Evêque, je meurs par vous !
A l'heure où les cérémonies cultuelles commencent à reprendre, il est l'heure de faire le bilan de ce qu'ont fait nos évêques pour défendre leur troupeau contre les attaques du gouvernement
"Je suis resté muet, silencieux ; je me taisais, mais sans profit. Mon tourment s'exaspérait, mon coeur brûlait en moi. Quand j'y pensais, je m'enflammais, et j'ai laissé parler ma langue" (psaume 38, 3-4)
"Pour l'amour de Sion je ne me tairai point, Pour l'amour de Jérusalem je ne prendrai point de repos," (Isaïe 62, 1).
Les catholiques - ou tout au moins la plupart - avaient l'habitude d'obéir à leur hiérarchie, sans discuter. Le concile Vatican et la réécriture du Codex Iuris Canonici (Code de droit canonique) de 1917 étant passés par là, nous avons maintenant droit au "primat de la conscience" et au "devoir de donner aux Pasteurs sacrés leur opinion sur ce qui touche le bien de l’Église et de la faire connaître aux autres fidèles, restant sauves l’intégrité de la foi et des mœurs et la révérence due aux pasteurs, et en tenant compte de l’utilité commune et de la dignité des personnes." (can. 212, paragraphe 3). Soit, allons-y.
Les prêtres dans l'église que je fréquente ont d'abord interdit la communion directement dans la bouche, antique mode de réception de la communion, ce qui constitue une violation de l'instruction Redemptionis Sacramentum, n°92, citant le Missale Romanum, Institutio Generalis, n. 161. Que n'a-t-on pas entendu il y a quelques temps quand des divorcés remariés, ayant piétiné leurs engagements de mariage, étaient donc, fort logiquement, dans un état qui les empêchait de communier ! Ah ! C'était scandaleux, ils se sentaient exclus, il fallait impérativement leur donner la communion, qui était un droit. Les traditionnalistes, eux, émus par cette exclusion de fait qu'on prononçait contre eux, se sont vus conseiller dédaigneusement de recourir à la "communion spirituelle" s'ils n'étaient pas contents, comme si c'était la même chose.
Puis quelques jours après, le vendredi 13 mars, notre église nous apprit que la messe du dimanche 15 mars ne serait pas célébrée ; à cette date, nous n'avions que les annonces télévisées du gouvernement (donc aucune valeur juridique), mais l'arrêté n'était pas publié ; il ne paraîtrait que le dimanche 15 mars au journal officiel (Arrêté du 14 mars 2020 portant diverses mesures relatives à la lutte contre la propagation du virus covid-19). Bref, on devançait ainsi les textes juridiques. Alors que les textes sont applicables normalement uniquement le lendemain de leur publication au JO, le premier ministre le rendit applicable immédiatement, i.e. le 15 mars, pile pour interdire la messe aux catholiques. Je n'ai pas entendu un seul évêque protester à cette date-là ; bien plus, dans un bel élan, la plupart des évêques allèrent encore plus loin que les interdictions juridiques : ils fermèrent pour la plupart leurs églises à double tour, alors même que l'arrêté, s'il interdisait les cérémonies, autorisait l'ouverture des lieux de culte. Nos évêques se montrèrent plus royalistes que le roi, ou plus exactement ici plus laïcards que la République.
Et si nous comparions avec le comportement des saints et martyrs ? Le 29 décembre 1170, des chevaliers ont pénétré dans les bâtiments attenant à la cathédrale de Cantorbéry, traquant Mgr Thomas Becket, évêque de Cantorbéry, primat d'Angleterre, pour le tuer. Ce dernier est à la cathédrale pour réciter les vêpres. Les gens de sa suite ferment les portes du lieu pour le protéger, mais Saint Thomas Becket ordonne qu'on les rouvre, déclarant qu'une maison de prière ne doit pas être une forteresse. Il est assassiné quelques instants après. Remarquons d'ailleurs que nos évêques n'encouraient rien en se conformant aux dispositions de l'arrêté sans aller plus loin en surenchérissant ; et qu'ils n'encouraient pas forcément grand-chose en ne le respectant pas.
Alors bien sûr cette obéissance zélée et enthousiaste fut accompagné de l'inévitable discours morigénateur envers les dissidents qui n'étaient pas dans le rang : il fallait obéir comme de bons citoyens, la situation n'avait rien à voir avec l'interdiction des messes et sacrements aux temps antiques, et aller à la messe faisait courir un péril mortel aux autres participants.
