Le pape François à Marseille dans quelques jours...
« Qui est le responsable de ce sang ? (…) Qui est le responsable du sang de ces frères et sœurs ? Personne ! Tous nous répondons ainsi : ce n’est pas moi, moi je ne suis pas d’ici, ce sont d’autres, certainement pas moi. (…). Aujourd’hui personne dans le monde ne se sent responsable de cela ; nous avons perdu le sens de la responsabilité fraternelle ; nous sommes tombés dans l’attitude hypocrite du prêtre et du serviteur de l’autel, dont parlait Jésus dans la parabole du Bon Samaritain : nous regardons le frère à demi mort sur le bord de la route, peut-être pensons-nous "le pauvre", et continuons notre route, ce n’est pas notre affaire ; et avec cela, nous nous mettons l’âme en paix, nous nous sentons en règle. La culture du bien-être, qui nous amène à penser à nous-même, nous rend insensibles aux cris des autres, nous fait vivre dans des bulles de savon, qui sont belles, mais ne sont rien ; elles sont l’illusion du futile, du provisoire, illusion qui porte à l’indifférence envers les autres, et même à la mondialisation de l’indifférence. Dans ce monde de la mondialisation, nous sommes tombés dans la mondialisation de l’indifférence. Nous sommes habitués à la souffrance de l’autre, cela ne nous regarde pas, ne nous intéresse pas, ce n’est pas notre affaire ! » (le pape François, le 8 juillet 2013 à Lampedusa).
Décidément, le pape François, qui va sur ses 87 ans (en décembre), a une santé d'enfer (ou de fer). À la fin du mois de mars, il souffrait d'une grave infection respiratoire, le 26 avril, il était hospitalisé pour une « forte pneumonie aiguë dans la partie inférieure des poumons » (selon l'intéressé le 30 avril 2023 de retour d'un voyage en Hongrie), et le 7 juin, il était hospitalisé pour une opération délicate à l'abdomen... et malgré cela, à la fin de l'été, il a quand même réussi à tenir le coup pour participer aux JMJ (Journées mondiales de la jeunesse) au Portugal du 2 au 6 août 2023 et aussi pour effectuer une visite en Mongolie du 31 août au 4 septembre 2023, un voyage qu'il considérait très important pour s'adresser aux catholiques chinois depuis Oulan-Bator. Dans quelques jours, il inaugurera l'automne en se rendant à Marseille, invité par le cardinal Jean-Marc Aveline, archevêque de Marseille.
La venue du pape à Marseille, dans le cadre des Rencontres Méditerranéennes 2023 qui démarrent ce week-end, a été officiellement annoncée le 31 mars 2023 par l'archevêché de Marseille. Au fil des mois, elle a été confirmée malgré les pépins de santé. À l'origine, le pape ne devait venir qu'une petite journée, celle du samedi 23 septembre 2023, la participation à la clôture de la semaine de rencontres et une grande messe. Cette messe aura bien lieu au stade Vélodrome samedi après-midi, 67 000 fidèles y sont attendus (deux jours après un match de la Coupe du monde de rugby, France vs Namibie), mais le programme pontifical à la cité phocéenne s'est entre-temps étoffé.
Le pape François arrivera en effet la veille, le vendredi 22 septembre après-midi à l'aéroport de Marignane. Il sera accueilli par le Président de la République française Emmanuel Macron qui a par ailleurs confirmé qu'il serait présent à la messe pontificale. En outre, les deux hommes s'entretiendront le 23 septembre en fin de matinée au Palais du Pharo.
Faut-il s'indigner que le chef de l'État participe à une messe ? Il fut un temps où chaque Président de la République assistait aux messes dominicales, c'était le cas des trois premiers Présidents de la République De Gaulle, Georges Pompidou et Valéry Giscard d'Estaing. C'était le cas aussi de Jacques Chirac. Même François Mitterrand a eu "sa" messe à Notre-Dame-de-Paris ! Au fur et à fur que la religion musulmane est entrée dans la société française, certains zélateurs de la laïcité se sont crus autoriser à fustiger la pratique religieuse des chefs de l'État. Ils ont bien le droit de faire ce qu'ils veulent. Quant à représenter la France auprès du pape, qui est également un chef d'État (du Vatican), qui le reprochera à Emmanuel Macron ? Ne pas vouloir le faire aurait été au contraire critiquable et on ne s'en serait d'ailleurs pas privé...
