Le nouveau paysage religieux américain
Les États-Unis sont un pays religieux où on ne peut pas se faire élire sans adhérer à une église quelconque, si possible fondamentaliste, et où l’on apprend aux enfants des écoles que Dieu – masculin s’il vous plait – a créé le monde en six jours avant de prendre un repos bien mérité le septième. Du moins, c’est ce que l’on pourrait croire au vu des nouvelles et des reportages qui nous en arrivent. Heureusement, il arrive aux américains de faire des sondages et le dernier en date, réalisé par le Trinity College auprès de – excusez du peu – 54.000 personnes, ne raconte pas tout à fait la même histoire.
La fin du monopole chrétien
Environ 76% des Américains se considèrent comme chrétien. Cela peut paraître beaucoup mais c’est 10% de moins qu’en 1990 et ce malgré une importante immigration hispanique, très majoritairement catholique. C’est d’ailleurs grâce au catholicisme que le christianisme se maintient plus ou moins à flot, les autres dénominations subissant un déclin marqué. Certes on est loin de la situation française ou même européenne – le christianisme a encore quelques beaux restes, mais il prend manifestement le même chemin.
Le déclin du protestantisme traditionnel
Ce sont les églises protestantes traditionnelles – baptistes, méthodistes, luthériens, presbytériens – qui souffrent le plus. En 1991, elles représentaient prés de 40% des américains. Cette proportion est tombée à moins de 30% aujourd’hui. C’est principalement le christianisme « non-denominationel » associé aux « mega-church » et les groupes évangéliques qui bénéficient de cette érosion. Cette évolution est loin d’être un signe de bonne santé pour le protestantisme américain dans son ensemble, cependant. Sa part dans la population est pour la première fois tombée en dessous de 50% et si les Etats-Unis restent un pays majoritairement protestant, cette majorité n’est plus aujourd’hui que relative, et tout indique qu’elle va continuer à s’éroder.
La lente extinction du judaïsme
Si le nombre de juifs au sens culturel du terme reste stable, le judaïsme en tant que religion continue à s’affaiblir. 3.137.000 personnes se considéraient comme de religion juive en 1991, elles ne sont plus que 2.680.000 aujourd’hui, soit moins que les mormons et probablement les wiccans. Dans le même temps l’Islam continue son implantation même si avec 1.349.000 fidèles et 0.6% de la population sa place reste modeste.
La montée de l’irréligion
Même si le pourcentage d’américains qui se déclarent ouvertement athée reste très faible (0.7%) de la population, l’irréligion, autrefois marginale, fait des progrès considérables. 34.169.000 d’américains, soit 15% de la population déclare n’appartenir à aucune religion. Ils n’étaient que 8% en 1991. C’est cette croissance de l’irréligion qui constitue, qui constitue la plus grande menace pour le christianisme américain, d’autant plus qu’elle s’accompagne d’une baisse notable de ferveur chez ceux qui se déclarent chrétiens. Prés de 30% des américains ne croient pas à un dieu personnel et 27% ne souhaitent pas d’enterrement religieux, ce qui indique qu’un certain nombre de « chrétiens » ne suivent pas la religion à laquelle ils appartiennent théoriquement.
La croissance de la Wicca
L’enquête du Trinity Collège fait également ressortir une croissance notable du nombre des adeptes des nouveaux mouvements religieux. Ils étaient 1.296.000 (0.8% e la population en 1991), ils sont désormais 2.804.000, soit 1.2% de la population – plus que les juifs. Le terme nouveaux mouvements religieux regroupe des traditions aussi disparates que la scientologie ou le néo-druidisme, mais il semble que l’essentiel de cette croissance soit due à la Wicca où des religions apparentées. Apparue en Angleterre dans les années 50, la Wicca est une religion néo-païenne, bithéiste ou polythéiste selon les versions, avec une forte dimension écologique. Pratiquée par quelques milliers de personnes à peine dans les années 80, elle a cru de manière explosive, par capillarité sociale, malgré son refus du prosélytisme. Ses adeptes étant le plus souvent discrets par crainte de persécutions de la part de leurs voisins chrétiens, son importance est, d’ailleurs, probablement sous-évaluée.
Les Etats-Unis ont encore du chemin à faire avant de devenir une société séculière moderne et la religion chrétienne y garde une importance inhabituelle dans les pays industrialisés, mais cette exception est d’abord un retard, né du rapport particulier que les églises américaines ont toujours entretenu avec les pouvoirs établi. Ce retard, cependant, et contrairement à ce qu’on croit en France, ils sont en train de le rattraper et on peut espérer que tôt ou tard, même les méga-church seront remplacées par des épiceries... ou des temples de Diane.
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