L’Église prisonnière de l’Etat du Vatican
L’ÉTAT DU VATICAN PRISONNIER DE L’EMPIRE
MON ROYAUME N'EST PAS DE CE MONDE
Cette question est d’autant plus pertinente que le nouveau pape François se retrousse les manches pour réformer en profondeur la Curie romaine, véritable intendance de cet État.
Rien dans les évangiles et les premières communautés chrétiennes ne laissait présager que l’Église deviendrait un jour un État avec tous les ingrédients des pouvoirs temporels de conquêtes, de domination, de richesses. Cette grande aventure trouve ses origines dans cette alliance entre Constantin, empereur de Rome et les responsables de l’Église d’alors.
Les États pontificaux qui se développèrent tout au long de l’histoire témoignent de la présence d’une Église puissante et conquérante. Ce ne sera, toutefois, qu’en 1929, avec les accords de Latran, que l’État du Vatican se taillera une place au sein des nations du monde, avec toutes les prérogatives d’un État.
Il n’est pas nécessaire d’être particulièrement perspicace pour reconnaître que dans le jeu du pouvoir et de l’argent s’infiltre un esprit qui permet de s’accommoder en toute bonne conscience d’un mélange de bien et de mal, de noir et de blanc, etc. L’Église en est ainsi venue à servir Dieu et Mammon avec la même dévotion. Elle n’est évidemment pas la seule à être assujettie à cet esprit subtil de la bonne conscience qui s’habitue à naviguer dans les eaux troubles comme si de rien n’était. Mathieu, dans son Évangile (6,24) met dans la bouche de Jésus ces paroles : « Vous ne pouvez servir Dieu et Mammon »
La question se pose donc de savoir si l’Église a besoin d’être un État pour mener à bien sa mission, consistant à annoncer aux pauvres et aux gens de bonne volonté la bonne nouvelle de l’avènement du Règne de Dieu sur terre. En quoi l’État du Vatican, enveloppé de tous les pouvoirs d’un État, à l’image de tous ceux de ce monde, peut-il être conciliable avec celui inauguré en la personne de Jésus de Nazareth ? Comment l’Église peut-elle se prévaloir de la catholicité tout en étant de mèche avec les puissances de ce monde ?
Bien des croyants et non-croyants se posent ces questions. L’État du Vatican n’est-il pas un contresigne de tout ce qu’est l’Évangile et de ce qu’est Jésus dont elle se réclame ?
FAUT-IL RÉFORMER OU METTRE LA CLEF DANS LA PORTE ?
Si on se fiait à l’Évêque Pedro Casaldaliga du Brésil, la réforme devrait conduire à ce que le pape n’ait aucune fonction d’État et qu’il s’en tienne qu’à sa fonction de pasteur universel et d’évêque de Rome. L’État du Vatican et tout ce qui s’y rattache s’opposent au projet du Royaume annoncé et inauguré en Jésus. Voici ce qu’il écrivait dans son bulletin paroissial :
« L'autorité sera un service. Le Vatican cessera d'être un État et le Pape ne sera plus un Chef d'État. La Curie devra être profondément réformée et les Églises locales cultiveront l'enculturation de l'Évangile et le partage des ministères. L'Église s'engagera, sans crainte et sans détournement, dans les grandes causes de la justice et de la paix, des droits de l'homme et de l'égalité reconnue de tous les peuples. Elle sera prophétique dans ses annonces, ses dénonciations et sa façon de consoler. Comme le disait Pie XI, la politique vécue par tous les chrétiens et toutes les chrétiennes sera “l'expression la plus élevée de l'amour fraternel”.
Un défi énorme qui attend le pape François. A-t-il en arrière-plan cette vision des choses ? Ce n’est certes pas à travers le choix de ses collaborateurs que nous le saurons. Les choix de ce dernier nous laissent perplexes par rapport à l’ampleur de la mission qui les attend. Les divers continents y sont représentés, mais les divers courants de pensée y sont absents. Dans pareil cas, comment pourront surgir les véritables alternatives ?
Voici la liste des conseillers du pape pour cette réforme :
Comme coordonnateur, le cardinal hondurien Óscar Andrés Rodríguez Maradiaga, le cardinal Giuseppe Bertello (Italie), président du gouvernorat de l'État de la cité du Vatican, Francisco Javier Errázuriz Ossa, ancien archevêque de Santiago (Chili), Oswald Gracias, archevêque de Bombay (Inde), Reinhard Marx, archevêque de Munich et Freising (Allemagne), Laurent Monsengwo Pasinya, archevêque de Kinshasa (République démocratique du Congo), Sean Patrick O'Malley, archevêque de Boston (États-Unis), et George Pell, archevêque de Sydney (Australie).
Au premier coup d’œil, il n’y a personne dans ce groupe qui laisse présager la fermeture des portes de l’État du Vatican. Bien au contraire. À écouter celui qui en est coordonnateur, l’État du Vatican pourrait devenir un super État.
Parlant de son groupe, baptisée le G 8, il suggère qu’il devienne en quelque sorte ce qu’est pour les Nations Unies le Conseil de sécurité et que les évêques du monde en soient pour leur part l’Assemblée générale. Toujours dans la foulée de leurs échanges comme groupe-conseil, il annonçait que les divers dicastères seraient regroupés dans un ministère de justice, créé à cette fin.
Il parle ouvertement de toutes ces questions comme s’il avait l’autorité pour décider et déclarer des choses. Il ne manque évidemment pas d’ambition.
