La laïcité des musulmans

Par Mohamed El Khamlichi.
La laïcité est un concept qui a fait couler beaucoup d’encre en Occident et dans le monde musulman. Les oulémas et les intellectuels musulmans ont le plus souvent nourri une hostilité farouche à l’égard de la laïcité dans l’imaginaire des sociétés musulmanes. La laïcité est perçue comme une nouvelle forme d’athéisme, puisqu’elle tolère la séparation de l’Etat et de la religion, comme disent les Occidentaux, ou bien la mise à l’écart de la religion par rapport à l’Etat et à la vie, comme pensent beaucoup de musulmans.
La laïcité constitue en fait un concept complexe qui nécessite une réflexion approfondie, une réflexion qui relativiserait les approches des uns et des autres. Néanmoins, si l’on retient la vision la plus simple et la plus répandue de la laïcité, on découvrira qu’il n’y a pas plus laïques que les musulmans !
Si de l’avis des musulmans la vision occidentale éloigne la religion de la vie, le tort des musulmans est qu’ils éloignent la vie de la religion. Du coup, malgré les apparences et des positions qui semblent opposées, le résultat est le même, qui est de couper le lien entre le spirituel et le temporel. En attendant le sort de chacun dans l’au-delà, ce qui est certain, c’est que dans ce monde la rupture a produit des résultats différents. La laïcité de l’Occident a amorcé son progrès ; la laïcité des musulmans a contribué à leur décadence.
LAICITE DE L’OCCIDENT
L’Histoire nous apprend que l’Europe a connu au Moyen-âge une époque sombre et ténébreuse. Elle nous apprend aussi, qu’aux mains de l’Eglise, la religion fut un instrument redoutable pour consacrer l’injustice, l’ignorance, la souffrance, la cruauté et tous les max qui bafouent la dignité humaine.
Le discours religieux qui concilie sans vergogne les promesses alléchantes d’une vie éternelle au paradis et les affres d’une vie indigne sur Terre ne pouvait perdurer. L’Europe prit une décision historique radicale : faire le choix de la vie et récuser définitivement la religion.
Nonobstant les réserves qu’on peut émettre à propos de cette décision, il y a lieu de reconnaître que l’Europe a excellé dans son pari de glorifier la vie. Après un long combat, les acquis en termes de droits humains, de niveau de vie, de progrès scientifique et technique, de développement économique et social…sont considérables. C’est ainsi que la laïcité a pu s’enraciner dans la culture occidentale au point de se confondre avec son identité.
Au passage, Il est important de saluer la sagesse de préserver l’intégrité de l’espace religieux et les libertés de croyance et de conscience des individus. Le communisme qui, par sa brutalité, a tenté de déraciner la religion et étouffer les libertés n’a pas fait long feu.
LAICITE EN TERRE D’ISLAM
Si l’Occident a fait le choix de déchoir la religion et célébrer la vie, en terre d’islam on a fait le choix opposé ; celui de vénérer la foi et mépriser la vie.
Les musulmans aiment se vanter que, depuis toujours, l’islam est « Dinoun wa dounya », c’est-à-dire qu’il englobe la religion et la vie. Certes, dans la tradition de l’islam, Dieu a créé l’Homme auquel Il a confié la mission de peupler la Terre et développer la vie. Pour ce, Dieu a mis à la disposition de l’Homme une infinité de ressources et lui a donné la liberté, la raison, le savoir… L’Homme est donc incité à être ambitieux dans la vie, entreprenant et combatif, encadré dans son élan par des principes et des valeurs. Cependant, le poids de la culture est souvent plus fort que le message de la religion.
La vision ancrée depuis des siècles dans les gènes de la culture du monde musulman retient qu’un « bon musulman » est quelqu’un qui manifeste autant de loyauté à la religion que de mépris de la vie. Ainsi, la religion est assimilée à une sorte de « service minimum » où le musulman s’applique à observer les rituels (prière, jeûne, lecture du Coran…), adopte une bonne conduite, et c’est tout.
Le paradoxe est que ce « service minimum » est pourtant loin d’être convenablement accompli, comme en témoigne la dégradation des valeurs dans le monde musulman. Dans l’esprit d’une majorité de musulmans ce « service minimum » est un idéal, une perfection humaine. Quant à faire preuve de volonté dans la vie, de sens de l’initiative et d’innovation, cela est perçu comme une attitude épicurienne révélatrice d’une perversion de la foi.
Le monde musulman vit, sans états d’âme, à la merci des autres nations. Il importe la nourriture, les vêtements, les médicaments, les voitures et toutes sortes de produits. Réduit au statut de spectateur de la vie et simple consommateur, le musulman se pavane, fier de sa foi, et délaisse le progrès et la technologie aux « mécréants » ; ces créatures hantées par les frivolités de la vie éphémère, se dit-il !
Un exemple révélateur est celui des pays musulmans, où chaque jour meurent dans l’indifférence des enfants, des femmes et des hommes, parce qu’ils n’ont pas les moyens de se soigner, parce qu’il n’y a pas de système de santé digne de ce nom. Bien que la préservation de la vie humaine soit unanimement reconnue comme un des objectifs majeurs de l’islam, cette situation tragique n’émeut pas la foule des croyants. La perte gratuite d’une vie humaine est vite consommée par la fatalité du « mektoub » (destin) !
Autre exemple : un « bon musulman » est quelqu’un qui pratique la prière, observe le jeune…Sauf que celui-ci considère souvent le travail comme une corvée, juste un gagne-pain, une nécessité de cette « maudite » vie. Pas de place dans son esprit au sens des responsabilités, à la conscience professionnelle et au devoir de servir la société. Pourtant, agir pour le bien-être de l’autre est bien une obligation religieuse. Cette attitude très répandue est pour beaucoup dans l’état de sous-développement qui sévit dans le monde musulman.
Le dernier exemple est celui des mouvements islamistes. Ces mouvements se considèrent les plus avisés parmi les musulmans, les plus soucieux du sort de la nation et les plus aptes à restaurer la grandeur de l’islam. L’expérience de leur arrivée au pouvoir dans plusieurs pays musulmans montre qu’ils n’ont ni vision, ni programme, ni compétence, pour résoudre les problèmes politiques, économiques et sociaux. Ils pensent que revigorer la foi est leur grande cause, tandis que le chômage, l’éducation, la santé, les infrastructures et tous les autres chantiers, ô combien utiles à la vie des gens, sont des questions secondaires.
Ainsi, les musulmans ne voient pas de lien qui mêlerait leur foi aux ambitions légitimes de l’être humain dans la vie. Par leur approche des choses, les musulmans maintiennent une séparation infondée et fatale entre la religion et la vie. Ils sont donc partisans de fait, à leur manière, de la laïcité qu’ils dénoncent.
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