Dimanche prochain, fête de l’Aïd : qui égorge un mouton égorge un mouflon !
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Dimanche prochain 6 novembre, c’est l’Aïd el Kebir, la fête du mouton pour nos amis Musulmans.
Pour les croyants, cette fête commémore l’épisode ou Ibrahim (Abraham dans la tradition juive) accepte d’égorger son fils Ismaël sur l’ordre de Dieu. Au dernier moment, l’archange Gabriel remplace l’enfant par un mouton. Merci mon ange ! C’est en souvenir de cette offrande sacrificielle que les familles musulmanes, après la prière et le sermon de l’Aïd, sacrifient un mouton en l’égorgeant, couché sur le flanc gauche et la tête tournée vers la Mecque.
C’est un gigantesque fleuve de sang qui coule ce jour-là en terres d’Islam. J’ignore si un Musulman athée, ou végé, ou antispéciste peut se voir dispensé d’une telle obligation. Je pense notamment aux contrées où les Musulmans peuvent acquérir des vibrations écosophiques aux côtés de Brahmanes…
Le Coran autorise de se nourrir des ovins, des bovins, des caprins, des camélidés, du zèbre, du cheval, du lapin et du lièvre, des gallinacés. Les sauterelles sont aussi admises, voire les escargots, mais pas les grenouilles !
Mais à propos de la chasse et du gibier : comment concilier l’irrévocable interdit de consommer de la viande morte ? Comment tuer halal, par exemple, un lièvre ou un mouflon qui ne sont pas issus d’élevage ? Comment ramener l’animal à la maison vivant pour l’égorger ensuite ?
Et j’en viens maintenant au mouflon qui est l’origine du mouton. Le mouflon à manchette, par exemple, auparavant très répandu dans les zones accidentées, notamment du Machrek et du Maghreb, est au bord de l’extinction. La cause ?
Eh bien la chasse exercée par les populations, notamment pastorales. Des dizaines de milliers de bergers musulmans auraient-ils ainsi consommé de la viande morte de mouflon ?
Je suppose que ce n’est pas provoquer de rappeler qu’un mouton est un mouflon. En tant que zoologue, si on m’interdisait l’assertion, ce serait un coup de l’Inquisition. Le « et pourtant, il bêle (le mouflon) ! » viendrait alors s’inscrire aux côtés du cri de Galilée : « Et pourtant, elle tourne ! ». Entre savants, il faut s’entraider ! En ces temps de charia démocratique (oxymore ?), désormais promue par l’axe du bien, on pourrait penser que les vérités ne fâchent plus. À moins que…
Le mouflon n’est pas de Panurge…
Le mouflon appartient à la famille des bovidés. Les bovidés comprennent la sous-famille des bovinés (bœufs, zébus, yacks, bisons, buffles) et des caprinés, ces derniers subdivisés en deux principaux genres : les ovins et les caprins.
Parlons donc un peu origines... L’ancêtre de la chèvre domestique (Capra hircus) est la chèvre à bézoard d’Arménie (Capra aegagrus). Le bézoard est cette concrétion de l’estomac et des intestins des Herbivores à laquelle on attribuait autrefois des vertus médicinales (la pierre de bézoard était un antidote).
Quant à notre cher mouton domestique (Ovis aries), l’analyse cytogénétique confirme qu’il descend du mouflon d’Asie mineure (Ovis orientalis), la plus petites espèce du genre Ovis et qui possède aussi 54 chromosomes, avec une influence possible de l’urial d’Arménie (Ovis vignei).
Le mouflon à manchettes (Ammotragus lervia) est une espèce affine au mouflon et qui peuple l’Égypte, la Libye, le Mali, la Mauritanie, le Niger, le Soudan, le Tchad, le Maroc, l’Algérie et la Tunisie. Cette espèce classée vulnérable voit ses effectifs en baisse en raison d’une chasse abusive et depuis peu des modifications de son environnement. À tel point qu’au Maroc, le peuplement de mouflons à manchette est estimé à moins d’un millier d’animaux, la plupart au sein de figures de protection.
Selon les naturalistes-historiens et les découvertes archéologiques, la date de sa domestication à partir du mouflon d’Asie mineure oscillerait autour du VIIIe millénaire avant J.-C., juste après celle du chien et de la chèvre. Depuis la Mésopotamie et le croissant fertile, la pratique de son élevage se serait étendue vers la Perse puis au bassin méditerranéen. Plusieurs vagues envahirent l’Europe : l’Urial jusqu’en Suisse via les Balkans, le mouflon d’Asie Mineure jusqu’en Grande Bretagne via l’Allemagne et le Danemark, enfin le mouton mésopotamien sur la côte méditerranéenne via l’Égypte. Sachant aussi que des mouflons subsistèrent à l’état sauvage dans l’Europe du Moyen Âge, il serait bien hasardeux de construire la généalogie des races actuelles et la thèse d’une origine multicentrique, provenant tout autant d’échanges culturels que de convergence d’idées, est celle retenue. Cependant il est acquis que le mouflon corso-sarde (ovis orientalis musimon) ne mérite pas d’être qualifié ainsi : il s’agit d’un scénario de « marronnage », soit d’un mouton ensauvagé après son abandon sur ces îles. A la fin de l’âge de bronze, le mouton de l’île de Soay connut un sort identique ! Ces races possèdent en effet une toison laineuse qui trahit leur domestication antérieure, car chez le mouflon sauvage, seule la sous-couche du pelage est laineuse.
Les hommes ont progressivement sélectionné les animaux afin de réduire le grossier poil de jarre au profit du fin duvet laineux. On dénombre environ 450 races de moutons domestiques, avec les sélections respectives aux types de pâturages, de climats et d’altitudes, selon une polymorphie très riche (taille, couleur, nombre de cornes, forme des oreilles, type de toison..) puisqu’il existe même (non pas un mouton à cinq pattes...), mais un mouton sans laine !
Fournissant lait, viande et laine, grégaire et dépourvu d’agressivité mais ayant hérité du mouflon une sensibilité développée (vue aiguisée, ouïe fine, excellent odorat), le mouton ne pouvait que séduire l’homme. Il faut savoir qu’il existe le rapport assez constant d’un mouton pour trois humains...
« Maman, dessine-moi un mouflon ! »
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