Très diplomatiquement, il a été rappelé à l’ordre à travers un communiqué de presse du responsable des communications du St-Siège.
“Il n'est pas prévu de rencontres avec des personnes extérieures au groupe”, a précisé le père Federico Lombardi, porte-parole du Vatican, ajoutant que les huit cardinaux devront avant tout faire preuve de “discrétion”.
Ce cardinal du Honduras a sa petite histoire, dont celle de sa participation, au coup d’État militaire au Honduras, le 29 juin 2009. Il a participé à des rencontres préparatoires avec les putschistes et a couvert de son silence la falsification de la signature du président Manuel Zelaya au bas d’une lettre dans laquelle on lui faisait dire qu’il démissionnait. Voici l’éloge qu’il rendait au dictateur Micheletti :
C' est un jour spécial pour rendre grâce à Dieu, par la Vierge Marie, pour notre Honduras, pour la liberté, la souveraineté et l’indépendance que Don Roberto Micheletti a su défendre avec les forces armées et aux côtés des milliers de Honduriens qui veulent faire partie des solutions, non des problèmes”, clama t-il lors d’une messe célébrée le 3 février 2010, en présence du nouveau chef d’État Porfirio Lobo. |1|
Voilà un bref portrait de celui que nombre de nos médias meanstream présentent comme le cardinal des pauvres, de la théologie de libération. Il n’a pas changé et il continuera avec la même pensée et les mêmes alliances à vouloir imposer sa marque. Il n’est certainement pas celui qui va mettre la clef dans la porte du Vatican.
À moins d’une autre Pentecôte, transformant tous ces personnages en de véritables témoins d’Évangile, les perspectives d’un changement radical n’est toujours pas visible à l’horizon.
Des miracles de cette nature ne se produisent pas tous les jours.
Un signe que ce miracle ne s’est pas encore produit, c’est que, selon une dépêche toute récente du candidat défait à la présidentielle au Venezuela, Enrique Capriles, aurait reçu une missive du Vatican à l’effet que le pape avait accepté de le recevoir. Il ne sait pas encore la date, mais il devrait le savoir dans les jours qui viennent. Ce candidat défait par Chavez en octobre 2012, puis par Maduro en avril 2013, a été l’instigateur des émeutes qui ont fait plus de 16 morts suite à l’annonce des résultats d’élection de 2013. Il a été un acteur important dans le coup d’État militaire de 2002. Il est un mandarin de Washington pour mener une guerre sale contre le gouvernement. Le recevoir serait donner crédibilité à ce personnage plus près d'une mafia que d'un chef politique responsable.
Si cette information s’avérait fondée, ce serait alors la confirmation que l’OPUS DEI a bien en main les destinées du Vatican et qu’elle a une bonne prise sur le pape François. Avec de pareils collaborateurs, Washington n’a qu’à se faire discret et, à l’occasion, avoir de bons mots pour le pape François.
CONCLUSION
En 2012, les réseaux internationaux “NOUS SOMMES ÉGLISE” se sont réunis à Rome pour célébrer les 50 ans du Concile Vatican II et pour y transmettre un communiqué de presse indiquant les voies à suivre pour retrouver l’Église portée par l’Esprit et les Évangiles. Ce communiqué comprend 14 points. Je n’en mentionnerai que deux :
11. L’Église institutionnelle a mis en place une structure non démocratique, reflet de l’Empire Romain plutôt que du Royaume de Dieu. Il est triste de constater que le monde dans son ensemble a vu plus clairement la nécessité de la démocratie et de l’égalité que l’Église issue du message de Jésus. Dans le monde laïc, les décisions non démocratiques n’ont pas de crédibilité, et sont en réalité beaucoup plus instables. La démocratie n’est pas contre la nature de l’Église, puisque l’Esprit est donné à chacun et que la démocratie signifie moins la dictature d’une majorité que le dialogue respectueux.
13. C’est très différent de l’absolutisme monarchique. Dans une Église vraiment collégiale, la conscience n’est pas moins sacrée que le Magistère. La monarchie est autant en contradiction avec la tradition évangélique de l’Église qu’avec les nécessités pastorales contemporaines. Il fut un temps où Jean XXIII nous rappelait que nous n’avions rien à craindre du monde sécularisé et que nous n’avions aucun droit de devenir des prophètes de malheur. La monarchie n’a aucun droit intrinsèque de principe dans l’Église, alors que la collégialité y a une autorité biblique, conciliaire et pastorale. IMWAC et le Réseau Européen soutiennent qu’il faut que l’Église soit pluraliste et inclusive, aussi bien dans ses structures et ses politiques internes que dans sa relation au monde.
Plus je lis et plus je consulte ici et là sur ces sujets, plus je doute de la capacité de cette commission d’entendre et de rapporter au pape François les attentes du peuple chrétien. Ils ont tous l’habitude de remodeler ce qu’ils entendent de manière à ce que tout s’ajuste à leur propre vision des choses. Il est urgent que des représentants laïcs, comme ceux des réseaux internationaux incorporent une telle commission. Autrement, nous nous retrouverons avec du pareil au même.
Dans pareille circonstance, seul un tsunami, venant je ne sais d’où, pourra faire table rase d’une institution profondément enracinée dans son patrimoine de pouvoir temporel.
Je termine par cette pensée du pape François, prononcée lors de sa messe du 16 octobre 2013. Il est comme une voix qui crie dans le désert…
“UNE ÉGLISE QUI S’ENFERME DANS LE PASSÉ TRAHIT SA PROPRE IDENTITÉ”
Oscar Fortin
Québec, le 16 octobre 2013
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