L’illusoire réforme des institutions représentatives de l’Islam
Vouloir imposer la marque de la République sur l’Islam en France est un thème porteur. Le président Macron reprend un cheminement classique qui vise à faire de l’Etat le tuteur d’une communauté musulmane encore imparfaitement adaptée aux lois de notre pays.
Vouloir imposer la marque de la République sur l’Islam en France est un thème porteur. Le président Macron reprend un cheminement classique qui vise à faire de l’Etat le tuteur d’une communauté musulmane encore imparfaitement adaptée aux lois de notre pays.
Le président pourrait estimer que normes, interdictions, prescriptions, institutionnalisation et donc, au fond, clientélisme viendront mettre un peu d’ordre dans les revendications de nature cultuelle, mais en fait identitaires, et finalement communautaires de l’aile la plus dure et la plus militante de la confession. A n’y prendre garde, et influencé par l’ambiance martiale des préconisations des partis « républicains » de gauche et de droite, le gouvernement pourrait s’engager inconsidérément dans une série d’interdictions – sur le port du voile dans les universités, celui du burkini sur les plages, etc. Une attitude résolue, sans faiblesse à défaut d’être sans faille… juridique.
L’inquiétude de nos concitoyens face aux revendications soi-disant religieuses dans l’espace public est compréhensible. Comment continuer à faire « société ouverte » si chacun veut imposer sur terre son morceau de paradis rituel, à coup de repas hallal, d’opacité des corps, d’anathèmes pour venger les icones de son panthéon ? Le concitoyen effrayé, et inquiet d’une possible judiciarisation de ses propos, préférerait se replier sur un espace neutre mais se réduisant inéluctablement, ou pire : revendiquer lui-aussi une identité nourrie de souvenirs et de symboles religieux. Panthéon contre panthéon…bel avenir pour l’unité nationale !
L’inquiétude est provoquée par ces symboles brandis évoquant autant une religion traditionnelle qu’une idéologie radicale. Voilà bien la ruse des religions : en déclin comme assemblage de rites et de principes spirituels, elles renaissent sur le terrain de l’identité culturelle et de l’émotion communautaire. Dans une société qui doute, l’éthique des islamistes offre un remède sommaire mais redoutable aux névroses ; dans une société inégalitaire, la mobilisation de la culture et de l’émotion communautaire touche ceux qui cherchent revanche et dignité.
Ainsi, il s’avère vain de vouloir composer avec des mandarins peu représentatifs désignés par notre gouvernement ou celui des Etats de la diaspora. Il n’y a pas d’Islam de France, et aucun leader capable de parler au nom des deux millions de musulmans qui se déclarent comme tels.
Les islams s’éparpillent, se fractionnent, et chacune de ses entités locales devient l’interlocuteur. Du préfet ou du maire ? le second est vite soupçonné de clientélisme. Le préfet est-il meilleur gardien des lignes rouges ?
Des entrepreneurs politiques conduisent un puissant mouvement, difficile à évaluer en effectifs et en intentions, mais dont les objectifs et les méthodes ne nous conviennent pas - faute de mieux, appelons-le islamisme - transformant l’islam des pays d’origine en instrumentalisant le besoin identitaire et la recherche de repères à une fraction de la diaspora de culture musulmane et de ses descendants. Mais d’autres leaders populistes ne sont pas en reste ; au moment où la revendication de musulmans lézarde la culture française sécularisée, ouverte au risque du relativisme culturel, obsédée par les libertés et un semblant d’égalité, les autres communautés confessionnelles se réveillent ou s’avancent plus hardiment : crispation des catholiques conservateurs, durcissement du repli identitaire juif, offensive commerciale des mouvements évangéliques, etc. chacun y va de son « oh, mais … ! » puisque la main de l’Etat tremble et qu’une partie du monde intellectuel reste enlisé dans la repentance.
Il existe des islams posant problème, et construire une institution expurgée de leurs représentants ne sera inutile. En revanche, il faut pérenniser l’instance de dialogue créée après les attentats de 2015, éventuellement doublée d’assises territoriales régulières : de telles instances exprimeraient la diversité des sujets, les interrogations, les revendications, sans toutefois disposer d’un quelconque pouvoir prescriptif. Laissons les communautés s’organiser librement, l’islam n’est pas l’Eglise catholique, et sanctionnons l’infraction aux lois de la République : discrimination contre les femmes, non-respect des obligations scolaires, incitation à la haine raciale, propos antisémites, etc. Le code pénal est bien pourvu. Pour le reste, sanctuarisons l’espace public en rappelant que nous ne saurions accepter des revendications identitaires remettant en cause le lent et long apprentissage du vivre ensemble la française, trésor difficile à définir mais inestimable et fragile. Est-ce tout ? non, c’est insuffisant, car dans un certain nombre de quartiers urbains, ce trésor s’est évaporé. Les islamistes, s’appuyant sur la pression des pairs, visent à normer les comportements au nom d’un bricolage idéologique construit sur une lecture tordue du Coran. Pour les combattre, la théologie ne sera que d’un apport secondaire : le fond du problème est d’abord la lutte contre la ségrégation urbaine.
Yannick Prost
Auteur de la « Démocratie contre le Royaume d’Attila – le monde libéral à l’épreuve des violences radicales », Esprit du Temps.
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