La lapidation, une institution défectueuse
Je voudrais servir un café pour ceux qui veulent parler de droit musulman ; un café bien chaud. La lapidation, qui n'est pas une sanction coranique.
La lapidation, plus une institution biblique que du Coran, est l'une des questions récurrentes qui font de nos jours la critique du droit musulman alors même qu'elle est abrogée. La sunna invoquée par le fiqh pour la justifier soulève de sérieuses interrogations. Un dire, quoique rapporté dans les recueils, et quelle qu'en soit l'authenticité, reste-t-il toujours contestable et à plus forte raison quand il contredit le Coran. Le mot lapidation lui-même n'existant dans aucune de ses dispositions quoiqu'on y trouve des dérivés, le passionnant débat qui y a été consacré dans les ouvrages du fiqh pourrait bien être un leurre, une confusion, malheureusement pas les seules dans la littérature juridique.
Introduction
"Alors les scribes et les pharisiens amenèrent une femme surprise en adultère. Moïse dans la loi nous a ordonné de lapider de telles femmes. Toi donc, que dis tu ? Ils disaient cela pour l'éprouver. Mais Jésus s'étant baissé, écrivait avec le doigt sur la terre. Comme ils continuaient à l'interroger, il se releva et leur dit : "que celui de vous qui est sans péché lui jette la première pierre". Ainsi parle l'Evangile de Jean[1] rappelant le Lévitique et le Deutéronome. Cette histoire est d'actualité, surtout pour ce qui concerne cette institution, la lapidation, qui passe pour l'horreur de la Charia à laquelle appellent les islamistes. La condamnation d'une femme adultère par lapidation au Nigeria avait rendu le gouverneur de l'état de Zanfara un des hommes les plus médiatisés, croirait-on pour son horreur. L'homme n'avait pourtant pas jugé. Lui reprocherait-on la faute des juges ou le fait qu'il ait adopté une loi sous laquelle ils agissaient ? Cette affaire avait été une occasion à ceux qui attendaient toute occasion pour juger un système qu'ils ignoraient. Les islamistes pouvaient-ils cependant justifier la renaissance de la lapidation ? C'est la question du fondement de cette institution. La lapidation est bien une institution biblique mise en oeuvre par la Sunna mais abrogée par le Coran dans lequel le terme lui-même n'existe pas (I). Pour autant, le fiqh, qui tient lieu de droit positif musulman, lui consacre toute une littérature qui reste malgré tout controversée (II).
I. fondement
La lapidation présente une fâcheuse confusion entre la Bible et le Coran. Les exégèses et le fiqh n'en sont malheureusement pas à leur première. Se souviendra-t-on qu'on a reproché à Mo'âwiyya d'avoir méconnu un hadith alors qu'il ne faisait que l'interpréter ? Ou qu'on reprochait à Ibn Abbas de reconnaître la vente usuraire (fadl ربا القضل) alors que lui parlait du change (صرف sarf)[2] ? Relèvera-t-on que sur la base d'un postulat erroné, la charia se trouve être le contraire du droit, son terrible adversaire ? C'est en confondant le décès au divorce que l'on arrive à négliger la retraite de veuvage au profit de la délivrance de la veuve enceinte[3]. Le rattachement de la lapidation à la sunna (B) mettant en application la Bible (A), n'a malheureusement pas tenu compte de son abrogation par le Coran(C).
