23.000 enfants cobayes à New-York qui n’intéressent personne
Bien qu’il ne s’agisse pas d’une véritable nouveauté (les faits remontent à fin 2004), je reste toujours fasciné qu’un scandale d’une telle ampleur reste confiné à quelques rares articles ou émissions... Cela est tellement gros qu’on a l’impression qu’il s’agit d’un canular de très mauvais goût. Malheureusement ce n’est pas le cas. L’histoire est si sordide qu’on peut la résumer en quelques points sans entrer dans les détails : - Depuis plusieurs années, plus de 23.000 bébés et enfants issus de familles pauvres, essentiellement d’origine noire ou hispanique, ont été retirés à leurs mères malades (souvent droguées et séropositives) pour être placés dans un centre d’accueil de l’assistance publique. - Le but de l’opération est de les faire participer, en tant que cobayes, à un programme d’essais sur des médicaments expérimentaux contre le HIV à des doses plus élevées que la posologie normale. Selon certains témoins, la séropositivité de tous les enfants n’est pas toujours médicalement prouvée. Par ailleurs, puisque les enfants sont soit abandonnés, soit retirés à leurs parents, soit orphelins, les tests sont réalisés sans aucun consentement légal d’un quelconque tuteur. Ou plus précisément, le tuteur légal est dans ce cas le centre d’accueil public... - Tout ceci ne se passe pas de manière cachée dans un bidonville du tiers monde mais en plein cœur de New York, dans des centres d’accueil qui ont reçu tous les accords de l’administration publique (ACS et ICS) et qui sont sponsorisés par le NIH (National Institute of Health) ainsi que par des laboratoires pharmaceutiques comme GlaxoSmith-Kline, Pfizer, Abbott... - De nombreux témoignages relatent les cas d’enfants meurtris, drogués, transpercés par des sondes gastriques quand ils refusent de prendre les médicaments imposés et qui décèdent parfois dans des conditions inhumaines. L’ordre médical a défendu ces essais en soutenant qu’ils permettaient à ces enfants de bénéficier d’une thérapie de pointe à laquelle ils n’auraient pas pu avoir accès normalement... En dehors du scandale de toute cette histoire, qui peut-être n’est pas encore totalement prouvée à 100%, pourquoi pratiquement personne n’en parle ? Pourquoi tous ceux à qui je raconte ces faits n’y croient pas ? Et si pour une raison ou une autre tout ceci était uniquement une manipulation, pourquoi personne n’essaie de la démonter une fois pour toutes ? Pourquoi ne préfère-t-on pas enquêter en profondeur sur ce phénomène, et mettre plutôt en avant dans nos médias, d’autres faits, certes graves, mais presque risibles en comparaison ? J’aimerais bien connaître combien de minutes ont été consacrées à ce scandale par rapport aux centaines d’heures consacrées par exemple à la libération de tel ou tel otage, aux galipettes de tel ou tel président, à la profanation de tel ou tel monument. Tous ces exemples sont certes importants et doivent être commentés dans nos médias mais peut-être faudrait-il un jour aussi pouvoir faire un peu mieux la part des choses... Même sur Internet, le poids d’une telle affaire est ridicule par rapport au reste. Tapez sur Google "Guinea Pig Kids" (littéralement "enfants cobayes", l’expression associée à ce scandale). Vous obtiendrez moins de 800 résultats ce qui constitue à l’échelle Internet une infime gouttelette d’eau, d’autant plus que la plupart des pages sont issues de forums de discussion, de blogs ou de pages personnelles. Comparez ensuite avec les centaines de milliers de pages consacrées à n’importe quel sujet qui fait la une de vous journaux. Le ratio que l’on trouve varie en moyenne de 1 à 10.000. Pour une page consacrée aux enfants cobayes ont en trouve plus de 10.000 consacrés à des sujets biens moins graves. Est-ce vraiment raisonnable ? Cela étant dit, si le scandale a pu éclater c’est grâce au reportage diffusé par la BBC le 30 novembre 2004 intitulé justement Guinea Pig Kids. Voir également, le reportage vidéo de Democracy Now au sujet de l’enquête de la BBC. Quelques mois auparavant, un article du journal britannique The Observer indiquait bien que la plupart de ces essais visaient à tester la "toxicité" des médications contre le SIDA : "l’un d’entre eux consistait à administrer en une seule prise un cocktail fortement dosé et composé de 7 substances à des enfants de 4 ans. Un autre test observait les réactions de bébés de 6 mois auxquels on avait donné une double dose de vaccin contre la rougeole". Plus récemment, il faut aussi signaler des reportages de la Télévision Suisse Romande et ainsi que celui de Canal Plus dans Lundi Investigation du 23/05/2005 (voir la vidéo en fin d’article). La presse francophone "papier" en revanche est restée bien discrète comme le montre le site Pressed (une base de données qui archive la plupart des journaux francophones). La grande majorité des quotidiens ont ignoré la question et les rares à l’avoir prise en considération l’ont fait de manière très factuelle : 8 lignes dans Ouest France du samedi 7 mai 2005, 241 mots dans Libération du même jour. Idem pour Nice Matin du 6 mai 2005. Dans un domaine assez proche, en 2002 un journaliste de France 3 avait écrit un ouvrage sur les enfants cobayes atteints de cancer. L’auteur avait enquêté sur le fonctionnement des services de cancérologie de l’enfant. Les essais thérapeutiques "randomisés" consistant à donner aux malades un traitement tiré au sort, étaient devenus une règle presque inéluctable dans nos hôpitaux. Qui a déjà entendu parler de ce livre ? Trois ans après sa publication qu’est ce qui a changé ? Encore un sujet qui n’intéresse personne !
Mise à jour (19/06/2006) :
Hasard du calendrier... Pratiquement un an après avoir écrit cet article, je viens de trouver par hasard la vidéo de Lundi Investigation sur DailyMotion (23/05/2005). J’espère que vue la gravité des faits, Canal+ nous n’en voudra pas de la reproduire ici. Le son est très faible : merci de mettre le volume au maximum.
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