Écriture : La Nomina Sacra sous la prison
L’histoire est tout un symbole : un détenu participe à des travaux dans la prison de Meggido, en Israël (qui "accueille" quelque 1200 prisonniers palestiens), quand ses coups de pioche mettent à jour deux superbes mosaïques, dont l’une représente l’ichtius, un des premiers signes de reconnaissance de la Chrétienté [voir précédent billet] :
Nous avions le regard tourné ailleurs, mais l’affaire a fait grand bruit à travers le monde (Washington Post, Yahoo News, National Geographic). Selon certains, ces mosaïques pourraient avoir appartenu à la première église de la Terre Sainte et peut-être de la chrétienté. En effet, elles semblent dater de la fin du IIIè siècle, bien avant la légalisation du Christianisme par l’empereur Constantin (313), à une époque où l’on pensait jusqu’ici que les chrétiens, persécutés, n’étaient pas en mesure de bâtir des lieux de culte. Les autorités israéliennes et le Vatican ont immédiatement fait un tapage médiatique (la découverte pourrait renforcer le tourisme pour les uns, la foi pour les autres — les deux semblent en avoir bien besoin...) mais il convient de rester les pieds sur terre : la découverte est si considérable qu’elle demande du recul et une analyse à tête reposée, par les spécialistes compétents.
En tous cas, j’ai eu le souffle coupé par une autre image, en parcourant les albums photos de Yahoo et National Geographic :
Soit, en caractères modernes :
ΠΡΟΣΗΝΙΚΕΝ
ΑΚΕΠΤΟΥΣ
ΗΦΙΛΟΘΕΟΣ
ΤΗΝΤΡΑΠΕ
ΖΑΝΘΩ·ΙΥ·ΧΩ
ΜΝΗΜΟΣΥΝΟΝ
Les trois couples de lettres que j’ai encadrés en rose sont des exemples de ce qu’on appelle nomina sacra, et dont j’ai déjà parlé
il y a quelques mois. La nomina sacra est un système d’écriture abrégée
développé par les premiers chrétiens, mais contrairement à d’autres
systèmes d’abréviation, comme les notes tironiennes,
dévelopées par Tiron, le secrétaire de Cicéron, elles ne concernent que
les mots sacrés (Dieu, Seigneur, Jésus, etc.). Ici, nous reconnaissons :
Θ[Ε]Ω : Dieu
Ι[ΗΣΟ]Υ : Jésus
Χ[ΡΙΣΤ]Ω : Christ
Les exemples de nomina sacra en épigraphie
(en particulier sur des inscriptions monumentales) sont beaucoup moins courants, et on ne semble pas en avoir avant le quatrième siècle (ce devait être risqué d’afficher son appartenance religieuse sur les murs... [voir discussion chez Phil Harland]).
Alors, vous imaginez que je suis l’affaire avec grand intérêt, et pour tout dire avec une grande excitation...
Ah ! oui, au fait, Meggido, ça ne vous rappelle rien ? Armaguédon, c’est le lieu de l’Apocalypse (outre le titre d’un mauvais film) : Har Meggido signifie la "montagne de Meggido" en hébreu, et la translittération en grec aurait donné Harmagedôn (mais bien sûr, comme toujours il y a des controverses...) Si vous voulez en savoir plus, vous pouvez toujours lire le thriller kabalistique d’une écrivaine branchée, mais si vous voulez vraiment avoir la Révélation, lisez plutôt l’original. C’est assez déjanté (l’histoire ne dit pas ce qu’il avait fumé, l’apôtre !)
Et le septième ange répandit sa coupe dans l’air ;
Alors, partant du temple, une voix clama : " C’en est fait ! "
Et ce furent des éclairs et des voix et des tonnerres,
Avec un violent tremblement de terre ;
Non, depuis qu’il y a des hommes sur la terre,
Jamais on n’avait vu pareil tremblement de terre, aussi violent !
La Grande Cité se scinda en trois parties,
Et les cités des nations croulèrent ;
Et Babylone la grande, Dieu s’en souvint pour lui donner la coupe
Où bouillonne le vin de sa colère.
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