A. la Bible
Le Messager d'Allah venu à Médine, était devenu chef d'une communauté qui regroupait les fidèles musulmans arabes, les juifs et les arabes chrétiens des alentours de Yathrib. A ce titre, il se présentait comme un arbitre entre les différents membres de la communauté ainsi formée. Les juifs de Yathrib, tout naturellement, se rapprochaient du Messager venu confirmer leur écriture mais également en ce que, ismaélite, il descendait d'Abraham leur ancêtre commun. Quant aux chrétiens, les louanges que faisaient le Coran à Marie et son fils ne pouvaient que les attendrir. Le Coran rapporte en effet, mieux encore que les évangiles, l'histoire de Marie, la chaste, et la miraculeuse enfance de Jésus[4]. Ces Chrétiens, jugeant plus par la foi que par la loi, diraient comme l'apôtre Paul, "c'est à Dieu de juger". Les juifs cependant se fondaient sur la loi d'où leur ardeur à vouloir l'appliquer comme il a été rapporté dans l'évangile de Jean mais pas sans faute justement. C'est en condamnant leur intransigeance que le Christ leur a donné la leçon que celui d'entre eux qui n'a point pêché lance la première pierre contre l'accusée qu'il n'avait pas jugée. Il lui a pardonnée certes, mais ne lui a jamais reconnu le droit de pêcher. Ce qui autrement veut dire que la loi c'est la lapidation : "alors s'étant relevé, et ne voyant plus que la femme, Jésus lui dit : femme, où sont ceux qui t'accusaient ? Personne ne t'a-t-il condamné ? Elle répondit, non seigneur. Et Jésus lui dit, je ne te condamne pas non plus ; va, et ne pêche plus[5]". Là peut être situé le fondement de la lapidation : une institution de la Torah que le christ n'avait pas abrogée.
La Torah, puisque c'est son application que réclamaient les scribes et les pharisiens, ne lapidait pas des accusés mais des coupables. Ce que n'était pas la femme accusée, du moins pas plus que ceux qui la persécutaient. "Vas et ne pêche plus" est une leçon par laquelle le Christ voulait dire : je ne t'ai pas condamnée non pas parce que tu n'es pas condamnable mais parce que ceux qui voulaient te faire condamner ne l'étaient pas moins. Ce qui ne te dispense pas du respect de la loi, laquelle punit de mort[6] celui qui commerce avec une femme en violation de la loi[7]. Or, la loi condamne ensemble l'homme et la femme alors que les scribes et les pharisiens, pardonnant l'homme, s'étaient acharnés sur la femme sans défense. Coupable ou pas, elle n'était pas seule à avoir commis l'adultère. L'absence de son complice la dispensait légalement de par les dispositions de la Torah qui sanctionne les deux, le Juge n'étant pas de surcroît tenu d'aller à la recherche du délinquant ni le réclamer. Ceux qui avaient conduit la femme devant Christ, l'avaient-ils élus juge ? Ne lapidaient-ils pas indépendamment de lui ? Ignoraient-ils la teneur de la loi pour venir vers lui ? C'est ce qu'auraient fait les juifs en venant vers le prophète mais pour un cas quelque peu différent.
B. La Sunna
Les recueils de la Sunna rapportent que des juifs étaient venus vers le prophète conduisant un homme et une femme accusés d'adultère, sollicitant son jugement ou encore sollicitant son avis. Ne trouvez-vous rien dans la Torah qui sanctionne l'adultère, leur aurait-il dit dans une version ? Si lui répondirent-ils. Nous les humilions en les couvrant de plumes et les portant à dos d'âne se tenant dos à dos, faisant apparemment allusion au lévitique : "si un homme prends sa sœur, fille de son père ou fille de sa mère, s'il voit sa nudité et qu'elle voit la sienne, c'est une infamie ; ils seront retranchés sous les yeux des enfants de leur peuple : il a découvert la nudité de sa sœur, il portera la peine de son pêché[8]". Le Messager aurait alors, sur indication d'un juif converti, demandé qu'on lise les autres dispositions relatives à la lapidation après quoi il aurait ordonné la lapidation des deux prévenus. On rapporte aussi qu'il s'était levé pour aller à leur école et se tenant sur le pieux leur demanda par Allah s'ils ne trouvaient pas dans la Torah la sanction qu'il faut. Un jeune affligé par la réponse mensongère des aînés lui avoua que la Torah leur prescrit la lapidation. Il en aurait alors ordonné l'application. C'est là une histoire qui soulève bien d'interrogations :
- le prophète n'était pas le juge des juifs lesquels venaient le voir, comme le rapporte certaines versions, pour avoir de lui une sanction plus clémente[9]. Si celle-ci pouvait se trouver dans la Torah, on voit alors difficilement les raisons qui les amèneraient à le solliciter.
- le Prophète aurait-il lapidé les juifs, ne violait-il pas alors le pacte en s'érigeant juge en leur lieu et place. ce n'est pas dans ses habitudes, répondrais-je, grand stratège, il ne se hasarderait pas à transformer ses alliés en ennemis, en leur appliquant une sanction qu'ils cherchent à éviter, cette histoire se situant apparemment avant la violation du pacte par la tribu de Khaïbar.