Malgré ma bonne volonté, je ne vois pas où est la différence ! Dans les deux cas, le pouvoir civil décide d'outrepasser ses droits en réglementant l'accès au culte et le don des sacrements. D'ailleurs, si effectivement Saint Paul prescrit l'obéissance au pouvoir civil, cette obéissance a toujours été comprise comme étant limitée par les droits de l'Eglise et s'étendant uniquement à la sphère civile, et cela est même compris comme cela par Saint Paul lui-même, quand il décide, alors que le roi Arétas veut le faire arrêter à Damas où il séjournait, de s'enfuir dans un panier le long de la muraille. Mais cela a été rappelé bien après, notamment par le Bienheureux Pape Pie IX, dans son recueil des principales erreurs, le Syllabus errorum, où il déclare comme erreur la proposition n°44 : "L'autorité civile peut s'immiscer dans les choses qui regardent la religion, les mœurs et le gouvernement spirituel. D'où il suit qu'elle peut juger des Instructions que les pasteurs de l'Église publient, d'après leurs charges, pour la règle des consciences ; elle peut même décider sur l'administration des sacrements et les dispositions nécessaires pour les recevoir". Or en interdisant les cultes, l'autorité civile réglementait excessivement les sacrements.
Mais là encore, quelques exemples historiques évoqueront mieux que je ne peux le faire la ligne de conduite à tenir :
En 269, l'empereur romain Claude II interdit que l'on marie les hommes, afin d'éviter qu'ils ne soient indisponibles pour aller à la guerre. Saint Valentin, considérant que le mariage était un droit naturel de l'Homme, continua à célébrer des mariages. Arrêté, il fut décapité.
En 304, l'empereur Dioclétien interdit les rassemblements des chrétiens, après avoir demandé que les écrits chrétiens fussent remis en vue de leur destruction ; l'évêque Fundanus obéit et remit les écrits, tandis que des fidèles, sous la direction du prêtre Saturninus, se réunissaient à Abitène, pour la célébration de la messe. Arrêtés, interrogés torturés, on leur demanda s'ils ignoraient les édits de Dioclétien et les sanctions qui étaient prévues. Non, dirent-ils. Mais alors, pourquoi néanmoins désobéir à l'empereur ? Et la réponse fut : "Sine dominico, non possumus vivere"(sans le dimanche [jour par excellence du culte], nous ne pouvons vivre). Ils privilégiaient donc la vie de l'âme à la vie terrestre.
Quand les révolutionnaires persécutèrent les prêtres et la religion catholique à la fin du XVIIIè siècle en France, là encore, les prêtres réfractaires refusèrent d'obéir et continuèrent à administrer des sacrements. Parmi les milliers de prêtres guillotinés, noyés, assassinés de diverses manières, on trouve par exemple le Bienheureux Noël Pinot, arrêté alors qu'il était revêtu de ses vêtements liturgiques (probablement parce qu'il s'apprêtait à célébrer la messe), et montant à la guillotine, toujours dans ces mêmes habits, récitant les premières prières de la messe (psaume 42, Judica me).
Et n'a-t-on pas les exemples des catholiques, menés par les évêques, qui protestèrent avec fermeté contre la laïcisation de l'enseignement, contre la loi de 1905 destinée à spolier les catholiques, contre les manuels anticléricaux distribués dans les établissements, contre la suppression de l'école libre en 1984 ? Certes, ces mouvements de protestation ne furent pas toujours vainqueurs ; mais au moins, ils pouvaient dire, tel François Ier "tout est perdu, fors l'honneur" (fors ayant le sens de "excepté") ; au moins, ils s'étaient battus.
Alors pourquoi prétendent-ils maintenant qu'il faudrait obéir, le doigt sur la couture du pantalon, à des mesures qui sont exactement les mêmes que celles prononcées durant des siècles et contre lesquelles l'Eglise s'est systématiquement battue, avec la seule différence qu'ici l'interdiction fut quasiment mondiale ? Certes, le prétexte n'est pas le même : au temps de l'empire romain, on accusait les chrétiens de découper un enfant vivant et de boire du sang humain. Maintenant on les accuse de propager le coronavirus, donc les raisons seraient médicales. Allons donc ! N'importe qui pouvait sortir pour acheter un paquet de gâteaux au supermarché, pour sortir le chien, pour faire du sport : là, aucun problème. En revanche, aller à la messe, quelle horreur ! On était presque revenu au temps des Juifs accusés d'empoisonner les puits. Les sinistres chrétiens, vicieusement et délibérément, tramaient la contamination de la population dans leurs réunions et conciliabules secrets. Ce n'était plus le protocole des sages de Sion, mais le protocole des sages de Rome.
