L’Etat islamique est mort… Enfin !
Consternantes certaines sorties d’intellectuels et journalistes français concernant les mouvements qui secouent aujourd’hui les régimes arabes. Préjugés et clichés à la pelle, distribués en guise d’analyses politiques, considérant consciemment ou inconsciemment cette partie du monde comme partie isolée du monde. Comme si les arabes et les berbères et autres composantes ethniques… n’avaient jamais entendu parler ni de la démocratie, ni des droits de l’homme, ni de la liberté. Comme si les vents de la mondialisation n’avaient jamais soufflé sur l’autre rive de la méditerranée, toute proche. Comme si ces humains n’avaient pas d’autres dimensions culturelles hormis l’islam. Certains habitués des plateaux de télévision parisiens croient encore naïvement que l’arabe peut se satisfaire d’un morceau de pain non complet et d’une djellaba usée. Et avec un ton colonialiste, ils ne cessent de marteler : « La démocratie ne vient pas facilement comme ça, la démocratie est un long processus, le monde arabe est-il prêt ? … »
Captent-ils vraiment l’air du temps ?
La peur du vide a envahi les esprits après la chute des deux despotes de Tunis et du Caire, vus hypocritement comme remparts contre ‘l’islamisme’. La majorité des commentateurs ont exprimé leur crainte face à une alternative fondamentaliste, les ‘frères musulmans’ en Egypte, les islamistes du Mouvement Al Nahda en Tunisie.
Quelle farce ? Comment tomber aussi facilement dans le piège tendu par des régimes arabes antidémocratiques, se présentant comme alliés de L’Occident, luttant contre l’instauration d’un pouvoir religieux dans leur pays, au moment où eux-mêmes alimentent l’intégrisme islamique et instaurent en catimini l’Etat islamique ?
Et même si ce mensonge était crédible, la crainte des islamistes resterait-elle le seul programme politique valable dans le monde arabe ? Devrons-nous nous contenter d’un pouvoir despotique, incompétent, corrompu pour apaiser les peurs de Finkielkraut ou Glucksmann ou autre Alain Gérard Slama ? Les arabes devraient-ils accepter une dictature effective par peur d’une charia islamique en puissance, virtuelle ?
C’est le régime de Moubarek lui-même qui a poussé les égyptiens vers le fanatisme, après avoir tout verrouillé, culturellement, économiquement et politiquement. Par incompétence et ruse, il n’a pu offrir aux citoyens que des moquées pour psalmodier et des imams ignorants pour quémander avec eux la miséricorde d’Allah, et se fabriquer des solutions magiques aux problèmes créés par ce même régime. C’est ce même pouvoir qui ne cesse de provoquer des tensions entre les coptes et les musulmans, pour jouer le pompier ensuite. Quant à notre ami Benali, il a tout essayé pour faciliter la prolifération du chiisme en Tunisie sunnite, non par amour de la liberté religieuse, mais pour troubler la cohérence religieuse des tunisiens et particulièrement pour frapper Al Nahda par le biais de l’idéologie des mollahs iraniens.
Contrairement à une illusion fabriquée par les régimes arabes en place, c’est l’Etat qui islamise la société et non pas la société qui essaye d’islamiser l’Etat. Les gouvernants ont emprisonné des millions de gens dans une aliénation religieuse. Les écoles, les universités le mass-média… ont fabriqué de toute pièce un Etat islamique idéal.
Mais les tunisiens et les égyptiens n’ont pas mis à terre que le pouvoir, ils ont assassiné L’Etat islamique illusoire susceptible d’être son alternative. Cette illusion qui lui génère des islamistes, un réservoir de militants à matraquer, qui lui assurent une légitimité vis-à-vis des occidentaux. L’islamisme est un épouvantail, élevé pour empêcher l’avènement d’un Etat séculier et démocratique. La société arabe est depuis janvier 2011 dans une période inédite : les temps post islamiques sont arrivés. L’idée de ‘l’Etat islamique’ a volé en éclat, sous les coups de masses sorties combattre pour l’égalité, la liberté de conscience, les élections, l’égalité entre les sexes, la citoyenneté, la liberté philosophique et religieuse… En un mot tout ce qui est ni Etat islamique, ni Islam.
Tous les manifestants revendiquent un Etat de droit, ni militaire, ni religieux. Un Etat qui gère la vie et non pas l’au-delà, un Etat de citoyen, pas de croyants. Cela représente un progrès qualitatif, un acquis historique, intouchable. Aucun mouvement islamiste n’oserait le remettre en cause quelle que soit sa force quantitative. Et même si les islamistes pourraient accéder un jour démocratiquement au pouvoir, ils ne pourront jamais changer la nature de l’Etat. Dorénavant, il y a un avant et un après janvier 2011. La rue arabe a constitué un cordon sanitaire autour des valeurs universelles de liberté. Celui qui a gouté le jasmin de la liberté, respiré l’air pur de la place Tahrir, accepterait-il de vivre un jour dans la cage des Mollahs ou le trou de Hamas, ou dans les ténèbres saoudiens ?
L’Etat islamique est derrière nous, nous avons changé de logiciel, les esprits sont en voie de désislamisation, l’individu est né, l’islam est mort.
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