- les versions sont confuses alors même que les faits paraissent très simples : ce sont les juifs qui lui conduisirent les coupables ou il était allé les lapider chez eux ou encore ils lui ont envoyé des tribus arabes le lui demander ? trois versions qui ne peuvent porter sur la même affaire. Dans tous les cas, on voit mal le Prophète condamner les coupables sans les avoir au préalable jugés, leur aveu n'étant rapporté nulle part. Ce qui serait une contradiction avec le Coran qui, comme on le verra, exige quatre témoins.
C. Le Coran
La lapidation qu'on trouve dans les exégèses (تفاسير tafasirs) n'est rapportée d'aucune disposition coranique comme une sanction de l'adultère. Le Coran n'a d'ailleurs jamais utilisé le mot lui-même (رجم) quoiqu'il en utilise les dérivés : رجمناك "nous t'aurions lapidé[10]", لأرجمنك"je te lapiderais[11]", ترجمون أن "que vous me lapidiez[12]", لنرجمنكم "nous vous lapiderions[13]", يرجموكم "ils vous lapiderons[14]", بالغيب رجماً expression signifiant une simple affirmation, arbitraire, ne reposant sur aucune source, le Coran rapportant ici l'histoire de jeunes chrétiens réfugiés dans une caverne, dont les hommes se disputaient le nombre chacun selon son imagination personnelle[15]. Le Coran utilise également le terme رجوماً dans le sens de"projectiles[16]", رجيم "reprouvé, maudit[17]" et son participe مرجومين "lapidés[18]". En revanche, la notion abonde dans les exégèses du Coran avec des divagations qu'il importe de relever.
- les exégètes font de terribles confusions entre sodomie que le Coran nomme فاحشة (abomination) et l'adultère الزناء que le Coran ne distingue pas de la fornication. L'abomination est rapporté dans le Coran dans le chapitre les femmes : "celles d'entre vos femmes qui s'adonnent à l'abomination, prouvée par quatre témoins, maintenez les à domicile jusqu'à la mort ou jusqu'à ce que Allah leur accorde une issue[19]. Quant à ceux d'entre vous parmi les hommes qui s'y adonnent, punissez-les jusqu'à ce qu'ils s'en repentent et adoptent un comportement responsable, alors laissez-les. Allah est clément et miséricordieux[20]". La sanction que réserve le Coran à cette infraction diffère selon qu'elle se rapporte aux hommes ou aux femmes. Plus clémente pour ces dernières, elle se limite à les maintenir à domicile jusqu'à leur mort au lieu de les abandonner ou jusqu'à ce que le Seigneur leur donne une issue qui peut être le mariage ou le repentir comme les hommes. Le Coran a ainsi abrogé la sanction biblique laquelle punit l'abomination de mort[21]. Sinon comment interpréter alors l'expression jusqu'à ce que Dieu leur accorde une issue si celle-ci devrait être un retour à la lapidation ?
- On rapporte d'Ibn Abbas que les versets du chapitre les femmes ont été abrogés par le second verset de la sourate la lumière[22] alors que Moslem rapporte de Obada que le Prophète aurait dit : "prenez de moi, prenez de moi. Allah leur a accordé une issue. Pour les célibataires 100 flagellations, et un bannissement d'un an, les adultes la lapidation[23]", dire apparemment contraire au Coran qui se limite à la flagellation[24]. Dans tous les cas, il ne peut être une exception aux versets 15 et 16 de la sourate les femmes si ceux-ci pouvait signifier l'adultère et qui seraient alors abrogés par le verset 2 de la sourate la lumière. Ces hadiths peuvent-il être une application des dispositions sur l'abomination alors qu'ils visent la fornication et l'adultère ? Confondrait-on les ovins aux caprins ? Peut-on prétendre détenir de Aicha, l'épouse du Prophète, que la sourate les coalisés était révélée aussi longue que la vache ? On s'étonnerait qu'elle n'ait pu communiquer aux compagnons ce qu'elle affirme être révélée, alors qu'on retient d'elle tant de hadith.