La première destination du pape durant son séjour marseillais est Notre-Dame de la Garde, pour un temps de prière avec les prêtres du diocèse puis, vendredi en fin d'après-midi, un temps de recueillement interreligieux devant la stèle dédiée aux marins et aux migrants noyés en mer où le pape prendra la parole.
Le lendemain en début de matinée, le pape rencontrera à l'archevêché des personnes en situation de précarité économique avant de prendre part à la clôture des Rencontres Méditerranéennes au palais du Pharo où il prendra la parole pour la conclusion. Il quittera Marseille pour Rome à l'issue de la grande messe au Vélodrome.
Les Marseillais ont de quoi se réjouir de cette visite papale, car c'est extrêmement rare qu'un pape vienne séjourner à Marseille. Le précédent remonte au 5 novembre 1533 avec Clément VII (1478-1534), il y a presque cinq siècles ! Cela change de l'actualité souvent très négative et terrible qu'on entend généralement de Marseille : la dernière en date est certainement l'une des actualités les plus scandaleuses, la mort de Socayna, cette étudiante de 24 ans en seconde année de droit qui étudiait ses cours tranquillement dans sa chambre, chez elle, et qui a été mortellement blessée le 10 septembre 2023 par un tir de kalachnikov.
Les Français peuvent aussi être fiers de la venue du pape. On lui a reproché d'avoir précisé qu'il venait à Marseille et pas en France. Effectivement, lorsqu'il est arrivé au Vatican, le pape François avait souhaité ne visiter aucun des grands pays d'Europe, afin de se concentrer sur les "petits" pays. En dix ans de pontificat, il n'est donc jamais allé en France, pourtant "fille aînée de l'Église" selon une terminologie ancienne (qui date du roi Charles VIII en référence au baptême de Clovis) et qui est un tantinet datée depuis qu'elle est l'une des nations les plus laïques au monde.
Plus exactement, le pape a dit le 5 février 2023, dans l'avion de retour de son voyage au Soudan du Sud : « Le critère est le suivant : j'ai choisi de visiter les plus petits pays d'Europe. Vous me direz : "Mais vous êtes allé en France". Non, je suis allé à Strasbourg, j’irai à Marseille, pas en France. Les plus petits, les plus petits, pour connaître un peu l'Europe cachée, l'Europe qui a tant de culture mais qui n'est pas connue de tout le monde, pour accompagner des pays, par exemple l'Albanie, qui a été le premier, qui est le pays qui a souffert de la dictature la plus cruelle de l'histoire. Mon choix est un peu le suivant : essayer de ne pas tomber moi-même dans la mondialisation de l'indifférence. ».
Il a récidivé le 6 août 2023, dans l'avion de retour de Lisbonne, pour expliquer les raisons profondes de sa venue à Marseille : « Je suis allé à Strasbourg, j'irai à Marseille, mais en France non !... Il y a un sujet qui me préoccupe, c'est le sujet de la Méditerranée. C'est pour ça que je vais en France. L'exploitation des migrants est criminelle. Pas ici en Europe, parce que nous sommes plus cultivés, mais dans les camps d'Afrique du Nord... Je recommande la lecture : il y a un petit livre, petit, qu'un migrant a écrit, qui pour venir de Guinée en Espagne a passé je crois trois années parce qu'il a été capturé, torturé, réduit en esclavage. Les migrants dans ces camps du nord : c'est terrible. En ce moment, la semaine dernière, l'association Mediterranea Saving Humans, travaillait pour récupérer des migrants qui se trouvaient dans le désert entre la Tunisie et la Libye, parce qu'ils les avaient abandonnés là, à mourir. Ce livre s'appelle "Hermanito", en italien, il a pour sous-titre "Petit frère", il se lit en deux heures, ça en vaut la peine. Lisez-le et vous verrez le drame des migrants avant leur embarquement. Les évêques de la Méditerranée feront cette rencontre, avec aussi quelques responsables politiques, pour réfléchir sérieusement sur le drame des migrants. La Méditerranée est un cimetière, mais ce n'est pas le cimetière le plus grand. Le plus grand cimetière, c'est l'Afrique du Nord. C'est terrible, lisez-le. Je vais à Marseille pour cela. ».
