Yade Ram - à - contre-courant
En décalage avec les valeurs de l’UMP, elle s’est appropriée la méthode Sarko. Pour son compte.

Impertinente, sûre d’elle, grande gueule, elle est comme ça, Rama. Quand ça ne lui plaît pas, elle le dit, haut et fort. Quitte à s’attirer les foudres du Président. Mais, au-delà de ces clichés, de cette caricature que les Guignols ont tôt fait de s’approprier, qui est vraiment cette jeune femme de 33 ans, née à Dakar et membre de l’UMP depuis seulement 2005 ?
L’opposition dans la majorité ?
Inquiète par la candidature de Jean Sarkozy à la tête de l’EPAD, sceptique sur le débat Besson, opposée à sa ministre de tutelle sur le droit à l’image collective des sportifs : la secrétaire d’Etat aux sports se met la majorité à dos. Honnête pour les uns, gâtée pourrie pour les autres, le cas Yade divise, surtout à l’UMP. La gauche, quant à elle, crie à l’injustice d’un gouvernement qui aurait instrumentalisé l’image de Rama Yade, jeune black synonyme d’ouverture, et qui ne saurait plus quoi en faire aujourd’hui. Pour preuve, Michel Sabban, la vice-présidente socialiste de la région Ile-de-France, propose même de lui accorder le « droit d’asile ». Une plaisanterie qui souligne, toutefois, la difficulté à poser une étiquette politique sur la rebelle de l’UMP.
Si l’attachement de l’ancienne directrice de communication de la chaîne parlementaire « Public Sénat » aux valeurs de l’UMP est remise en cause, elle n’a pourtant absolument rien d’une socialiste. En témoigne la virulente charge qu’elle admoneste au parti de la rose lors du congrès d’’investiture de Nicolas Sarkozy en janvier 2007. Décrit comme aveugle, le PS serait « sans projet, sans idée, sans vision ». Mais la jeune militante affirme aussi sa différence, en déclarant soutenir avant tout Nicolas Sarkozy pour son charisme, sans pour autant partager toutes les valeurs de l’UMP.
La vraie Rama
"C’est pas lui (Nicolas Sarkozy, NDLR) qui s’est dit "je vais mettre Rama dans le gouvernement", c’est moi qui suis venu et lui ai dit : pourquoi pas moi".
La jeune femme avait donc prévenu ses pairs. Oui, elle soutient la candidature de Sarkozy. Non, elle ne sera jamais un bon petit soldat de l’UMP. C’est d’ailleurs pour cette image que le chef de l’Etat l’a nommée aux plus hautes fonctions. Jeune, belle, noire, Rama a vite conscience d’être instrumentalisée par le Président. Et en profite, jouant le jeu jusqu’au bout, pour en tirer le meilleur.
Comme Sarkozy, Rama n’est pas la femme d’un parti, ni la femme d’un clan (cf le spot du candidat Sarkozy à l’élection présidentielle qui employait cette expression à son compte, NDLR). Et, si elle affiche une reconnaissance maîtrisée au Chef de l’Etat, c’est aussi parce qu’il ne l’a pas choisie, mais qu’elle a su s’imposer à lui. Elle le reconnait dans un enregistrement pirate réalisé lors d’un dîner du Cran (Conseil représentatif des associations noires de France, NDLR) : "C’est pas lui (Nicolas Sarkozy, NDLR) qui s’est dit "je vais mettre Rama dans le gouvernement", c’est moi qui suis venu et lui ai dit : pourquoi pas moi".
Pas complètement à droite, pas non plus à gauche, dans quel camp classer la secrétaire d’Etat ? Pour Luc Ferry, l’ancien ministre de l’Education Nationale de Chirac, Yade est une souverainiste, proche d’un Nicolas Dupont-Aignan. Son positionnement contre la constitution européenne et pour l’intervention américaine en Irak constituant les deux preuves cruciales de ce jugement. Yade, trop à droite pour l’UMP ?
Une hypothèse en complet décalage avec son image dans l’opinion publique. Avec 60 % d’opinions favorables, 4619 fans sur Facebook, la nouvelle bouc-émissaire de la majorité fait des envieux. Il y a, bien sûr, les ennemis de longue date, comme Nadine Morano. Il y a, aussi, le premier Ministre, chargé d’exécuter les ordres de l’Elysée, et qui réprimande la mauvaise élève Yade. Plus surprenante, toutefois, la volée de bois vert que la majorité lui alloue, de concert. Ainsi les Woerth, Lefebvre ou Besson y vont chacun de leur petite phrase assassine.
Capricieuse ou ambitieuse ?
Systématiquement du côté de l’opinion publique, quelques soient les sujets abordés, Rama Yade dépasse, progressivement, son maître es sarkozysme.
Mais qu’a donc fait Rama Yade ? S’opposer à sa ministre de tutelle sur le droit à l’image des sportifs ? Emettre des réserves quant à la nomination du Prince Jean ? La gravité des faits reprochés semble bien moins importante que ses précédents faits d’armes, de son opposition à la venue de Kadhafi en passant par l’épisode d’Aubervilliers.
Alors pourquoi vouloir, aujourd’hui, la mettre sur la touche ? Elle est « incapable de s’intégrer dans une équipe », affirme Sarkozy, filant la métaphore sportive pour sa Ministre du même domaine. C’est peut-être ça, le problème Rama : trop douée, la jeune pousse se sert elle-même, et non son équipe. Jean-François Probst, célèbre conseiller de l’ère Chirac, commente « sa volonté de puissance » toute sarkozyste. (Voir la Vidéo)
Systématiquement du côté de l’opinion publique, quels ques soient les sujets abordés, elle dépasse, progressivement, son maître es sarkozysme. Qui n’obtient que 35 % d’opinions favorables dans les mêmes sondages. Ainsi, comme le commente Arnaud Montebourg, elle pourrait se voir remplacée au lendemain des régionales par un nouveau venu en Sarkozie, resté longtemps dans les girons de la Chiraquie : le géant Douillet. Car, malgré son gabarit, le célèbre judoka fera toujours moins d’ombre au « petit » Président que ne pouvait lui en faire la grande Rama.
Pari gagnant
L’avenir de la jeune femme semble donc devoir se jouer du côté du Val d’Oise comme tête de liste aux prochaines régionales. Elle aurait préféré les Hauts-de-Seine, histoire de singer d’un peu plus près son modèle de Président. Mais Valérie Pécresse, tête de liste pour la région Ile-de-France, en aura décidé autrement. Un parachutage ethnique qui lui coûtera vraisemblablement son maroquin.
De son exil dans le 95, le charisme de Sarkozy risque de lui paraître moins attractif. Sa cote de popularité risque de l’exposer à toutes les tentatives de séduction, de Villepin à Bayrou en passant par le PS, qui s’y est déjà mis, sur le ton de l’humour. Elle a su jouer pour sa pomme, et elle a déjà gagné. Elle existe, politiquement parlant, à 33 ans. Elle a su comprendre qu’un Président n’est ni plus ni moins qu’un bon canasson sur lequel on parie, le temps d’une course, ou d’une saison, qui ne dure que 5 ans. Calculatrice ? Non, politique. C’est sûr, avec ou sans Sarkozy, pour Rama, Yade l’espoir !
Un article du site www.animalpolitique.com
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