- on rapporte encore plus maladroitement d'Oumar la révélation de la lapidation dans le chapitre les coalisés : "les adultes s'ils ont forniqué, lapidez les à morts[25]" reprenant parfaitement le deutéronome :"si l'on trouve un homme couché avec une femme mariée, ils mourront tous les deux ; l'homme qui a couché avec la femme et la femme aussi[26]" qui confirme le lévitique : "si un homme commet un adultère avec une femme mariée, s'il commet l'adultère avec la femme de son prochain, l'homme et la femme seront punis de la peine de mort[27]" ? a-t-il refusé de transcrire un verset pour chercher à en convaincre par la suite ? Les tenants de ces affirmations voudraient-ils dire qu'Osman avait supprimé ces dispositions lesquelles ne ressemblent même pas à la syntaxe du Coran ? Oublierait-on que la sourate dont il s'agit est celle là même dans laquelle il est dit au Prophète de ne point céder aux désirs des gens et s'en tenir à ce qu’Allah lui révèle[28] ? Les compagnons allaient-ils permettre à Osman d'amputer cette sourate de plus de cents versets dont on ne retiendra curieusement que la lapidation ? Certains iront jusqu'à affirmer qu'il s'agit d'un verset abrogé[29] mais subsistant, affirmations ne méritant aucune discussion. Je noterais cependant l'interprétation retenue par le doyen Blanc qu'il s'agit plutôt d'un verset dont on a perdu l'exacte formulation.
- L'invocation de ces dires est d'autant insignifiante que la sanction de l'adultère réside dans la Torah prétendue avoir été appliquée par le Prophète ou révélée dans le Coran comme on le rapporte d'Omar[30] lequel était à l'origine de la transcription du Coran. La lapidation étant une prescription biblique mise en application par le Messager, Omar n'aurait-il pas seulement entendu l'apparenter à un principe coranique ?
Dans tous les cas, le Prophète appliquait-il la Torah, il n'y aurait alors pas de sens à confondre l'abomination et l'adultère lesquels y sont nettement distingués comme dans le Coran. Le duel signifierait plus clairement en français, "si deux hommes s'y adonnaient alors punissez les (eux deux) واللذان يأتيانها منكم فئاذوهما". Ce qui s'envisage difficilement autre chose que la sodomie mis à part que les versets distinguent les hommes des femmes, tant pour ce qui concerne le fait condamnable que pour sa sanction. La confusion signifierait-elle l'abrogation de la lapidation en tant que le Prophète l'avait pratiquée en application de la Torah, ou bien soutiendrait-on que la sunna dont il agit en était indépendante ? Dans les deux hypothèses, on ne réussira qu'à en justifier l'abrogation. Pour autant, le fiqh lui conserve toute une législation.
II. Le droit positif
Le droit positif désormais confondu à la science juridique (fiqh) consacre à l'institution une législation faible en littérature mais ardemment défendue sur fond d'une confusion. La divergence que rapporte si bien Ibn ruschd, porte sur plusieurs points dont nous retiendrons la peine (A), le statut du prévenu (B) et la preuve (C).
A. peines
La peine varie suivant qu'il s'agisse de l'adultère ou de la simple fornication.
1. Pour la fornication, qui met en commerce deux célibataires encore que l'on s'entende sur le statut du prévenu, la doctrine unanime sur la flagellation, est divisée sur le bannissement du prévenu. Abu hanifa l'exclut purement et simplement, les chafi'ites le retiennent dans tous les cas tandis que les mâlikites en excluent les femmes et les esclaves[31]. La cause de la divergence réside sur la portée du dire rapporté par Bokhari et Moslem, selon lequel le Messager a ordonné le bannissement d'un condamné après flagellation[32]. Les mâlikites en excluent la femme par pur pragmatisme, son bannissement l'exposant à des risques. Et je crois en comprendre le fondement dans le Coran qui a prescrit leur maintient à domicile[33].
2. Pour l'adultère, qui met en commerce deux adultes, la doctrine retient à l'unanimité la lapidation en se fondant sur la sunna. Le messager aurait à cet effet ordonné la lapidation des juifs venus à sa juridiction et bien d'autres cas rapportés dans les recueils résumés par Ibn hajer.
