Etats-Unis : la tentation fondamentaliste
Les candidats à l’investiture présidentielle aux Etats-Unis n’ont cessé, tout au long de cette campagne, de marteler leurs convictions chrétiennes et de rappeler l’élection de leur nation qui se doit d’appliquer une version de la morale et du droit puisant sa source dans la religion chrétienne. Ainsi, le candidat républicain John McCain considère que « leur Constitution consacre les Etats-Unis comme une nation chrétienne » pendant que son concurrent Mike Huckabee affirme que, élu, il « amenderait la Constitution conformément aux normes divines (God’s standards) » !
Les candidats à l’investiture présidentielle aux Etats-Unis n’ont cessé, tout au long de cette campagne, de marteler leurs convictions chrétiennes et de rappeler l’élection de leur nation qui se doit d’appliquer une version de la morale et du droit puisant sa source dans la religion chrétienne. Ainsi, le candidat républicain John McCain considère que "leur Constitution consacre les Etats-Unis comme une nation chrétienne" pendant que son concurrent Mike Huckabee affirme que, élu, il "amenderait la Constitution conformément aux normes divines (God’s standards)" ! Certes, alors que Huckabee semble très sérieux, le favori et modéré McCain est tout simplement opportuniste mais son message confirme néanmoins une tendance lourde selon laquelle la nation américaine serait indissociable de ses convictions religieuses. La Cour suprême y fait également écho par la voix du juge Scalia, un de ses représentants les plus intransigeants. Saisi par une requête contestant l’inscription des Dix Commandements sur un bâtiment public au Texas car inconstitutionnelle et incompatible avec une attitude neutre de l’Etat vis-à-vis de la religion, le juge Scalia déboutait cette requête faisant valoir que cette inscription était "le symbole que le gouvernement était issu de l’autorité de Dieu" qui légitimait les lois humaines. Comment la Cour suprême, ultime recours dans un pays modèle en démocratie, peut-elle aller jusqu’à affirmer que le droit américain est issu d’antiques commandements bibliques plutôt que d’une constitution séculière voulue par les pères fondateurs et où Dieu n’avait aucun rôle actif ? Pourtant, Scalia est soutenu par une masse de fondamentalistes considérant les Etats-Unis comme une théocratie chrétienne et souhaitant non seulement - à l’instar de Huckabee - modifier la Constitution mais également l’Histoire de leur pays... De fait, un député républicain, James Forbes, soutenu par plus de trente parlementaires a récemment introduit un projet de loi connu sous le nom de House Resolution 888 se proposant de consacrer la première semaine du mois de mai comme "semaine de l’histoire religieuse américaine". Le but - en substance - étant de réaffirmer "le riche héritage spirituel et religieux de la nation et la promotion d’une éducation imprégnée de foi"... Si elle devait être adoptée, cette loi ferait autant de dégâts à l’enseignement de l’Histoire américaine que l’intervention du créationnisme dans l’enseignement de la théorie de l’évolution !
L’appartenance des pères de la constitution américaine à la religion chrétienne est certes incontestable mais c’est précisément pour permettre à l’Etat d’évoluer hors du contrôle et des critères religieux qu’ils avaient voulu la séparation stricte entre constitution et religion. Ce faisant, ils protégeaient la liberté de conscience et de croyance non seulement des athées mais aussi des religieux car une "nation chrétienne" est un danger à la fois pour les athées et pour les chrétiens ! Ils savaient qu’un gouvernement qui prescrit une religion finit toujours par sombrer dans l’intolérance et la tyrannie. Ainsi, un de ces "pères", James Madison (1723-1801), posait-il une question pertinente : "Qui ne voit pas que la même autorité établissant le christianisme à l’exclusion des autres religions peut établir avec la même facilité un rite chrétien à l’exclusion des autres rites chrétiens ?" Du reste, l’attitude de Pat Robertson, candidat en 1988 à la présidentielle américaine, ne conforte-t-elle pas les craintes de Madison ? En effet, Robertson avait affirmé que, dès lors qu’il serait élu, "la majorité chrétienne dirigerait le pays de telle sorte que le pluralisme serait considéré immoral et diabolique"... On est loin de la vision sereine et séculière de la démocratie d’un Madison mais c’est néanmoins la direction que veulent prendre Huckabee, Scalia et Forbes.
Croyants et non-croyants auraient tout intérêt à respecter la volonté des pères fondateurs américains car une nation séculière dont la constitution ne fait pas référence à Dieu préserve les droits de tout individu et définit la pratique - ou la non-pratique - de toute religion comme un droit inaliénable. N’est-ce pourtant pas le "philosophe" préféré des fondamentalistes américains qui, le premier, avait plaidé pour la séparation de l’Eglise et de l’Etat ? Huckabee, Scalia, Forbes et leurs émules devraient effectivement méditer ces paroles pleines de sagesse d’un certain Jésus : "Rendez à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu."
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