Le syndrome 2012, J - 666
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Le risque, quand on est arrivé à se persuader de la conviction que la fin du monde est pour une date bien précise, est qu’il devient inéluctable que l’on meure précisément ce jour là, sous peine de grave conflit interne avec sa « propre » conscience. De cette seule façon, l’on est garanti de la véracité du fait. L’inconvénient commence lorsqu’on a cherché à convaincre tout son entourage, un cercle de condisciples, les auditeurs de son blog, ou toute sa famille, et intervient dès le lendemain à l’heure du réveil, au moment du constat. En effet, si la date fatidique ne correspond à rien de réel, l’échéance passée, il devient difficile de faire face à son auditoire que l’on a, sans plus le moindre doute, tenté de tromper, de corrompre, ou de soudoyer à des fins multiples. Le procès à venir pour ceux-ci risque d’être plus douloureux que la mort victorieuse leur donnant entièrement raison.
Tout un chacun est absolument libre de croire ou non à ce genre d’effet de mode sauf que 2012 est pratiquement le dernier avant l’autoroute de mille an... Seulement voilà, rien n’empêche d’être persuadé du terme de cette échéance tout en n’en n’ayant absolument jamais parlé à personne. Mais il en va différemment si vous avez un poste de direction, du personnel sous vos ordres ou que vous êtes président d’un collège ou de la République. Je prends le pire exemple pour une raison simple, c’est que ce dernier a les moyens de la confirmer pour quand il veut. Cette absence de vue sur le long terme qui régit le flux tendu facteur de stress, fait partie de la stratégie management à laquelle l’on devrait pouvoir attribuer le courant de vague de suicides qui frappe notre Société.
Pour comprendre ce syndrome chronique et récurrent comme n’importe quel anniversaire, retrouvons ses traces dans le passé proche ou lointain. En effet, tous les huit cent ans, il se passe un phénomène parallèle, exactement comme si s’établissaient en règles enfin digérées et reconnues, les statuts de la civilisation humaine. Charlemagne premier roi carolingien et Childéric III dernier roi mérovingien, ont juste succédé à la victoire de Charles Martel sur l’invasion musulmane en 732. Il est probable que la prise de conscience de l’établissement du territoire catholique par une nouvelle et forte autorité, annonçait l’heure du bilan et de la récapitulation autour du religieux et préparait déjà l’anniversaire du millénaire à venir. Il s’établit pour cette date comme une exposition universelle. Mille ans après, un autre roi qui ne pressentit pas ce phénomène sociétaire fut guillotiné au cours d’une sanglante Révolution française de 1789 ( 1,130,000 résultats ).
Tous les mille ans, il se passe donc quelques phénomènes semblables depuis Jésus Christ, et aux échéances dont les conséquences immédiates sont explicites : Entre 1008 et 1048, eurent lieu huit conciles régionaux, en Angleterre, en France et en Italie pour préconiser des réformes contre les abus et les dysfonctionnements du système roman et gothique. Le pape Nicolas II (1058-1061), défendit aux clercs de recevoir une église des mains d’un laïc et d’obtenir des charges ecclésiastiques contre de l’argent. Le pape Grégoire VII (1072-1085) établit une importante réforme monastique (la réforme clunisienne) et pontificale (la réforme grégorienne). Il fallut tirer au clair les conclusions des évènements du lendemain, le premier janvier de l’an mille, et organiser les statuts de la future association, dans la hiérarchie des responsabilités et devoirs de chacun.
Déjà à l’époque, le respect de la parole du Christ, à l’origine du mouvement semi planétaire et également semi temporel, exigeait de séparer les actes d’argent et de dons, d’avec la foi et le spirituel. L’œuvre de mémoire véhiculée par les gardiens du temple qu’étaient les prêtres nécessitait d’être détachée des biens matériels dont se libéraient les croyants qui offraient tous leurs biens au clergé par abstinence matérielle, bénévolat dévot ou donation de convertis. Mais personne ne devait en devenir par contrat, propriétaire nominatif. Ces événements, dont il existe peu de traces écrites ni d’explications publiques, est directement lié à la paranoïa née du syndrome de la fin du premier millénaire après JC, et sa conséquence la plus vérifiable est l’apparition dans les deux cent ans qui suivirent, de quantité de d’édifices magnifiques existant encore aujourd’hui, les si merveilleuses cathédrales. Ces constructions gigantesques et inspirant le respect de tous temps, sont directement nées de la volonté des entités qui refusèrent de croire en la fin du monde, et qui soumirent les médisants, crédules, et mécréants ayant prôné l’erreur et poussé les faibles au suicide.
Ceux qui crurent en l’Église et son message d’espoir vainquirent les contradicteurs, qui eux, le reprenaient systématiquement à l’envers pour soudoyer la fortune ou les possessions d’autres plus faibles d’esprit. Le travail sans forcer de l’Église fut de faire des plus costauds et résistants contradicteurs, les plus habiles compagnons de la construction des plus formidables édifices de tous les temps, les premiers et plus hauts bâtiments fabriqués sur une architecture aux murs non porteurs. Et tout bascula exactement dans cette période charnière, du passage au deuxième millénaire. Mais, dès la fin de leur construction, les ennuis reprirent de plus belle puisque les réformes ayant été établies pour les programmer furent ainsi condamnées et remises en cause lors du deuxième concile de Latran en 1139. La simple curiosité peut ainsi donner naissance à la sournoise convoitise.