3. Le calife Ali aurait, selon certaines sources, flagellé une femme avant de la lapider. Ce cumul de peine serait, selon Ali, qu'il l'a flagellée suivant le Coran et lapidée par la Sunna[34]. Justification qui poserait bien d'interrogations. Le Coran a-t-il prescrit la lapidation, Ali aurait-il quelque raison de ne pas l'invoquer ? Le fait de se justifier par la sunna implique que le Coran ne l'a jamais prescrite, quoiqu'elle fonde le statut du prévenu, sayyib (سيب) ou bikr (بكر).
B. statut du prévenu
Pour mettre en accord la Sunna et le Coran, que nous avons vus en étudiant le fondement de l'institution, la doctrine fera, contrairement à Ali, une distinction entre l'adulte marié (muhsan محصن) et le vierge (bikr بكر), la sanction variant entre la lapidation pour le premier et la flagellation pour le second, l'adulte s'entendant toute personne ayant connu de sa vie un mariage, veuf fut-il ou divorcé. Le mot adultère trouverait alors sa signification littérale, le mal des adultes.
La théorie chi'ite excluant les célibataires (veuf ou divorcé) me semble cependant plus appropriée étant donné que le terme muhsan qui est aussi rapporté veut dire celui qui est protégé (entendu de la fornication par le mariage). Ce qui ne peut être le cas du célibataire quoiqu’adulte, veuf ou divorcé. La théorie chi'ite distingue ainsi entre marié et non marié le dernier incluant les veufs et les divorcés.
Enfin l'école littéraliste ne semble pas faire de distinction entre les hommes libres et les esclaves en retenant la sanction coranique qui parle seulement de zina (زنا)[35], terme que traduit malheureusement adultère et fornication. On voit alors difficilement pour quelle raison, sur la base du même verset, on ferait la distinction entre le marié, le veuf, le célibataire et le divorcé. La question du statut aurait eu un intérêt cependant sur la preuve compte tenu de la nature de la femme et de la sanction de l'esclave.
C. preuve
La preuve de l'infraction, qui est l'élément le plus important de l'institution, peut être rapportée par témoins tout comme elle peut être un aveu.
1. le témoignage est un procédé complexe consistant à rapporter les faits par quatre témoins[36] attestant avoir vu le coït comme le pilon dans le mortier, sans divergences sur les gestes les auteurs et le moment[37]. A défaut les témoins seraient flagellés pour calomnie et excluent de tout témoignage selon les termes du Coran : "ceux qui calomnient les innocentes sans rapporter quatre témoignages administrez leur quatre vingt coup de fouets et ne leur acceptez plus jamais aucun témoignage ; ce sont là les pervers[38]". Ils ne seront réhabilités qu'après repentance[39], laquelle n'est admise que s'ils reviennent sur leur accusation. Quant à l'homme qui accuse sa femme, il est tenu de soutenir son accusation par quatre témoins ou s'en remettre au serment d'anathème[40]. Le mari devra renforcer son accusation par cinq serments en se maudissant, la femme ayant le droit de le contester par la même manière[41] et éviter ainsi la souffrance, la sanction qui n'est autre que la flagellation citée dans le verset précédent. Celle-ci viserait-elle la lapidation le Coran aurait alors parlé de mort. Merveilleuse histoire : un homme ayant surpris son épouse dans un commerce illégale, le Prophète lui demanda d'en rapporter la preuve par quatre témoins ou subir quatre vingt coup de fouets. Messager, protesta-t-il, je découvre un homme sur ma femme, le temps d'aller chercher les témoins, il s'évade et je serais flagellé pour n'avoir pas réussi à le faire constater ? Allah ne laissera pas passer un tel affront ; la révélation qui suivi prescrivit le serment d'anathème[42]qui annule l'accusation en excluant l'aveu.