Effectivement, le pape François a déjà foulé le sol français le 25 novembre 2014 mais pour s'exprimer au Parlement Européen de Strasbourg et à l'Assemblée du Conseil de l'Europe, il n'était donc pas exactement en France mais en Union Européenne et au Conseil de l'Europe. Le choix des voyages de pape (lieux et dates) est crucial, d'autant plus aujourd'hui où sa santé est diminuée, son âge très avancé, le plus avancé depuis Léon XIII (1810-1903), et donc, forcément, son temps compté. Le pape le remarquait le 4 septembre 2023 à son retour de Mongolie : « Je vais vous dire la vérité, pour moi faire un voyage maintenant n’est pas aussi facile qu’au début, il y a des limitations dans la marche et cela conditionne. Mais nous verrons. ».
C'est donc pour la France et pour Marseille une heureuse exception que le pape a accepté de faire afin de participer aux Rencontres Méditerranéennes 2023. C'est ce qu'a déclaré l'archevêque de Reims, Mgr Éric de Moulins-Beaufort, président de la Conférence des évêques de France, devant ses confrères évêques réunis le 31 mars 2023 à Lourdes en assemblée plénière : « Le pape, nous en sommes conscients, vient pour la Méditerranée, nous lui sommes reconnaissants d’avoir accepté de rencontrer au moins le temps d’une messe le peuple de Marseille et les Français. (…) Cette rencontre sera pour notre Église en France un moment de joie. ».
Il avait réservé son premier voyage hors du Vatican à Lampedusa, le 8 juillet 2013 afin de prier pour les réfugiés noyés dans la Méditerranée, et comme une sorte de cercle vicieux permanents, l'actualité est retournée à cette île italienne qui reçoit encore un grande nombre de réfugiés partis des côtés nord-africaines, toujours au péril de leur vie. La situation n'a guère évolué même si les raisons géopolitiques ont peut-être un peu changé. Pendant ces dix ans de pontificat, le pape François a sillonné la Méditerranée, se rendant à Naples, Malte, Chypre, Jérusalem, Le Caire, Tirana, Lesbos, etc.
Il y a dix ans à Lampedusa, le pape François protestait déjà contre l'indifférence des souffrances, l'absence de compassion : « Qui a pleuré pour la mort de ces frères et sœurs ? Qui a pleuré pour ces personnes qui étaient sur le bateau ? Pour les jeunes mamans qui portaient leurs enfants ? Pour ces hommes qui désiraient quelque chose pour soutenir leurs propres familles ? Nous sommes une société qui a oublié l’expérience des pleurs, du "souffrir avec" : la mondialisation de l’indifférence nous a ôté la capacité de pleurer ! (…) Demandons au Seigneur la grâce de pleurer sur notre indifférence, de pleurer sur la cruauté qui est dans le monde, en nous, aussi en ceux qui dans l’anonymat prennent les décisions socio-économiques qui ouvrent la voie à des drames comme celui-ci. » (8 juillet 2013). Il est probable qu'il renouvellera à Marseille son appel salutaire contre la mondialisation de l'indifférence avec ce genre de paroles.
Aussi sur le blog.
Sylvain Rakotoarison (16 septembre 2023)
http://www.rakotoarison.eu
Pour aller plus loin :
Le voyage du pape François à Marseille (22 et 23 septembre 2023).
Mgr Jacques Gaillot.
Mgr Albert Decourtray.
Maurice Bellet.
Lucile Randon (Sœur André).
François : les 10 ans de pontificat du pape du bout du monde.
Santé et Amour.
Le testament de Benoît XVI.
Célébration des obsèques du pape émérite Benoît XVI le 5 janvier 2023 (vidéo).
L’encyclique "Caritas in veritate" du 29 juin 2009.
Sainte Jeanne d'Arc.
Sainte Thérèse de Lisieux.
Hommage au pape émérite Benoît XVI (1927-2022).
Les 95 ans du pape émérite Benoît XVI.
L’Église de Benoît XVI.
Saint François de Sales.
Le pape François et les étiquettes.
Saint Jean-Paul II.
Pierre Teilhard de Chardin.
La vérité nous rendra libres.
Il est venu parmi les siens...
Pourquoi m’as-tu abandonné ?
Dis seulement une parole et je serai guéri.
Le ralliement des catholiques français à la République.
L’abbé Bernard Remy.
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