« Le Grand Silence » : un documentaire pour tous
Sorti le 20 décembre dans les salles de cinéma, Le Grand Silence ne semblait voué qu’à être vu par des croyants, qui plus est catholiques. A la lecture des commentaires parus dans la presse sur les entrées de ce film documentaire, il n’en est rien ! Il attire un public très hétéroclite, composé à la fois de pratiquants, de nonnes, de prêtres en soutane, mais aussi des curieux, des jeunes qui s’intéressent à cet ovni cinématographique . Il serait regrettable en effet qu’un tel documentaire ne reste que dans une sphèrechrétienne, tant il concerne à la fois la place de l’Homme dans la vie, l’appréciation du temps, la plénitude de nos engagements face à la vie.
Le monastère de la Grande Chartreuse est situé dans la montagne à 40 minutes de Grenoble et à 1190 mètres d’altitude. C’est un site désert et propice à la méditation, c’est sans doute ce qui fit qu’en 1084, saint Bruno y fonda son ordre, l’un des plus austères. Les moines y font voeu de silence et passent leur temps en prières, en tâches pour le monastère. La discipline, pour stricte qu’elle est, leur permet aussi de se retrouver lors des messes par exemple, et plus rarement, en promenade, lors desquelles il leur est permis de rompre le silence.
Mais tout l’intérêt du documentaire réside dans la façon qu’a eue le réalisateur de le tourner. Est-ce parce qu’il a respecté le voeu de silence durant six mois que Philip Gröning nous livre un film à la fois si cru et si sincère ? On y entre vraiment dans l’intimité des moines, on épouse leur silence. Dans la salle, nul bruit, quelques spectateurs pris d’une toux, qu’on tente de dissimuler, car le silence est contagieux.
Sur l’écran défile la vie des moines, d’une simplicité déroutante : repas dans la cellule, prière, méditation. Aucune place pour l’inutile, le superficiel. Enfermé dans le monastère pour la vie, en contemplation, chaque geste compte, chaque son compte. On se laisse aller à une sorte de contemplation de soi-même, on y comprend l’engagement de ces moines, un engagement simple, loin de la réalité batailleuse et vaine de la vie du monde, des disputes politiques et partisanes.
Ce documentaire ne cherche pas à expliquer un fonctionnement quelconque du monastère ; les paroles y sont rares, tout est tourné sur l’humain : pourquoi un tel engagement ? Qu’est-ce qui motive ces moines ? On y voit deux moines prendre l’habit, dont le frère Marie Pierre, jeune Africain, avec un sourire satisfait, ainsi que son parcours à travers les différentes exigences de la vie monacale. On rentre dans les cellules, on observe leurs prières, dans la solitude, on observe leurs travaux, on assiste à leurs chants, superbes, au lever du jour.
Puis, après presque trois heures de silence, le film prend fin... Alors, on se lève, et on sort... en silence.
Ce film a reçu le prix du meilleur documentaire par l’European Film Academy 2006 - prix Arte, l’auteur a demandé l’autorisation de tourner en 1984, et n’a eu de réponse que 16 ans plus tard. Plus qu’un film, c’est une expérience mystique pour le croyant, une expérience sur la vie pour celui qui ne l’est pas.
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