2. l'aveu est le second procédé de preuve et le plus efficace. Les cas rapportés démontrent qu'il s'agit plus de fidèles pieux cherchant à se purifier. Une femme venue après une grossesse illégale demander au prophète de la purifier, il lui aurait demandé de repartir jusqu'à son accouchement puis jusqu'au sevrage de l'enfant après quoi il l'aurait lapidée et pria sur son corps. Un homme venu vers le prophète pour le même cas, il chercha à l'en dissuader allant jusqu'à utiliser des propos grossier pour l'en dissuader. Tu l'as peut être seulement embrassé, l'as-tu vraiment pénétrée ? A chaque fois il répondait oui. A-t-il des parents demanda-t-il ? Il demanda à ces derniers s'il se plaignait de quelque chose cherchant par tous moyens de l'en disculper. Il aurait même reproché qu'on ne lui ait pas permis la rétractation de son aveu[43]. De là, le cas de la femme, qui aurait pu bien être violée, laisse un peu perplexe. Aurait-t-elle été lapidée par le Prophète si les versets 15 et 16 de la sourate les femmes concernaient l'adultère ? Je ne saurais admettre leur abrogation par la lapidation qu'ils auraient alors suspendue ni par la flagellation qui porte sur un autre objet et qui, si elle les avait abrogés, emporterait la lapidation sans aucun doute. Et par delà tout, le juge n'est pas en droit d'aller à la recherche des infractions pour les sanctionner. Le prophète avait plutôt cherché, comme le Christ, à la leur éviter.
La divergence des différentes écoles, qui peut être parfaitement admise en ce qui concerne la procédure, démontre bien que l'institution est bien abrogée par le Coran. Le fiqh, malheureusement, a cherché beaucoup plus à concilier des textes que de les confronter. Je ne voudrais point par là prétendre nier la lapidation. Je dis plutôt qu'elle n'est justifiable que selon la littérature juridique cherchant par tous moyens à l'imposer, les différents cas rapportés étant confus d'une part et contraires au Coran de l'autre. Les faits peuvent avoir eu lieu encore que l'on tienne compte des circonstances dans lesquelles ils sont intervenus mis à part que tout dire rapporté par les recueils n'est pas incontestable et à plus forte raison quand il contredit le Coran. Une sunna contraire au Coran est naturellement fomentée موضوعة défectueuse ضعيفة ou tout simplement abrogée منسوخة. Se justifierait-on par Omar ? Ses propos ne sont pas moins contestables mis à part qu'ils peuvent être autrement interprétés.
Conclusion
En conclusion, la lapidation qui trouve son fondement dans la Bible a fait couler beaucoup d'encre et de salive alors même qu'elle n'a aucun fondement dans le Coran qui, bien au contraire, l'a abrogée par la sourate la lumière et partant la sunna qui l'aurait appliquée suivant les dispositions bibliques. Dans tous les cas, elle ne peut avoir lieu dans un état de droit que si la procédure fixée par le droit musulman lui-même est respectée, à savoir quatre témoins ayant vu le coït comme un pilon dans un mortier ou alors les témoins seront des calomniateurs punis de quatre vingt coup de verge. Les femmes ne sont aucunement obligées de venir s'accuser par un aveu. On reprocherait bien au fiqh d'avoir manqué de faire la distinction entre :
- la sodomie (لواط) commerce illégal entre un homme et un autre ou encore (سحق) s'il s'agit de lesbiennes, condamné par la peine de mort selon la Torah[44] et le bannissement ou autre sanction princière selon le Coran[45].
- l'adultère qui met en relation un homme et une femme que le hadith de Obada nommait sayyib (سيب), condamné par la lapidation selon la Torah[46], l'évangile de Jean[47] repris par le fiqh islamique, au contraire du Coran qui prescrit la flagellation[48]. Je relèverais ici l'objection bien fondée du doyen Blanc que l'Evangile, tel qu'il le conçoit, ne l'ordonnait pas. Ma conception est cependant que l'Evangile n'étant rien que la Torah elle-même, lue solidairement avec les évangiles, prend nécessairement en compte ses prescriptions. De ce point de vue là, non seulement nos conceptions concordent mais se justifient l'une par l'autre.
- la fornication, commerce illégale entre homme et femme n'ayant pas connu de mariage (بكر bikr, vierges selon les propos de Obada et la Torah ou dans une certaine mesure tous les célibataires), sanctionné par cent coups de fouets, la flagellation sur laquelle le Coran et la Sunna sont unanimes au contraire de la Torah qui ne les épargne pas de la lapidation reprise par les écoles qui excluent le célibat des circonstances atténuantes.