Mais soit : admettons que le coronavirus consistait en un réel danger. Reprochant à l'Etat d'empiéter sur le domaine civil, je ne veux pas faire la même chose, à savoir empiéter sur le domaine civil en jugeant hâtivement d'une maladie à propos de laquelle je reconnais que je n'ai pas spécialement de compétences scientifiques (même si je ne peux m'empêcher de noter que si le coronavirus a fait en 2,5 mois 28000 morts, bon an mal an en France, nous avons 600 000 morts, et donc que le coronavirus ne représente une surmortalité que de 5% sur une base annuelle, ce qui est négligeable).
Que faisaient nos aïeux, en cas d'épidémies ? Au contraire, ils se précipitaient à l'église, organisaient des processions...En 590, la peste sévissant à Rome, Saint Grégoire le Grand organisa une grande procession, à l'issue de laquelle la peste cessa de frapper. Mais nos évêques préfèrent, eux, faire interrompre le culte ! Il est vrai que si c'est pour prier et adorer des statuettes idolâtriques, il vaut mieux ne rien faire du tout...
Mais de toute manière, cela revient à mélanger deux plans, que dis-je, à considérer qu'un plan (le salut de l'âme) est inférieur à l'autre (le salut du corps) alors que c'est justement l'inverse. Le code de droit canonique précise bien que "salus animarum supra lex" (le salut des âmes est la loi suprême) et notre Seigneur Jésus-Christ nous a appris à nous préoccuper de ceux qui peuvent tuer l'âme, pas le corps. Or nos évêques se préoccupent excessivement d'une maladie qui n'a pas touché grand-monde, dans une vague d'hystérie psychotique paranoïaque, mais en revanche c'est parfois le voile pudique du silence jeté sur la doctrine des fins dernières, les lois morales, la nécessité de la prière, etc. Quand par hasard on ne cesse de nous rebattre les oreilles du coronavirus, malheureusement on tombe parfois alors dans un discours mièvre et insipide sur la lutte contre le CO2 ou le recyclage des déchets.
Bref, le temps a passé. Quelques évêques, en mai, se démarquèrent du troupeau en priant humblement le gouvernement de bien vouloir considérer avec bienveillance leurs modestes suppliques. Comme si le culte divin et la célébration de la messe n'étaient pas un ordre de droit divin, mais qu'il s'agissait d'un simple détail sans importance que l'Etat avait le droit de régler. Le reste des évêques, quant à lui, était aux abonnés absents. On notait aussi l'absence totale de protestations des progressistes ; alors que ceux-ci nous rebattaient les oreilles de participation active, de droit aux laïcs (et surtout aux femmes) de pénétrer dans le choeur, de ronde des enfants autour de l'autel, tout à coup, alors qu'ils étaient renvoyés devant leur télévision (situation passive par excellence), ils se tenaient cois. Comme quoi le but n'était pas d'avoir une messe avec une participation active et d'avoir des femmes faisant la lecture, mais bien d'empêcher les messes avec les prières silencieuses servies uniquement par des hommes, conformément au décret du pape Gélase (494 Anno Domini).
