Xavier Bertrand, la grenouille de 2022
Il est parti le premier, dit refuser se soumettre au processus de sélection de LR, semble le mieux placé dans les sondages et a déclaré dimanche soir que ses « résultats me donnent la force d’aller à la rencontre de tous les Français ». Mais une telle position, celle de Balladur en 1995 ou Juppé en 2017, n’est pas souvent la meilleure pour l’emporter. Et si la bulle Bertrand venait à exploser ?
Succès très relatif et postures téléphonées
Il est assez incroyable que tant de média reprennent sans les remettre davantage en perspective la déclaration de Xavier Bertrand, pour qui ses « résultats (lui) donnent la force d’aller à la rencontre de tous les Français ». Bien sûr, il avait lié sa candidature à une victoire aux régionales et il l’a emporté. Mais cette victoire n’est pas glorieuse. D’abord, il n’est qu’un sortant parmi les autres à avoir été reconduit. Son résultat n’a rien d’exceptionnel et semble davantage devoir à un contexte général plutôt qu’à une quelconque réussite personnelle spécifique. Bien sûr, il vante le recul du RN dans sa région, mais ce recul est assez général et il faut rappeler que son adversaire ne pesait pas autant cette fois-ci. Et même s’il franchit le cap des 50%, il faut rappeler qu’il n’y avait que 3 listes au second tour, quand la majorité des régions comptait quatre, voir même cinq listes au second tour, diluant mécaniquement les scores.
Enfin, la performance de Xavier Bertrand par rapport à Valérie Pécresse et Laurent Wauquiez laisse à désirer. Il fait un peu moins bien que le second en score au second tour, dans la même configuration, 52% des voix au lieu de 55%, le président réélu d’Auvergne-Rhône Alpes ramenant le RN à un niveau encore plus faible. En outre, ses rivaux de droite affrontaient des adversaires mieux implantés et plus connus, la liste LREM aux 5 ministres étant disqualifiée dès le premier tour, les manœuvres présidentielles l’ayant déconsidérée. Mais surtout, en 2015, Bertrand avait réuni 1,4 million de voix, contre 1,6 à Pécresse et 1,2 à Wauquiez. En 2021, point trop peu souligné, il en perd 49%, à 708 mille, quand Pécresse (à 1,076 million, -34%) et Wauquiez (961 mille, -20%) résistent bien mieux que lui. Bref, les électeurs des Hauts de France ne se sont pas montrés très enthousiastes. La force de sa victoire est assez médiocre en fait.
Et que dire de son discours prononcé peu après 20 heures ? Passons sur les devoirs qu’il évoque suite à une telle élection, alors qu’il s’apprête à délaisser ses administrés, même si cela était annoncé. La partie sur les Français oubliés est bien vue, mais ses résultats montrent aussi que ces Français n’ont pas voté pour lui… Et pour qui dit vouloir « bâtir un nouveau projet de société pour mieux vivre partout », son discours n’est pas très neuf, une tentative de synthèse du Chirac de 1995 et du Sarkozy de 2007. Du premier, il reprend la volonté de « réduire les fractures sociales et territoriales ». Du second, il reprend « le rétablissement de l’ordre et du respect » et la volonté que « le travail paye à nouveau ». On sait ce qu’il en est advenu. La fracture sociale a été oubliée pour satisfaire le cadre européen, pas moins contraignant aujourd’hui qu’hier. Et le rétablissement de l’ordre a consisté en des gesticulations médiatiques destinées à faire oublier des coupes sombres dans les budgets de la police, et la suppression de 10 000 postes !
Mais de cela, Xavier Bertrand n’a que faire. Il sait que ces discours peuvent être gagnants, et c’est tout ce qui compte pour lui. Nul doute qu’il serait capable des mêmes trahisons que ses prédécesseurs, seule l’accession au pouvoir comptant pour ces aventuriers. D’ailleurs, comme Chirac et Sarkozy, il reste bien mystérieux sur les moyens qu’il mettrait en œuvre pour réaliser de tels objectifs. Sa force, toute relative, vient de la faiblesse des deux premiers candidats des sondages, dont les Français ne veulent pas vraiment, laissant une place à toute autre alternative moins repoussante que Macron et Le Pen. Mais on peut aussi douter que les Français accordent une quelconque crédibilité à des promesses non tenues d’un passé pas si lointain, et réchauffées d’une manière aussi caricaturale que ce que fait Xavier Bertrand.
Voilà pourquoi, même s’il est aujourd’hui dans la position du favori pour représenter LR en 2022, il est tout sauf évident que Xavier Bertrand parvienne à ses fins. Sa victoire dans les Hauts de France n’est pas très concluante et indique qu’il n’est pas si populaire que cela. En outre, il faudrait qu’il sorte d’un discours qui ne semble reposer sur rien de concret et uniquement s’appuyer sur des éléments de communication déjà vus et revus tellement de fois dans le passé qu’ils ne sont guère crédibles.
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