L'Islam qui progresse bien en occident a bien d'autres préoccupations que les passionnants développements du fiqh portant sur une institution défectueuse, voire inexistante et dont les défenseurs d'aujourd'hui ne sont pas si différents des scribes et des pharisiens que renvoyait le Christ. En prescrivant la flagellation, le Coran et la Sunna ont substantiellement réduit la sévérité de la Torah laquelle frappe encore plus sévèrement la jeune femme : efflorée avant mariage[49] ou sur simple présomption, pour n'avoir seulement pas crié dans la ville pour avoir du secours[50]. Je vois un peu difficilement les filles aujourd'hui le faire surtout quand elles cherchent un plaisir qu'elles ne trouvent pas comme dans les pays du golfe. J'en lapiderais plutôt le père.
(Je dédie cet article à Ennahda pour sa brillante élection...pour une meilleure application du droit (la charia que les autres ne comprennent pas).
Mahamat Seid Abazène Seid
[1] La Sainte Bible, traduction de Louis Segond, alliance biblique universelle, Jean, VIII, 3-7.
[2] Mahamat Seid Abazène Seid, la monnaie dans l'usure en droit islamique, Perpignan juin 1999.
[3] Alju'ali (Osman ben Hassanein Berri), siraj assâlik, commentaire de ashal almasâlik, dâr alfikr, 2000, P. 98.
[4] Voir la sourate Marie, la Famille d'Imrân ou encore le festin.
[5] Op. Cit.. la Sainte Bible, Jean VIII, 10, 11.
[6] Lévitique, XX, 10. Deutéronome XXII, 22.
[7] Idem, XVIII, 20.
[8] Ibid, XX, 17.
[9] Chawkâni, fathulqadir, tome 2, pp. 60 et suivant
[10] Hud, verset 91.
[11] Marie, verset 46.
[12] La fumée, verset 20.
[13] Yasin, verset 18.
[14] La caverne, verset 18.
[15] Idem, verset 22.
[16] Le pouvoir, verset 5.
[17] La famille d'Imrân, verset 36, les appartements, versets 17 et 34, les abeilles, verset 98, sad, verset 77, l'éclipse, verset 25.
[18] Les poètes, verset 116.
[19] Les femmes, verset 15.
[20] Idem, verset 16.
[21] Lévitique, XX, 13.
[22] Op. cit, Chawkâni, commentaires sous le versets 15, 16, P. 661.
[23] Op. cit, Ibn Hajer, propos 1244.
[24] La lumière, verset 2.
[25] Op.cit, Chawkâni, pp. 368-369.
[26] Xx, 23.
[27] Lévitique XX, 10.
[28] Les coalisés, verstes 1 et 2.
[29] Idem. Chawkâni, P. 369.
[30] Idem, propos 1247.
[31] Ibn ruschd, bidayat al mujtahid, dâr al kutub al ilmiyya, Bierut, 2004, p. 804.
[32] Ibn hajer, Bulûq al murâm, dâr al fikr, Beirut, 1998, PP. 432-433.
[33] Les femmes, 15.
[34] Op. cit, Ibn ruschd, p. 803.
[35] Idem., pp. 804-805.
[36] La lumière, 4 et 13.
[37] Op. cit. Alju'ali (Osman ben Hassanein Berri) , P. 205.
[38] La lumière, verset 4.
[39] Idem, verset 5.
[40] Blanc (François Paul), "Alwalad lilfirâs", révue franco-maghrébine de droit, N° 22.
[41] La lumière, versets 6-8.
[42] Les propos que nous avons rapportés suivant notre formulation est rapporté d'Ibn Abbas par Bokhari, Tirmuzi et Ibn Mâjah. Voir Chawkâni, op. cit. Tome 4, P. 16.
[43] Voir ces cas dans Ibn Hajer, l'atteinte du but بلوغ المرام, dâr al fikr, 1998, pp. 432 et suivant.
[44] Lévitique, XX, 13.
[45] Les femmes, 15, 16.
[46] Op. cit.
[47] En disant je ne te condamne pas le Christ disait ne pas la lapider. De surcroît, les évangiles, qui ne peuvent être lus indépendamment de l'ancien testament, n'en rapportent pas l'abrogation.
[48] La lumière, 2.
[49] Xxii, 20.
[50] Idem, xxii, 22 et 24.
55 réactions à cet article
Ajouter une réaction
Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page
Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.
FAIRE UN DON