Toute la pression est maintenant sur Philippe Courroye, appelé ironiquement par ses confrères « Courroye de transmission », lequel empêche Isabelle Prévost-Desprez d’accéder aux enregistrements, alors que cette dernière est chargée d’enquêter sur l’affaire.
En effet, le 13 juillet, cette juge a été autorisée par la
Cour d’appel de Versailles, à mener son enquête sur ces fameux enregistrements clandestins, réalisés par l’ex-majordome des
Bettencourt.
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Malgré cela, le juge
Courroye refuse de communiquer ces enregistrements, malgré la décision de la cour d’appel.
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Rappelons qu’aujourd’hui,
Courroye, cité à plusieurs reprises dans les enregistrements, a été mis en place par le pouvoir.
Philippe Courroye n’est pas à une contradiction près, puisqu’il vient de signer «
l’appel pour une justice indépendante ».
(lien) lequel vient de franchir les 22 000 signatures.
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On s’attend à trouver bientôt dans la liste des signataires les noms d’Eric Woerth, voire de François Fillon et même pourquoi pas celui de Sarkozy, ce qui serait une preuve de leur humour.
C’est donc l’indépendance de la justice qui est en jeu, puisqu’en s’étant donné la possibilité d’intervenir dans le domaine juridique, le président de la république ne permet plus de garantir cette indépendance.
Pour
Antoine Gillot, avocat de
Claire Thibout et de
Pascal Bonnefoy, respectivement ex-comptable et majordome, «
l’autonomie de Philippe Courroye est une fadaise ».
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Le procureur de la république est nommé par le garde des sceaux, sur avis du CSM (conseil supérieur de la magistrature), mais ce qui est nouveau, c’est que l’avis de ce dernier n’est plus du tout suivi et pour les procureurs généraux, la situation est pire, puisqu’ils sont nommés en conseil des ministres, sans avis du CSM, c’est-à-dire, en fin de compte, par Nicolas Sarkozy.
Le 10 juillet 2008 la
Cour européenne de Strasbourg avait affirmé que «
le procureur de la république n’est pas une autorité judiciaire au sens que la jurisprudence donne à cette notion il lui manque en particulier l’indépendance à l’égard du pouvoir exécutif pour pouvoir être ainsi qualifié ».
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Pierre Méhaignerie ne disait pas autre chose à l’époque « nous devons garantir l’indépendance du parquet pour éviter que certaines affaires ne soient enterrées ».
Personne n’a oublié la déclaration fracassante de
Rachida Dati, ex garde des sceaux, qui démontrait dans une seule phrase le peu d’indépendance de la justice face au pouvoir. En effet, elle déclarait : «
Je suis le chef des procureurs ».
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La suppression du juge d’instruction voulue par Sarkozy risque heureusement, suite à cette affaire, d’être remise en question.
« France culture » dans son émission «
les matins de France culture » avait fait comme thème de son émission du 19 juillet «
l’indépendance de la justice ».
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On pouvait y entendre les réactions de
Christine Lazerges, professeur de droit, ainsi que le journaliste spécialiste des questions de justice
Mathieu Delahousse.
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Christine Lazerges est la première signataire de « l’appel pour une justice indépendante ». On était donc, dans cette émission, au cœur de l’affaire Woerth Bettencourt. Pour Christine Lazerges, il y a plusieurs affaires et elles sont toutes pénales.
Il y a une suspicion d’infraction contre les personnes, c’est l’abus de faiblesse.
Les autres infractions sont classées dans la catégorie « crime et délits contre la nation, l’état et la paix publique ».
Il y a donc potentiel trafic d’influence, corruption, avantages divers, y compris remise de décoration…
Et puis il y a un dernier volet, le volet fiscal sous la forme de
blanchiment de fraude fiscale. Pour
Christine Lazerges, il est clair que
Philippe Courroye doit saisir un juge d’instruction, ou même un collège de juges d’instruction, car c’est l’esprit même des lois de la république et du droit européen.
