Aliments « ultra-transformés » et risque de cancers : 3 règles d’or pour sauver notre santé
Une récente étude associant des chercheurs de l’Inserm, de l’Inra et de l’Université Paris 13 suggère une association entre la consommation d’aliments ultra-transformés et le sur-risque de développer un cancer. Plus précisément, une augmentation de 10% de la proportion d’aliments ultra-transformés dans le régime alimentaire s’est révélée être associée à une augmentation de plus de 10% des risques de développer un cancer au global et un cancer du sein en particulier.
Face à un tel constat, deux attitudes sont possibles : pester contre les industriels et ne rien changer à notre comportement (c'est le plus facile) OU faire quelques efforts sur nous-mêmes et, si nous sommes nombreux dans cet effort, forcer les industriels (guidés par leur seul intérêt) à nous suivre.
Commençons par donner la définition de ce qu'on appelle des « aliments ultra-transformés » (AUT).
La classification NOVA catégorise les aliments selon quatre groupes, en fonction de leur degré de transformation industrielle :
1/ aliments peu ou pas transformés (exemples : légumes, tubercules, racines ou fruits nature, riz, graines de blé, jus de fruits frais ou pasteurisés sans substances ajoutés, plantes aromatiques, viande fraîche ou séchée, œufs frais et en poudre, yaourt à base de lait et ferments lactiques, sans sucre ni ajout de lait en poudre, thé, tisanes, café...).
2/ ingrédients culinaires transformés (exemples : huiles végétales, graisses de noix de coco et graisses animales, sucre de table, sirop d'érable 100%, mélasse et miel, sel de table).
3/ aliments transformés (exemples : conserves de légumes, légumes secs, fruits en boîtes et bocaux, noix et graines salées, poisson fumé ou salé, jambon fumé ou salé, sardines et thon en boîte, fromages, vin, bière, cidre...).
4/ aliments ultra-transformés (AUT).
Un AUT, selon le Dr Anthony Fardet, chargé de recherche en alimentation préventive et holistique, « c’est un aliment dont on ne peut même pas reconnaître l’origine naturelle tellement sa matrice est modifiée. Vous aurez beau chercher, vous ne tomberez jamais sur un élevage ou un champ de barres chocolatées ! Ce sont des aliments créés de toutes pièces par l’homme ».
Le groupe des « aliments ultra-transformés » comprend, pêle-mêle : les pains et brioches industriels, les biscuits apéritifs, les sodas et boissons sucrées aromatisées, les nuggets de volaille et de poisson, les plats préparés, les plats surgelés, la pâte à tartiner, les barres énergétiques, les saucisses, les poissons reconstitués, certaines marques de céréales, les yaourts aux fruits, les hamburgers, les hot dog, la margarine, les préparations pour nourrissons (petits pots, purée...), les soupes instantanées, et tous produits transformés avec ajout de conservateurs autre que le sel (nitrites par exemple), ainsi que les produits alimentaires principalement ou entièrement constitués de sucre, de matières grasses et d’autres substances telles que les huiles hydrogénées et les amidons modifiés.
Pour distinguer les « aliments transformés » des « aliments ultra-transformés », prenons quelques exemples.
Les compotes de fruits avec seulement du sucre ajouté sont considérées comme des « aliments transformés », tandis que les desserts aux fruits aromatisés avec du sucre ajouté, mais également des agents texturants et des colorants sont considérés comme des « aliments ultra-transformés ». De même, les conserves de légumes uniquement salées sont considérées comme des « aliments transformés » alors que les légumes industriels cuits ou frits, marinés dans des sauces et/ou avec des arômes ou texturants ajoutés (comme les poêlées industrielles de légumes) sont considérés comme des « aliments ultra-transformés ».
En février dernier, une étude réalisée en France (cohorte NutriNet-Santé), et publiée dans le British Medical Journal suggérait donc que la consommation d’aliments dits "ultra-transformés" accentuait le sur-risque de cancer. Une augmentation de 10% de la proportion d’aliments ultra-transformés dans le régime alimentaire est associée à une augmentation de 6 à 18% du risque de développer un cancer en général et de 2 à 22% pour le risque de cancer du sein. Plus spécifiquement, "les graisses et sauces ultra-transformées et les produits et boissons sucrées sont associés à un risque accru de cancer globalement, et les produits sucrés ultra-transformés étaient associés à un risque de cancer du sein", selon les auteurs.
Selon le Dr Anthony Fardet, "il faut réaliser que l'explosion des maladies chroniques dans les pays occidentaux [à l'instar du diabète sur le long terme] a été concomitante avec l'arrivée massive des aliments ultra-transformés dans les grandes surfaces depuis les années 1980". Mais ce n'est probablement pas la seule cause : l'ajout de substances dont certaines sont toxiques (nitrite de sodium, dioxyde de titanium...), les emballages qui peuvent libérer des substances toxiques (bisphénol A dans les emballages en plastiques...) et la modification de la flore intestinale, le microbiote, sont vraisemblablement impliquées dans ces problèmes.
Selon un rapport de l’Insee publié en 2008 : "En 45 ans, la part de l’ensemble des plats préparés à base de viande, de poisson et de légumes au sein du repas [autrement dit, des produits ultra-transformés] a plus que doublé pour atteindre 41 % en 2006" en France, au détriment des produits demandant davantage de préparation personnelle.
Les AUT représenteraient, selon Anthony Fardet, jusqu'à 80 % des produits vendus en grandes surfaces aujourd'hui.
Le succès de ces produits tient au fait qu’ils sont peu coûteux et faciles à consommer. Un avantage non négligeable dans une société pressée, obsédée par le gain de temps et les résultats instantanés.
Dans une interview à Lyon Capitale, Michael Moss (lauréat du Prix Pulitzer) déclare :
"Si vous me demandez si l’industrie agroalimentaire peut fabriquer des aliments plus sains, je pense que oui, pourvu qu’ils y affectent leurs meilleurs scientifiques et que les gens soient prêts à les acheter. Car Wall Street sera là, à attendre les chiffres des ventes : si les produits plus sains ne se vendent pas bien, Wall Street va presser les entreprises pour reprendre leurs versions moins saines".
Alors, que faire ?
Le Dr Fardet nous enjoint à modifier massivement nos comportements de consommateurs, seul moyen de forcer les industriels à s'adapter aux exigences de leurs cibles.
Il conseille de ne pas consommer plus de deux portions d'aliments ultra-transfomés par jour : "Je n'y suis pas farouchement opposé. Simplement, je pense qu'il faut prendre conscience qu'il ne faut surtout pas en abuser au risque d'être victime de divers maux chroniques". En clair, les AUT devraient servir à nous dépanner (ou à nous faire plaisir) occasionnellement, mais ne surtout pas constituer la base de notre alimentation.
Dans la vidéo ci-dessous, Anthony Fardet explique sa vision holistique de la nutrition, qu'il oppose à l'approche réductionniste en vogue dans les sciences depuis Descartes. En gros, les nutriments contenus dans un aliment brut valent plus - de par leur synergie - que la somme de ces nutriments s'ils sont destructurés dans un produit ultra-transformé.
Il livre aussi ses trois règles d'or pour une alimentation saine, durable et éthique :
1. Ne pas manger plus de 15% de calories animales par jour, soit une portion quotidienne, accompagnant les légumes (qui devraient être la base du repas).
2. Une base alimentaire peu ou pas transformée (85%). Ne pas dépasser 15% de produits ultra-transformés.
3. Manger diversifié, mais surtout des aliments peu ou pas transformés, qui contiennent les micronutriments protecteurs.
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