Tout à coup, enfin, des gens agirent. Le Parti Chrétien-Démocrate, l'Alliance Générale contre le Racisme et pour le respect de l'
Làs ! Le gouvernement ne désarmant pas dans son idée de persécuter la religion catholique invita les représentants du culte pour définir avec lui à quelle sauce ils seraient mangés. On invitait ainsi les représentants des cultes à définir les mesures qui allaient entraver ensuite ces même cultes. Mais, sans doute, le fait d'être si honoré par le gouvernement par une invitation fit tomber toute prudence chez ces mêmes représentants du culte. Que disait Saint Jean dans son épître ? "Si quelqu'un vient à vous et n'apporte pas cette doctrine, ne le recevez pas dans votre maison, et ne lui dites pas : Salut ! Car celui qui lui dit : Salut ! participe à ses mauvaises oeuvres." (2 Jn 1, 10) Bref, il en sortit des recommandations du ministère. Extrêmement habile, car si des textes juridiques comme des décrets et des arrêtés avaient été définis, ils auraient valeur normative, et pourraient être de nouveau contestés par les requérants devant le Conseil d'Etat. Le gouvernement préféra passer par des recommandations, qui n'ont pas de valeur normative, et qui donc ne peuvent porter grief ; en d'autres termes on peut ne pas les respecter, puisqu'elles ne sont pas obligatoires ; mais puisque l'on peut ne pas les respecter, on ne peut pas les contester juridiquement ! Mais la CEF les considéra comme à respecter (elle avait été invitée à les discuter ! Elle n'allait pas se déjuger !) et donc incite à l'application de mesures qui n'ont aucune valeur juridique. C'est même pire que cela : qui sont illogiques. Le plus bel exemple est celui-là : "Les organisateurs s’assurent du respect de la règle de distanciation physique d'au moins un mètre entre deux personnes. Le respect de cette règle, se traduit par une superficie individuelle d’environ 4 m² par personne qui déterminera le seuil maximal de fréquentation." 1 mètre entre deux personnes, cela fait 1 mètre carré, pas 4 !!! Est-ce de la stupidité ou de la malhonnêteté ? Et donc les églises sont maintenant contrôlées, l'accès au culte soumis à inscription préalable, à contrôle, à effectif limité, à numerus clausus, à port du masque, à détention de gel hydro-alcoolique, et autres inepties. Ils sont tellement obnubilés par des recommandations sans valeur qu'ils en viennent à oublier leurs principes canoniques : canon 1221 : "Pendant les célébrations sacrées, l’entrée dans l’église sera libre et gratuite." Au Moyen-äge, n'importe quel criminel pouvait demander asile dans les lieux de culte, et voilà que nos évêques chassent des paroissiens et leur ferment la porte au nez ! Mais quels pasteurs est-ce là ? Ils ferment la porte de la bergerie et laissent les brebis dehors, sans secours sacramentel, à la merci du loup rapace. Notre Seigneur Jésus-Christ disait : "Quel père parmi vous donnerait un serpent à son fils qui lui demande un poisson ? ou un scorpion, quand il demande un œuf ?" Certains de nos évêques, quand on leur demande les sacrements, nous donnent de belles paroles nous incitant à suivre les laïcards francs-maçons !
Dignitatis Humanae rappelle la liberté religieuse pour les hérétiques, les schismatiques, les juifs, les musulmans, mais à ses propres fils, certains pasteurs de l'Eglise la refusent !
Mais pourquoi une telle attitude ? Hélas, le venin du relativisme et du syncrétisme ont peut-être corrompu certains. A force de dénoncer le cléricalisme, de ravaler le prêtre au rang d'animateur de paroisse, lui, véritable acteur in persona Christi, de profaner les églises avec des concerts de musique païenne, de se rapprocher des protestants qui ne croient pas en la présence réelle et n'ont pas la même conception de la messe, de minimiser les différences fondamentales qui existent entre religions pour se focaliser sur un "plus petit dénominateur commun", le mal a été fait. Ajoutons à cela la terreur d'être mal vu, d'être considérés comme de "mauvais citoyens". Mais cela fait 2000 ans que les chrétiens sont vus comme de mauvais citoyens ! Aux temps antiques, ils étaient persécutés parce qu'on leur reprochait de ne pas sacrifier à l'empereur, ce qui était un acte de culte aussi bien qu'un acte civil (ce sera d'ailleurs la même chose avec la longue querelle des rites chinois). Fut-ce pour autant que les chrétiens abjurèrent en sacrifiant à l'empereur ou aux idoles ? Il est rappelé dans les Ecritures que nous ne sommes pas du monde, que le monde nous hait. Ce que je souhaite, c'est que l'on soit haï pour ce que l'on est, et non pour l'idéal que l'on aurait dû être : " Ne formez pas d’attelage mal assorti avec des non-croyants : quel point commun peut-il y avoir entre la condition du juste et l’impiété ? quelle communion de la lumière avec les ténèbres ? quel accord du Christ avec Satan ? ou quel partage pour un croyant avec un non-croyant ? quelle entente y a-t-il entre le sanctuaire de Dieu et les idoles ? Nous, en effet, nous sommes le sanctuaire du Dieu vivant, comme Dieu l’a dit lui-même : J’habiterai et je marcherai parmi eux, je serai leur Dieu et ils seront mon peuple. Sortez donc du milieu de ces gens-là et séparez-vous, – dit le Seigneur" (2 Co 6, 14-17a)
"Evêque, je meurs par vous !" dit Sainte Jeanne d'Arc à l'évêque Cauchon, dont nous avons fêté il y a quelques jours le 569e anniversaire de son martyre. Que les évêques fassent en sorte de ne pas avoir à être apostrophés de la sorte ! Qu'ils se montrent davantage dignes que leur ancien collègue !
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