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On est donc fondé à poser la question :
pourquoi ne le fait-il pas ? En attendant,
Courroye et Woerth se renvoient la balle sur l’affaire du contrôle fiscal de
Bettencourt. Courroye affirmant avoir alerté le fisc des janvier 2009, et
Woerth assurant qu’il n’a donné aucune instruction à l’administration fiscale de quelque nature que ce soit.
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L’un des deux ne dit donc pas la vérité.
Woerth devrait être entendu comme témoin, ainsi que
Liliane Bettencourt.
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Mais on connait la ligne de défense de cette dernière : à toute question gênante, elle répondra avec un grand sourire : «
Je ne me souviens pas ». Quant à
Eric Woerth, droit dans ses bottes, il continuera de marteler qu’il est le chevalier blanc, et qu’il n’a rien à se reprocher.
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On peut s’interroger sur les méthodes de Courroye, puisque, en validant les enregistrements du majordome, il a toutes les preuves nécessaires des implications des uns et des autres : blanchiment de Fraude fiscale, suspicion d’abus de faiblesse, trafic d’influence, financement parti politique, corruption.
Depuis, s’est ajouté le témoignage à charge de
Patric de Maistre qui met
Eric Woerth en difficulté, en confirmant que celui-ci l’avait rencontré afin de faire engager son épouse.
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Chaque jour apporte son lot de mauvaises surprises pour les accusés, puisque maintenant, c’est l’un des actionnaires du groupe L’Oréal qui porte plainte contre François Marie Bannier.
Il accuse ce dernier d’avoir bénéficié d’un contrat de complaisance de 4 millions d’euros de la société.
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On se souvient que début juillet, suite aux questions posées par les socialistes à l’assemblée nationale au sujet d’un chèque du 4 mars 2010 signé par
Liliane Bettencourt, reçu par l’association de Woerth (association de soutien à l’action d’Eric Woerth), et restée sans réponse.
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Dixit
François Fillon «
il n’y a pas un membre du gouvernement qui soit en mesure de répondre (…) parce que ce n’est pas son rôle » Seule réponse,
François Barouin promettant de saisir l’
IGF (inspection générale des finances) et « de tout mettre sur la place publique d’ici une dizaine de jours ».
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On sait aujourd’hui ce qu’il en a été, puisqu’au lieu de saisir l’
IGF, il a confié l’affaire à son directeur (ce qui n’a rien à voir), lequel directeur est nommé par le pouvoir, et dont l’indépendance fait donc question.
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Ses conclusions étaient attendues « circulez, y a rien à voir ».
Si l’on se souvient du Watergate, une telle affaire aux Etats-Unis amènerait au moins la démission d’Eric Woerth, voire de la ministre de la Justice, pouvant aller jusqu’à la destitution du chef de l’état.
Sans la publication des enregistrements clandestins dans « Le Point », les articles de « Médiapart », du « Canard Enchaîné », « d’arrêt sur image », et de quelques autres, l’affaire serait enterrée depuis longtemps.
Mais le reste de la presse fait honte à sa profession.
On peut dire que l’histoire n’arrête pas de bégayer, si l’on se souvient d’affaires anciennes, comme par exemple la rocambolesque épopée d’un hélicoptère parti dans l’Himalaya à la recherche du procureur
Laurent Davenas, lorsque
Xavière Tibéri était suspectée d’avoir commis un rapport bidon sur la francophonie en échange de 200 000 fr.
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Et comme le dit Davenas « le dossier Xavière Tiberi est passé au pilon, la justice n’a pas été rendue ».
Rien de nouveau sous le soleil.
Un sondage récent nous apprend que
Sarkozy, lors de sa prestation télévisée du 12 juillet n’a pas convaincu les français sur l’affaire
Woerth/Bettencourt, puisque
62% n’ont pas jugé probantes les réponses du petit Président.
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En attendant que le Procureur Courroye veuille bien nommer un ou plusieurs juges d’instruction pour mener cette affaire d’une façon objective et indépendante, Il est probable que nous irons de rebondissements en rebondissements.
Car comme disait mon vieil ami africain : « la nuit dure longtemps, mais le jour finit par arriver ».