Les Frères musulmans : leurs liens avec les fanatiques dénoncés

 

Le Congrès Musulman Canadien (CMC), ou, en anglais Muslim Canadian Congress (1), fondé par Tarek Fatah, se revendique comme le porte-parole national, au Canada, de l’islam libéral, et il est reconnu par ¨Poste de Veille (2) comme " la seule organisation de musulmans véritablement modérés au Canada". Il a été formé à la suite des événements du 11 septembre 2001 par un groupe de musulmans torontois favorables à la société ouverte et à la laïcité. Il s’est opposé à l’usage de la charia et a pris parti en faveur du mariage gay. Il a critiqué le financement public des écoles non laïques.Ses prises de distance par rapport au reste de la communauté musulmane, jugées excessives par certains, provoqua un schisme en 2006. Ce schisme témoigne d’ailleurs de la difficulté qu’une association musulmane vraiment progressiste peut rencontrer dès lors qu’elle atteint le seuil où elle devient crédible. Les dissidents formèrent la Canadian Muslim Union (3), qui se veut également libérale tout en travaillant davantage au sein même de la communauté musulmane. La Canadian Muslim Union n’est pas reconnue comme progressiste par Poste de Veille (2).

 

Nous tenions tout d’abord à signaler l’existence du CMC. Les associations musulmanes véritablement progressistes sont rares, très rares, mais c’est une raison de plus pour en parler quand on en rencontre. On ne va pas bouder les bonnes nouvelles.

 

 

Presque seul au milieu d’un silence médiatique assourdissant, le CMC a réagi énergiquement aux attentats perpétrés le vendredi 28 mai 2010 (5) à Lahore au Pakistan, attentats simultanés qui visaient deux mosquées appartenant à la secte musulmane progressiste des Ahmadis (5). Des inconnus, équipés de vestes remplies d’explosifs, ont tiré sur les fidèles au fusil d’assaut et lancé des grenades dans les deux lieux de culte en pleine prière du vendredi. "Quelque 80 personnes ont été tuées dans les deux attaques", a déclaré Sajjad Bhutta, chef de l’administration de la municipalité. Au moins 108 personnes ont été blessées, a ajouté le Dr Rizwan Nasir, chef des services de secours de la ville. 

Lahore, deuxième ville pakistanaise, compte plus de huit millions d’habitants.

Le Pakistan connaît depuis bientôt trois ans une vague d’attentats - près de 400, suicides pour la plupart - et d’attaques de commandos perpétrés pour l’essentiel par les talibans alliés à Al-Qaïda, qui a fait près de 3.400 morts dans tout le pays. Certaines de ces attaques visent des communautés minoritaires de l’islam au Pakistan, les chiites essentiellement, mais aussi les ahmadis, aussi appelés qadianis, notamment à Lahore, berceau de cette obédience qui prône un islam moderniste et libéral et oeuvre dans l’aide aux défavorisés. 

Cette secte a été longtemps persécutée au Pakistan, selon des organisations de défense des droits de l’Homme. Les sunnites et les chiites considèrent les ahmadis comme des hérétiques. L’Organisation de la conférence islamique (13) les a déclarés non musulmans en 1973, leur interdisant le pèlerinage à La Mecque.

LES DENONCIATIONS D’HERESIE SONT CRIMINOGENES

Le Congrès Musulman Canadien réagit très vigoureusement à l’attaque de Lahore en appelant les musulmans d’Amérique du nord à reconnaître les Ahmadis comme des leurs (2). C’est à dire à rejeter l’étiquette d’hérétique apposée à cette secte pakistanaise authentiquement progressiste, pacifique et sociale. Le refus de la notion d’hérésie est consubstantiel au CMC qui bien avant que les attentats de Lahore viennent apporter une démonstration de plus du caractère criminogène de cette étiquette, écrivait déjà (12) : "We define a Muslim as any person who identifies himself or herself as a Muslim" ("Nous considérons comme musulmans tous ceux et toutes celles qui se considèrent eux-mêmes comme tels").

 

Le CMC pointa énergiquement la responsabilité des idéologues, y compris ceux vivant au Canada, dans la diabolisation criminogène des supposés hérétiques :

 

« Il est temps que les musulmans du Canada assument leurs responsabilités et reconnaissent qu’en diabolisant des sectes islamiques minoritaires et en les déclarant non musulmanes, ils ont contribué aux crimes contre l’humanité commis par les terroristes djihadistes, qui sont animés par le culte de la mort et agissent au nom de l’islam », a déclaré Salma Siddiqui, vice-présidente du CMC.