En effet, l’enseignement des foules passe par une stratégie, une pédagogie tendant à leur faire assimiler l’an 01 comme point de départ temporel commun à tous. Ceci passe effectivement par l’apprentissage d’un langage commun afin que tous soient bien d’accord sur les échéances à venir. Cet enseignement s’est exercé dans le passé très lointain par le dessin, et les restes de ceux-ci que l’on a retrouvé dans la grotte de Lascaux en sont un vibrant témoignage, et particulièrement émouvant sur ce très beau site magnifiquement numérisé. Bien plus tard, après la construction des cathédrales, il suffisait de montrer les copies papier de celles-ci, et, en cas d’incrédulité du sujet, de l’y emmener, pour le convertir instantanément. Ces grandioses monuments sont à la hauteur de la scission née d’avec les nombreux sauvages opposants à la vérité enseignée, et des graves conséquences de leur campagne de vandalisme en faveur de la fin des temps.
Il en est de même dans l’époque bousculée que nous vivons aujourd’hui, ou le partage équitable n’est pas la règle la plus universelle des contrats humains qui se scindent entre deux tendances dominantes. Ceux qui optent pour une attitude à très court terme, les « après moi le déluge », échafaudant une civilisation en carton pâte et pâte à modeler siccative, ou le durable ne se manifeste que par l’étalement repoussant la durée de digestion de leurs déchets loin des yeux, et qu’ils croient balayés par la première pluie. Ils entrent en conflit avec les seconds, reliés aux cultures ancestrales traditionnelles, et qui voient beaucoup plus loin sur tous les plans, bien que ne bougeant jamais de leur modeste territoire.
Évidemment, les premiers pensent sauver du monde en jetant leurs déchets sur le terrain des seconds pour qu’ils les trient et les sélectionnent selon ses goûts et leurs besoins. Mais ils participent aussi à leur tendre la main en leur achetant l’art que ceux-ci produisent de leurs mains, comme les sculptures en cannettes vides de sodas, ou autre rebuts dont les bourgeois opulents abondent. Les premiers se contrefoutent de l’impact qu’il peuvent bien engendrer sur la planète dont ils ont pourtant une conscience bien plus étendue que les seconds, puisqu’ils en font maintes fois le tour, mais l’étendue de leur avancée qu’ils jugent salvatrice laisse des traces redoutables. Ce n’est pas écrit sur leur front, mais il croient pour la plupart à la fin des temps proche, ne mégotant pas sur l’art de profiter de « tout tout de suite », avant la fin du monde qu’ils s’accordent tacitement à situer désormais très exactement le 21/12/12. Ne me demandez pas à quoi cela correspond-il, je n’ai aucun ami ni Maya ni Inca...
Donc, entre ces deux engeances, il y a forcément incompatibilité, mais les rôles sont répartis autour de la date fatidique constituant l’échéance induite par les premiers, et au déficit des derniers. Le lendemain du jour J, les premiers deviendront immanquablement les derniers et réciproquement. Ils prennent les seconds pour des idiots qui regardent en l’air, alors qu’ils ont les yeux rivés sur le sous-sol, leur seul véritable trésor vital. Mais alors, quel intérêt me direz vous à échafauder une telle théorie avant terme, si ce n’est celui de pratiquer une politique du tout-est-possible-et-permis-et-à-dieu-vat-on-verra-bien, ou du chacun-pour-moi-et-ma-cour-rapprochée-de-fidèles.... Mais surtout, il invalide le profiteur / flatteur de toute dette puisque le monde est sensé disparaître au jour J. En un mot, c’est l’art de montrer l’immensité de la nuit étoilée dans la direction vague mais appuyée d’une destination invisible, en hypnotisant les yeux du lésé sur la direction du bout du doigt, en focalisant son sens de l’ouïe avec quelque insistance verbale appuyée et ce, juste pour éteindre le sens du toucher de la victime qui lui, ne sent pas la main qui s’introduit dans sa poche...Le buzz autour de cette date peut même être étayé par une éventuelle nouvelle planète qui montrerait son nez à la date exacte, remettant tout en cause d’un nouveau suspense intenable.
Il est probable également que l’ensemble des pires acteurs de la mondialisation soient entièrement appuyés sur ce syndrome de tout leur poids et convictions, et la solidarité de leurs réseaux leur donne aussi le pouvoir de mener à terme cette tragique échéance. Mais d’un autre point de vue, l’idée de savoir que la civilisation pourrait s’écrouler brutalement ce jour là, et envoyer tout le monde au tapis des lamentations peut être un soulagement pour tous ceux qui souffrent d’injustices inhumaines.
Conclusion, en cas de réelle fin du monde, point n’est besoin d’avoir choisi son camps, par contre, en cas d’échec, dès maintenant se pose la question de son intérêt propre et distinct, sur le court ou long terme auquel greffer son quotidien.
Documents joints à cet article
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