Le Maire de Strasbourg, Roland Ries, vient d’appeler à un "front républicain du refus de l’inacceptable" à la suite de la recrudescence, qu’il pense avoir constatée, d’actes racistes et anti-sémites sur Strasbourg. Il dresse une
liste de treize actes, sur laquelle nous reviendrons, et pointe du doigt l’extrème-droite. Le gratin politique et religieux strasbourgeois le suit :
condamnation solennelle conjointe des quatre religions majoritaires ; déclaration commune
du Préfet et d’élus ; et même débat au
Conseil de l’Europe, où certains pensent que la bête est de retour. Création d’une
cellule spéciale au Parquet.
Quelques voix dissonantes quand même :
Armand Jung, député PS du Bas-Rhin, trouve confus l’appel de Roland Ries. Et le Procureur
Regis Delorme, tout en indiquant que l’enquête avance, souligne qu’il y a différentes pistes et que rien ne permet d’indiquer les motivations des auteurs.
Nous allons revenir sur cette bizarre série de treize actes, très disparate, amalgamant racisme et anti-sémitisme et y associant bizzarement les deux attentats contre l
’église protestante de Hautepierre. Voici
la liste de Roland Ries ; on y distingue trois supposées cibles : la musulmane, la protestante et la juive.
Actes à cible supposée musulmane :
- Tags « anti-minaret » au domicile de Roland RIES,
- Tags « anti-minaret » sur le véhicule de Fouad DOUAI, administrateur de la Grande Mosquée de Strasbourg,
- Profanation de tombes musulmanes au cimetière nord de Strasbourg,
- Tags racistes sur la camionnette d’un distributeur de viande hala,
- Attentat contre Faruk GUNALTAY, d’origine turque, directeur de cinéma
- Profanations de tombes musulmanes au cimetière sud de Strasbourg
Actes à cible en principe protestante :
- Début d’incendie à la porte d’entrée de l’église protestante de Hautepierre
- Autel saccagé et Bible déchirée dans la même église , la semaine suivante
Actes supposés antisémites :
- Profanation du cimetière juif de Cronenbourg,
- Agression d’un jeune homme juif sur la voie publique
- Profanation de tombes au cimetière juif de Wolfisheim,
- Tags au domicile du Professeur Israël NISAND
Acte non classé :
- Croix gammées et inscriptions dans une cage d’escalier
L’on remarquera le nombre important d’actes mineurs : simples tags, sur lesquels nous n’insisterons pas.
Déjà plus grave, mais difficile à situer politiquement tant que les auteurs ne sont pas interpellés : les profanations de cimetières ; statistiquement, les plus nombreuses sont les profanations de tombes chrétiennes, et les auteurs, quand ils sont pris, s’avèrent dans
83 % des cas être des mineurs en mal de sensations fortes, sans motivation politique, et pouvant mélanger croix gammées et symboles sataniques.
L’"attentat" contre Faruk Gunaltay a consisté à incendier ses
deux voitures, désagrément des plus courants à Strasbourg.
Parmi les faits les plus graves, on notera les deux attentats contre l’église protestante de Hautepierre : le feu y a été mis alors qu’il y avait des fidèles à l’intérieur. Nous ne savons trop comment interprêter l’introduction de ces deux actes dans la liste de Ries. Aurait-il soudain décidé de s’interesser aussi au racisme anti-gaulois ? Hypothèse peut-être trop optimiste. Aurait-il classé ces actes en attentats anti-sémites ? cela pourrait s’expliquer : c’est à un panneau relatif à un voyage en Israël que le feu a été mis. Cependant, cette circonstance pointerait plutôt vers un anti-sémitisme de type islamo-gauchiste, et l’on s’étonne alors de voir le Maire présenter musulmans et juifs comme des victimes associées de l’extrème-droite supposée gauloise.
L’autre acte grave est le seul à être en principe élucidé : il s’agit de l’agression contre un jeune homme juif sur la voie publique. Sur les deux auteurs présumés, un est
d’origine maghrébine. Il s’agit d’un acte ayant une certaine teneur anti-sémite, mais surtout une
forte teneur psychiatrique (le principal auteur présumé se plaignant d’avoir été interné à la demande d’un médecin juif). Il ne s’agit pas d’une affaire politique.
En résumé, cette liste met mal à l’aise pour plusieurs raisons. Elle monte en épingle un nombre d’actes minime par rapport aux chiffres généraux de la délinquance ; elle amalgame des actes visant très cibles différentes, comme pour faire nombre, comme pour allonger une liste désespérément courte. Elle escamote le conflit israélo-arabe, pourtant sous-jacent à l’affaire de Hautepierre. Et elle désigne des "coupables" (à l’extrème droite) alors que la plupart des enquêtes ne sont pas terminées, que la seule affaire élucidée est psychiatrique, et que la seule montrant à la fois un degré de violence important et des indices en principe parlants (Hautepierre) parait pointer vers une piste islamo-gauchiste.