaire de rappeler l’épisode des élections présidentielles de 1969 où Jacques Duclos (PCF), classé troisième au premier tour, s’était refusé à appeler en faveur de l’un ou l’autre des finalistes. Il s’agissait d’Alain Poher et de Georges Pompidou, deux candidats de droite alors qualifiés de « bonnet blanc et blanc bonnet ».
La référence au « cas Duclos » peut toutefois se lire à l’envers, car hormis la configuration exceptionnelle de 1969, le troisième homme a, dans l’histoire de la Ve république, toujours formulé une préférence, même si celle-ci a pu présenter des variantes. A côté de la traditionnelle consigne de vote en faveur d’un candidat (Jospin en 2002, Balladur en 1995 et Barre en 1988, les trois en faveur de Chirac), on trouve ainsi le vote « à titre personnel » (Chirac pour Valéry Giscard d’Estaing en 1981), mais aussi le vote contre (Jacques Chaban-Delmas contre François Mitterrand en 1974).
Mais dans les archives des présidentielles, c’est sans conteste l’élection de 1965 qui trouve aujourd’hui le plus d’actualité, à travers le personnage de Jean Lecanuet, dont François Bayrou fut d’ailleurs la plume. René Rémond le décrit en effet comme une « candidature typiquement centriste par le refus d’un choix binaire des solutions contraires, qui représente comme une tierce solution entre le gaullisme et l’union des gauches » (Le Monde du 2 juin 1988). En se classant troisième, le jeune candidat avait alors provoqué le ballotage du général de Gaulle et offert un second tour à François Mitterrand. Mais c’est surtout dans la consigne de vote du troisième homme pour le second tour que la comparaison avec 2007 prend tout son sel. Jean Lecanuet donna en effet sa préférence au candidat de gauche en ces termes : « mes suffrages ne vont à personne, mais les conceptions de M. Mitterrand sont très proches des miennes ».
Le doute que laisse planer François Bayrou sur un vote blanc constitue donc une première. Il ne reste que quelques jours pour le lever. « Je choisirai pour de raisons positives » avait-il précisé le 25 avril, car « la responsabilité d’un homme politique est de dire ce qu’il pense ». Dont acte.
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