La veille du massacre, Madame Siddiqui et Tarek Fatah, le fondateur du CMC, avaient rencontré les chefs de la communauté des musulmans ahmadis du Canada pour discuter des problèmes de sécurité qui se posent dans le contexte d’une propagande croissante contre les ahmadis, et cela non seulement au Pakistan mais également au Canada. 

Le CMC précise que les leaders islamiques du Canada ne se sont pas limités à déclarer hérétiques les ahmadis : ils ont également considéré que les ismaéliens (8) ne sont pas de vrais musulmans, et tourné en dérision leurs pratiques jugées non islamiques et indignes de respect.

La déclaration du CMC note par ailleurs «  qu’il est tragique que les deux seules sectes de l’islam qui se sont vouées à la paix et à la réconciliation soient aujourd’hui classées « non islamiques » par les courants islamiques dominants d’Amérique du nord et par leurs maîtres à penser d’Arabie saoudite et d’Iran ».

Dans sa déclaration, le CMC rend par ailleurs les grands médias pakistanais responsables de la flambée du discours contre les ahmadis, les ismaéliens et les chiites. Il désigne en particulier la chaîne de télévision GEO, qui est reçue aux États-Unis, au Canada et au Royaume-Uni. Ce réseau est devenu la voix d’Al Qaida et des talibans et répand la haine contre ces communautés et contre les non-musulmans, un message qui se propage au sein même du Canada. La chaîne GEO a créé un climat de peur chez les sectes musulmanes minoritaires du Pakistan et parmi les minorités religieuses non musulmanes.

LES LIENS AVEC LES FRERES MUSULMANS

Le CMC se déclare également très troublé par les liens des fanatiques djihadistes du Pakistan avec les Frères musulmans (7) et la Jamaat-e-Islami (6), qui ont des filiales aux États-Unis et au Canada. Il a appelé le gouvernement canadien à déclarer organisations terroristes la Jamaat-e-Islami et les Frères musulmans (4) , ainsi que Jaish-e-Muhammad (9) , Sipah Sahaba (10) et Lashkar-e-Jhangvi (11), en raison du soutien que tous ces organismes apportent à Al Qaida et aux talibans.

Le CMC demande instamment à Ottawa d’interdire l’accès du Canada à toute personne liée à ces groupes et de placer sous surveillance leurs filiales afin d’éviter qu’elles deviennent une menace, au Canada, pour les musulmans modérés et progressistes ainsi que pour les ahmadis et les ismaéliens. 

En particulier, la Jamaat-e-Islami (JI en abrégé), parti politique islamique pakistanais (6) dispose d’un réseau dans tout le Canada et propage chez les musulmans canadiens une attitude hostile et intolérante à l’égard des non-musulmans et du Canada. La Jamaat-e-islami envisage un gouvernement islamique au Pakistan gouvernant selon la loi islamique (charia). Il est contre l’occidentalisation, notamment contre le capitalisme, le socialisme et d’autres principes tels l’intérêt bancaire, le contrôle des naissances ou les libertés individuelles.

« Les filiales des Frères musulmans et de la Jamaat-e-Islami (6) ne sont pas moins hostiles envers les sectes musulmanes minoritaires et l’Occident, mais elles ont appris à faire attention à ce qu’elles disent car elles construisent leur pouvoir en infiltrant les médias et les partis politiques, et en prenant le contrôle du courant islamique dominant du pays », a déclaré Mme Siddiqui.

Je ne sais pas si c’est un hasard, mais les Frères Musulmans me semblent particulièrement ciblés, en ce moment, sur les sites de ré-information canadiens. Outre sa grande série de décryptage du discours faussement lisse de Tariq Ramadan (17), Point de bascule vient de faire paraître une autre série de quatre articles intitulée De la guerre froide à la guerre sainte des Frères musulmans (14). Dans le même temps, Poste de Veille décrypte les techniques de la "takya" ("mensonge pour tromper l’ennemi", très prisé comme technique de guerre islamique) (15), et interwieve Mohammed Sifaoui sur Tariq Ramadan (16).